1.4. Le développement de l'élevage et son
impact du la production agricole
La promotion de l'élevage dans la logique de la
révolution verte répondait à deux impératifs.
Eponger dans un bref délai le déficit en protéines
animales auquel faisait face le pays afin de compléter l'autosuffisance
alimentaire, et procurer des animaux de trait pour la culture attelée.
La philosophie de la révolution verte considère que
l'élevage constitue son second volet après la production
végétale. Ainsi, une large diffusion des bienfaits de
l'élevage a été faite durant les années
quatre-vingt, notamment par des sensibilisations et des séminaires
extraordinaires à travers tout le territoire. Cette politique
d'incitation et de sensibilisation voulait mettre en application les
recommandations du 6èm congrès national du RPT portant
sur la production agro-pastorale. À l'issue de ce congrès, le
Général Eyadema appelait tous ses compatriotes à traduire
dans les faits lesdites recommandations. Le message du Général
Eyadema à ce conseil était très illustratif : «
...l'autosuffisance alimentaire serait incomplète si la production
agricole79 n'est pas suivie de la production animale
»80. A l'issue de ce conseil, il
lança un appel solennel à tout Togolais quel que soit son rang
social ou son niveau d'éducation, à veiller à la
croissance de la production agropastorale. Pour ce faire, diverses mesures
aussi bien institutionnelles que techniques ont été mises en
place. Ainsi cinq inspections régionales de vétérinaires
à raison d'une par région ont été
créées. Celles-ci coordonnent et centralisent les
activités des inspections préfectorales installées dans
toutes les préfectures du pays. L'objectif principal de ces institutions
était d'assurer la santé animale par des campagnes de
vaccination. Sur le plan technique, cinq centres d'élevage ont
été mis à contribution, à savoir : le Centre de
recherche et d'élevage d'Avétonou-Togo (CREAT),
créé en 1964 grâce à une coopération
germano-togolaise, il fut restructuré à partir de 1977 suivant la
logique de l'heure. Ainsi, le centre étendit ses activités
à la recherche sur la trypnotolérance
bovine81. A partir de 1980, le centre se dota d'un
programme de vulgarisation et distribua sous forme de crédit des bovins
(de race n'dama et locale) et des petits ruminants de race
djallonké aux paysans de la zone d'Agou alors
sous-préfecture. L'élevage sous palmerais de la SONAPH,
créé en 1982 visait à utiliser les bovins pour le
nettoyage des palmeraies de la Société pour un meilleur
développement des palmiers à huile, et à valoriser les
sous-produits
79 Ici, la production agricole sous-entend la
production végétale.
80 Discours du G. Eyadema, lors du
6èm congrès national du RPT, du 03 au 08
Décembre 1982.
81 C'est d'ailleurs à
partir de cette date qu'il devient le Centre de recherche et d'élevage.
Avant cette date, il ne faisait que des activités d'élevage.
51
agro-industriels. Le ranch Bena-développement, une
société mixte germano-togolaise, créée en 1971 dans
la région des plateaux, avait pour objectif dans le cadre de le
politique d'autosuffisance alimentaire, de produire de la viande de boucherie
pour l'alimentation des centres urbains. Le centre produit aussi du porc. La
capacité d'entretien du centre était estimée à 10
000 têtes de bovins sur une superficie de 27 000 km2, mais il
n'utilisait que 5 000 ha en 1985, pour une production globale de 2 000
têtes, dont 240 porcs qui étaient livrés
mensuellement82.Le ranch de l'Adélé
dans le centre du pays assurait une production de taureaux N'dama
réputés à la fois pour l'attelage, la consommation et
surtout pour sa résistance à la trypanosomiase, alors que celui
de Namiélé situé dans l'extrême nord du pays
notamment dans les Savanes fournissait de bons boeufs de trait.
L'élevage à cycle court conduisit les dirigeants à initier
un programme nommé « projet petits ruminants ». Ce
projet disposait de plus de 2 000 ovins. Il entrait dans la logique de la
politique d'encouragement à l'élevage des volailles, des caprins,
des porcins et des assins. A la fin du quatrième quinquennat en 1985,
l'inventaire des troupeaux était le suivant : 207 792 têtes de
porcins, 401 181 têtes de bovins (y compris ceux importés) et 649
565 têtes d'ovins-caprins83. Le fait que le
nombre d'ovin-caprins soit supérieur à ceux de toutes les autres
bêtes vient corroborer l'option prise par les dirigeants de
réduire dans un bref délai le déficit protéique par
le développement du petit élevage à cycle
court84.
