3.3.3.2 - Les conséquences sur les
activités humaines
La péjoration des conditions climatiques affecte les
activités humaines. A Belgou, ses impacts se perçoivent dans
l'agriculture et l'élevage, principales activités de la
région.
3.3.3.2.1 - Les conséquences sur
l'agriculture
L'agriculture à Belgou est pluviale. Elle est donc
tributaire des précipitations. La tendance à la baisse
généralisée et les variations pluviométriques
constatées ces dernières années ont des
répercussions sur l'agriculture. On assiste alors à une
modification du calendrier agricole, à l'introduction de nouvelles
cultures, à une baisse des productions.
- une adaptation du calendrier agricole
Les populations enquêtées affirment avoir
constaté un recul du début de la saison pluvieuse ; ce qui
entraîne une modification du calendrier agricole. Les semis qui marquent
le début de l'activité agricole dans le village
commençaient auparavant dans le mois de mai, correspondant à la
tombée des premières précipitations. Mais de nos jours,
les semis débutent en juin avec des reprises de semis jusqu'en
juillet.
Cette modification du début des activités
n'engendre pas un grand bouleversement du cycle de travail. Les paysans se sont
adaptés en remplaçant les anciennes variétés
à cycle long (4-5 mois) par des variétés hâtives
(3-4 mois).
64
- L'abandon et l'introduction de nouvelles cultures
De nos jours, les principales spéculations
cultivées à Belgou sont : le petit mil, le sorgho, le maïs,
le niébé, et le sésame. D'après les anciens du
village, le pois de terre était cultivé dans le terroir. Mais
depuis vingt cinq ans environ, cette culture a été
abandonnée. Les vieux n'attribuent pas cet abandon au seul facteur
climatique. Ils pensent que la jeunesse est devenue paresseuse. Selon eux,
lorsqu'on invite les jeunes à la culture de cette plante, ils renoncent
pour cause de fatigue aux travaux des champs de sorgho et de mil.
Des spéculations citées plus haut (le sorgho et
le maïs) peuvent être considérées comme de nouvelles
cultures dans le village. L'introduction de la culture du sorgho date des
années 1970, car selon Bolwig S. (1998), le sorgho n'était pas
mangé au village avant 1970. Mais il est maintenant devenu le produit de
récolte le plus important. Cela voudrait dire que c'est après les
sècheresses de 1973-1974 que les populations se sont
intéressées à la culture du sorgho.
Le maïs est cultivé sur de petites portions et
consommé frais. Les difficultés alimentaires rencontrées
en 2004 ont poussé les Rimaybé à la consommation de la
farine de maïs qu'ils achetaient au marché de Falangountou.
Certains estiment que le maïs procure plus de farine que le mil et le
sorgho. Sa culture pourrait alors gagner du terrain.
- La fluctuation des productions
Les quantités de céréales produites au
cours des saisons dépendent des conditions climatiques, de la
qualité des sols et du paquet technologique appliqué. A Belgou,
selon la population locale, la production céréalière varie
d'une saison à une autre et elle lie cela aux variations et au
changement climatiques. En effet, durant ces dernières décennies,
l'on a constaté des déficits pluviométriques qui
interviennent pour la plupart en milieu de campagne agricole. Cela expose les
plantes au stress hydrique qui occasionne souvent le jaunissement et même
l'assèchement.
A cela s'ajoute les pauses pluviométriques qui sont
devenues plus longues et s'annoncent généralement au stade de
l'épiaison. Ce sont les phénomènes les plus
redoutés par les agriculteurs car une longue pause pluviométrique
peut compromettre toute la récolte.
-L'envahissement rapide des champs par les adventices
L'un des problèmes rencontrés par les
agriculteurs est la pousse rapide des herbes dans les champs, plus
particulièrement ceux situés sur les sols argileux. Les
propriétaires des champs expliquent cette prolifération rapide
des herbes par le fait qu'il y a des périodes où les
65
pluies se succèdent jour après jour et cela ne
leur permet pas de sarcler les champs à temps. Les herbes profitent donc
de ce contretemps pour envahir les champs. Les champs situés sur les
sols argileux sont pratiquement dans la zone de bas-fond. L'infiltration lente
de l'eau dans ces types de sol fait qu'ils sont en permanence humides ; ce qui
fait pousser rapidement les herbes. A cela, il faut ajouter le fait que
l'hilaire, instrument de sarclage des villageois, n'est pas adapté au
travail de ce type de sol.
- La difficile germination des semences
Souvent les très grandes quantités d'eau et les
faibles précipitations enregistrées en début de saison ne
facilitent pas la germination des semences respectivement dans les zones de
bas-fond et de haut de pente. Cette situation s'explique par le fait que les
trop grandes quantités d'eau pourrissent les graines mises en terre.
