1.3. Le développement de la culture
attelée
L'attelage constituait aussi un autre volet de la
modernisation agricole tant prêchée par les pouvoirs publics.
Cette pratique avait été initiée depuis longtemps et avait
gagné la confiance des paysans de l'extrême Nord du pays. Ce qui
n'était pas le cas au Sud. Dans la politique de la révolution
verte, on chercha surtout à l'intensifier dans les zones où elle
existait déjà et à la propager dans celles où elle
n'existait pas encore. Les matériels d'attelage étaient
initialement produits et distribués par le Centre de recherche
d'élevage et d'agriculture d'Avétonou (CREAT), qui vulgarisait
l'association agriculture-élevage. Mais à partir de
l'année 1982, pour une meilleure prise en charge de la culture
attelée, l'Etat décide de la création de deux organismes
en la matière. Le premier, l'Unité de production des
matériels agricoles (UPROMA), installé à Kara devait
s'occuper de la fabrication des matériels nécessaires à
l'attelage. Le second, Projet pour la promotion de la traction animale (PROPTA)
installé à Atakpamé se chargeait de vulgariser les
matériels produits par l'UPROMA dans les milieux paysans. Cet organisme
coordonne aussi toutes les actions liées à cette pratique et des
programmes connexes. En plus de ses sections purement administratives, le
PROPTA dispose au niveau national de cinq divisions techniques chargées
de la coordination du suivi sanitaire des animaux de trait, de la distribution
des animaux, de l'approvisionnement et de l'amélioration de
l'équipement de traction animale, de la formation technique ainsi que
des activités de contrôle et d'évaluation. Grâce aux
actions conjuguées de ces deux organismes, la traction animale va
connaître un essor spectaculaire comme le montre le graphique 1.
48
Graphique n °1:Evolution de
l'attelage au Togo de 1978 à 1984
4500
4000
3500
3000
2500
2000
1500
1000
500
0
1977 1978 1979 1980 1981 1982 1983 1984 1985
Source : Réalisé par
nous, à partir de Klutse A., Amegbeto K., et Westneat A., 1987 : 343.
Ce graphique montre que d'un peu plus de 1 000 en 1978, le
nombre de d'attelages en atteignant les 4 195 en 1984 avait presque
quintuplé. Mais il est clair que sur ce fort taux de croissance (303, 36
%) de l'attelage au Togo, le taux d'adoption n'était pas le même
d'une zone à une autre, sur la même période, comme le
montre le graphique 2.
Graphique n° 2: Taux de d'adoption de la culture
attelée au Togo de 1978 à 1984
5 4,5 4 3,5 3 2,5 2 1,5 1 0,5 0
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Savanes Kara/Central Plateaux Maritime
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Source : Réalisé par nous,
à partir de Klutse A., Amégbéto K., Westneat A., 1987 :
343.
49
D'une façon plus significative, les paysans de la
région des Savanes ont atteint un taux proche de 7 %. Cependant dans les
régions de la Kara et du Centre ce taux avoisine 1% alors que les
agriculteurs de la région Maritime et de la Région des Plateaux
n'ont montré qu'un faible intérêt pour cette technologie.
Plusieurs raisons expliquent l'assise de la culture attelée dans la
région des Savanes. Les sols de la région des Savanes sont
généralement légers et les champs sont plats et ouverts;
ce sont des conditions favorables aux animaux plus petits et moins chers,
disponibles au Togo. La végétation de cette région
(Savanes) est clairsemée et ceci permet de débarrasser facilement
les terrains des souches, des buissons et des roches. Cette
caractéristique facilite beaucoup la transition du travail à la
houe à celui de traction animale. Les paysans de la région ont
été eux-mêmes propriétaires de troupeaux de bovins
depuis longtemps. Cette familiarité avec ce type de bétail
facilite sa préparation et son utilisation pour la traction animale. En
plus, le nombre d'animaux provenant du Burkina Faso et du Niger est plus
élevé chez les agriculteurs des Savanes que chez les paysans du
Sud. Par conséquent, les prix des animaux sont plus bas dans le Nord.
Par contre dans le sud du pays, les conditions d'emploi d'animaux paraissent un
peu pénibles que dans le sud.
En effet, pour B. Akondo75., au sud, les sols sont
lourds, ce qui rend difficile le dessouchage de la terre, alors que celle-ci
constitue une étape importante avant le labour, car c'est elle qui
balise la voie à celui-ci. L'une des raisons du faible taux d'adoption
de la culture attelée dans le sud était aussi la non adaptation
des boeufs trait aux conditions climatiques, et l'absence de soins
adéquats pour y remédier. Les témoignages suivants en sont
illustratifs : « Les animaux (de trait) apportés du nord vers
le sud, ne supportaient pas le climat... Le personnel soignant n'était
pas à mon avis à la hauteur...» (Y.
Nagnango76). « J'ai encore le matériel de traction,
mais sans les boeufs. Ils sont morts par ce qu'ils ne supportaient pas le
climat » (K. Abolo77). Certaines zones comme la plaine du
Mô, n'ont même pas été concernées par la
politique d'introduction de la culture attelée. En effet, selon notre
enquête menée dans le village de Djarkpanga (dans la plaine du
Mô), auprès d'un ancien producteur du coton, on peut retenir ceci
: « Il n'y a eu ici, aucune politique de l'attelage et de
mécanisation agricole. L'accès même à notre village
ne fut possible que grâce aux pistes de desserte pour le transport du
coton » (S. Tchédré78).De ce qui
précède, il est clair que le
75 B. S. Akondo, ingénieur agricole, ancien
Chef régional de la protection des végétaux à Kara,
entretien du 24 mai 2014 à17h 05, à son domicile à
Agoé.
76 Y. Nagnango., ingénieur agricole, et
Directeur exécutif de la Centrale des producteurs de
céréales (CPC) du Togo, entretien du 28 mai 2014 à 12 h03,
dans son bureau à Tsévié.
77 K. H. Abolo, producteur agricole,
président de l'Union des producteurs de céréales du canton
d'Agbélouvé (UGPCC), entretien du 28 mai 2014 à 16 h 15,
à son domicile à Agbélouvé.
78 S. G. Tchédré, ancien producteur de
coton, entretien du 31 mai 2014 à 10 h 00, à Djarkpanga.
50
développement de la culture attelée passe
nécessairement par la promotion de l'élevage, et les promoteurs
de la révolution verte ne l'avaient pas ignoré.
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