Pour stimuler la production toute entière, l'Etat avait
aussi misé sur les intrants agricoles. 1.5. La vulgarisation des
intrants
La vulgarisation des intrants de type moderne se résume
à des semences sélectionnées, de l'engrais et des
insecticides. C'est par définition la constituante de base de toute
révolution verte. La production de semences sélectionnées
(maïs, riz, sorgho, niébé, arachide, soja) est
assurée depuis 1977 par la Ferme semencière de Sotouboua,mais
aussi par certaines des structures de type administratif ou para-administratif
d'encadrement du milieu rural, et aussi par des « paysans semenciers
».Les semences améliorées voient leur production
s'accroître d'une façon notoire. De 1978 à 1981, la
production du maïs sélectionné est passée de 248
tonnes à 436 tonnes, celle du sorgho de 2 tonnes à 153 tonnes,
celle du riz de 98 tonnes à 354 tonnes et celle des arachides de
82 PROPTA, 1988, p. 71.
83 Ministère du plan et de
l'industrie : 20 ans d'effort de planification pour le développement du
Togo, p. 63.
84 Pour plus d'informations, lire
Maman, 2011, p. 95.
52
16 tonnes à 153 tonnes85. Quant aux engrais
et aux insecticides, importés en totalité, ils coûtent
chers, même si l'engrais vivrier est subventionné à 50 %
par l'État depuis 197586. Pour mieux réussir la
politique d'engrais, l'Etat avait créé depuis 1976 le Service
national des engrais et de moyens de production. Ce service se chargeait de
l'élaboration et de la définition de la politique en
matière d'engrais et moyens de production. Il se chargeait aussi de la
diffusion au niveau des utilisateurs des thèmes techniques
indispensables à l'optimisation de l'engrais. Outre ces attributions, le
service des engrais s'occupait de toutes les transactions et opérations
ayant trait à la commande, la vente et la distribution des engrais,
produits phytosanitaires, et appareils de traitement. Il avait aussi la
responsabilité de la gestion des ressources financières provenant
de diverses sources. En 1983, ce service fit de nombreuses réalisations.
Depuis sa création, le service avait réalisé jusqu'ici 3
000 parcelles de démonstration qui jouèrent pour beaucoup dans la
sensibilisation des populations paysannes. Une trentaine de magasins ont
été construits dans les zones à vocation de production
vivrière et cédés aux DRDR de ces
localités87. Ceci augmenta la consommation des engrais au
niveau national. En effet, les importations d'engrais sont passées de
5400 tonnes en 1977 à 24 000 tonnes en 198188. Les pesticides
quant à eux étaient plutôt bénéfiques aux
producteurs de culture de rente notamment les cotonculteurs. En effet, en 1985,
un paysans togolais qui décide de produire du coton
bénéficiait mis à part de l'engrais-coton (NPKSB), de
l'insecticide, un pulvériseur à piles de type ULV contre une
contribution forfaitaire de seulement 600 FCFA89. L'essor que le
coton avait pris à cette époque en surclassant les produits
traditionnels d'exportation (le café et le cacao) en est le principal
motif. Les importations des insecticides sont passées de 240 000 tonnes
en 1978 à 675 000 tonnes en 1981, soit une progression spectaculaire de
181,125 %, même si l'essentiel est utilisé par les
cotonculteurs90.
85 Ministère du plan et des mines,
Stratégie de développement à moyen terme, 1984, p. 16.
86 En conséquence, Schwartz montre qu'en
1987-1988, pour une culture aussi importante que celle du maïs par
exemple, le stade III d'encadrement tel que défini par les responsables
de l'agriculture togolaise (utilisation par les paysans de semences
sélectionnées et de fumure) ne touche, suivant les
régions, que de 2,5 % (régions des Plateaux et des Savanes)
à 11,8% (région Maritime) des superficies emblavées.
87 Rapport annuel, DRDR, 1983, pp. 162-163.
88 Ministère du plan et des mines,
Stratégie de développement à moyen terme, 1984, p. 16.
89 Schwartz, 1996, p. 3.
90 Ministère du plan et des mines,
Stratégie de développement à moyen terme, 1984, p. 16.
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