1.2. La promotion d'une agriculture motorisée
Afin de « produire plus pour dépendre moins de
l'extérieur », il fallut que l'agriculture togolaise passe du
stade de subsistance à celui de dégagement d'excédents
vivriers (pour la commercialisation ?). Pour cela, il fallait transformer ce
secteur dominé essentiellement par l'énergie humaine avec l'usage
de la houe, de la hache ou de la machette entre autres. C'est pourquoi la
motorisation de l'agriculture était l'un des soucis majeurs des
promoteurs de la révolution verte. Aussi décidèrent-ils
dès 1977, d'acquérir un impressionnant parc de matériels
agricoles très diversifiés allant des petits appareils maniables
à la main aux gros tracteurs et aux bulldozers. Ce parc contenait
dès sa mise en place, 332 tracteurs, 88 unités de transports, 48
unités de terrassement, 31 bulldozers, et plus de 1000 accessoires
(herses, charrues, semoirs...)71. Les tracteurs
servaient à emblaver des grandes surfaces pour des cultures telles que
le coton ou le maïs qui nécessitent de grands espaces. Les
bulldozers s'occupaient des infrastructures rurales et les unités de
transports permettaient de desservir les zones même les plus
reculées. Le cliché 1 montre un tracteur, l'une de ces machines
en activité.
Cliché n °1: Un tracteur,
outil technique de la révolution verte dans un champ, en
1983
Source : La Nouvelle Marche
n° 994 du lundi 15 mars 1983, p. 11.
71 Pour plus d'informations, lire A.
Schwartz, 1989, p. 100.
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Mais les ORPV et les DRARAC qui avaient en charge la gestion
de cet grand parc n'ont pris qu'une seule année pour mettre la
moitié des matériels en mauvais états. Elles ont
été loin de leurs objectifs qui étaient de valoriser le
parc, plutôt, elles l'ont réduit à
néant72. C'est ce qui précipita la
création de la Société togolaise d'exploitation de
matériels agricoles (SOTEXMA) en 1978 pour prendre le relais. Celle-ci,
étant une société d'économie mixte, changea de
formule de gestion du matériel, qui est désormais loué
à tout intéressé, qu'il soit privé ou public aux
fins de travaux de labour et d'entretien des routes de desserte dans le domaine
du génie rural. Mais elle subira le même sort entraînant
ainsi sa dissolution en 1982 pour n'avoir pas pu équilibrer ses fonds.
En 1984 la Société de gestion du matériel agricole
(GEMAG), dirigée par un Européen, avait pris les nouvelles
charges d'entretien de ce parc devenu boiteux depuis 1978, mais le nombre de
matériel ne cessa de chuter au jour le jour, pour cause de mauvaise
gestion et des pannes répétées73 (Maman, 2011 :
83-85). Nombreuses sont les causes qui expliquent l'échec de la
tentative de mécanisation agricole au Togo pendant la période de
la révolution verte. Selon Y. Nagnango74, les paysans n'ont
pas été associés à la politique de
mécanisation durant la révolution verte. Il pense aussi que cette
politique a manqué d'accompagnement tout au long de la chaîne du
travail. Pour lui, « Il faudrait que le paysan exprime lui-même,
son désir de posséder le tracteur, dans ce cas sa gestion et son
entretien seront d'une efficacité importante... il faudrait aussi que le
champ du paysan soit d'abord accessible... on aurait dû introduire
d'abord, les engins de dessouchage des champs, ensuite le labour... il fallait
aussi accompagner le tracteur des pièces essentiels de rechange
». Il apparaît donc que la politique de mécanisation
agricole voulue par la révolution verte, n'avait donc pas suivi une
démarche participative, qui associe le producteur qui est le premier
concerné. Elle a aussi souffert du manque d'une politique de
développement des pistes rurales afin de rendre les champs et les zones
de production agricole accessibles aux tracteurs et aux autres engins de
transport des denrées produites. L'entretien des engins de labour ne fut
aussi pas efficace, un tracteur dans une ferme, sans mécanicien, et sans
les pièces de rechange réduit à néant l'effort du
paysan. En effet, l'agriculture togolaise, est essentiellement pluviale. Le
paysan doit donc se soumettre au rythme de la pluviométrie des saisons
(cf. chap. 1). Donc, après la tombée d'une pluie par exemple, le
paysan dispose de
72 Pour plus d'informations, lire A.
Schwartz, 1989, p. 100.
73 Le GEMAG avait fait preuve d'une gestion
indélicate du parc de matériels que l'Etat lui avait
confié, conduisant ainsi à sa liquidation judiciaire en 1988.
Après sa liquidation, seuls quelques tronçonneuses et une presse
hydraulique cédées respectivement à 16 millions et 4,5
millions, avaient été retrouvées (FICAO, faillite
GEMAG, assemblée des créanciers, du 7 juin 1991, annexe
5.
74 Y. Nagnango., ingénieur agricole, et
Directeur exécutif de la Centrale des producteurs de
céréales (CPC) du Togo, entretien du 28 mai 2014 à 12 h03,
dans son bureau à Tsévié.
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deux à trois jours pour labourer son champ,
après cette période la terre se sèche rendant ainsi le
labour pénible. Mais, si dans cette période du lendemain de la
tombée de la pluie, il advenait que le tracteur est crevé - sur
la route parce qu'elle n'est pas tracée, ou n'existe même pas- ou
tombé en panne, cela déprogramme le paysan, parce que, ni les
pièces de rechange, ni le mécanicien ne sont pas sur place. Il
faudra alors attendre d'autres pluies pour espérer labourer. Le paysan
prend donc du retard sur la pluviométrie, sa production reste
menacée. En dehors de la mécanisation, la traction animale aussi
fut entreprise.
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