Toutes ces difficultés amenuisent l'activité
agricole et mettent les producteurs dans l'incertitude totale jusqu'en fin de
saison.
3.3.3.2.2 - Sur l'élevage
Les problèmes rencontrés au niveau de
l'élevage sont d'ordre alimentaire, sanitaire, commercial, ainsi que la
baisse quantitative et qualitative du cheptel.
-Le problème d'abreuvement
Belgou ne dispose pas d'un point d'eau permanent. Cela met les
animaux et les éleveurs dans une situation difficile, surtout lorsqu'on
enregistre des déficits pluviométriques au cours de
l'année. En année de mauvaise pluviométrie, les deux
points d'eau du village constitués de bouli (photo 4) et du cours d'eau
s'assèchent rapidement. Leur dessèchement rapide s'explique aussi
par leur faible capacité de rétention car ils sont très
ensablés. A cela s'ajoute le nombre élevé de demandeurs
surtout en saison sèche pour l'abreuvement de leurs animaux.
-La persistance des maladies
Les variabilités climatiques ont aussi des
répercussions sur la santé des animaux. Lors de nos entretiens,
les populations ont fait remarquer un certain nombre de problèmes
sanitaires. La période de transition entre la saison sèche et la
saison des pluies est la période des maladies diarrhéiques. Cela
s'explique par le changement brusque du régime alimentaire des
animaux
66
qui passe de la consommation du fourrage sec à celle du
fourrage frais. Pendant la période de l'harmattan, les animaux sont
très affectés par les maladies respiratoires.
Photo 4 : Vue partielle du bouli de Belgou
Source : cliché de l'auteur, Août 2007
-L'insuffisance de fourrage
Les défaillances pluviométriques et la
dégradation des sols empêchent le fourrage de pousser
convenablement. La réduction de la zone pastorale et le nombre
élevé du cheptel sont aussi des facteurs qui rendent le fourrage
insuffisant. Le village de Belgou et son voisin Ekewe disposent d'une zone
pastorale. Cependant le manque de terrains agricoles pour les voisins de Ekewe
a poussé ces derniers à empiéter sur la zone pastorale.
L'exploitation collective des résidus de
récolte, notamment les tiges de mil a connu une mutation. Durant ces
dernières décennies, on a constaté que les tiges sont
devenues commercialisables. Ainsi, après chaque récolte, les
tiges sont ramassées et stockées dans le but premier de nourrir
les animaux. Au cas où la saison prochaine s'annonce rapidement avec
disponibilité de fourrage, le reste est vendu.
Selon le responsable de l'élevage, en 2005 la vente de
tiges a causé des problèmes aux éleveurs. Pensant à
l'installation définitive de la saison pluvieuse certains
éleveurs ont vendu
67
le reste de leurs stocks et se sont retrouvés en
difficulté suite à un arrêt brusque des
précipitations.
Le manque de fourrage oblige souvent les Peuhls à la
transhumance. Ces longs déplacements épuisent les animaux et les
expose au vol.
-La perte de forme et la mort des animaux
Le manque de fourrage, l'insuffisance d'eau et la persistance
de certaines maladies ont un impact sur la conformation des animaux. Cela
s'observe surtout en saison sèche où on assiste à
l'amaigrissement du cheptel. En année de sècheresse
prolongée, on assiste parfois à la mort des animaux comme au
cours des décennies 1970 et 1980. Certains témoins affirment que
presque tout le cheptel du village a été décimé
lors de la sècheresse de 1973-74.
-La chute du prix des animaux
En année de mauvaise pluviométrie, les paysans
ne comptent que sur leur cheptel pour faire face au déficit alimentaire.
Cependant, ils rencontrent beaucoup de difficultés liées au prix
des animaux sur le marché. Ainsi, lorsqu'il y a une famine ou un
déficit de production céréalière, les
commerçants baissent les prix des animaux. N'ayant pas le choix, les
paysans bradent leurs animaux afin de subvenir aux besoins à la famille.
Selon un commerçant, il n'y aurait pas braderie mais plutôt des
prix justifiés par la mauvaise conformation des animaux.
Les problèmes qui découlent du changement
climatique sont multiples. Ils se rencontrent dans presque tous les secteurs
d'activités du village. Mais les secteurs les plus touchés sont
l'agriculture et l'élevage. Face à toutes ces difficultés,
les populations tentent tant bien que mal de trouver des solutions. Ils
développent donc des stratégies pour s'adapter au changement et
à la variabilité climatiques.
68
|