PARAGRAPHE 3: La circulation de l'information et la
coexistence des actions préventives et répressives
L'exercice de la police communautaire génère
à coup sûr un flux important d'information et de renseignement
dont il faut bien canaliser la circulation pour en maximiser l'exploitation.
Par ailleurs, en guise de rappel, nous avons recommandé plus haut la
coexistence des approches de police d'ordre et communautaire, toutefois,
comment rendre pratiquement cette cohabitation possible ou plutôt
harmonieuse ? Telles se présentent les préoccupations du
paragraphe.
S'agissant de la circulation de l'information, elle a un
double sens : de la population vers la police et vis-vers-çà.
Dans le premier cas et comme nous l'avons souligné
précédemment, c'est la population qui, elle-même, constate
un fait inhabituel, parfois anodin, mais pouvant avoir une incidence sur la
sécurité. Par exemple, le départ d'un résident
d'une concession ou l'arrivée d'un nouvel occupant dans une maison
peuvent sembler a priori insignifiants ; mais a postériori contribuer
à insécuriser le poste communautaire concerné d'où
la nécessité de consigner ces faits et bien d'autres dans la main
courante tenue par le bénévole pour le compte de ses cohabitant.
Il convient de faire autant pour les menaces de tout genre, les atteintes
à l'ordre public et à la propriété, des
évènements futurs qu'ils soient heureux ou malheureux. A titre
d'illustration, si une famille est frappée d'un deuil et tous ses
membres doivent se déplacer pour le village pendant tout le week-end,
une telle maison est exposée au cambriolage, l'agent de police
communautaire informé devrait renforcer les mesures de
sécurité pour prévenir les actes de cette nature. Si donc
le bénévole est efficace, objectif et exhaustif dans son travail,
l'agent de police communautaire trouvera, à son passage (deux fois au
moins par jour), une masse importante d'information et de renseignement au
point où, en parcourant les registres de main courante de sa zone de
police communautaire, il pourra, en un laps de temps, répercuter
à sa hiérarchie des données pertinentes pour la
sécurité. C'est d'ailleurs grâce à cette
méthode que nous affirmions
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plus haut que dans le cadre de la lutte contre les menaces
asymétriques, la police communautaire facilitait la collecte du
renseignement.
Dans le second cas c'est-à-dire de la police vers la
population, la circulation de l'information peut prendre des formes diverses.
Il peut s'agir de la convocation d'une réunion restreinte ou
élargie, de la programmation d'une activité de police
communautaire, des consignes particulières de sécurité, de
modification d'un emploi de temps initialement arrêté de
manière concertée, de la communication des réajustements
instruits par un échelon supérieur... Dans tous les cas, que ce
soit pour le bénévole ou pour l'agent de police communautaire, le
registre de la main courante est une source indispensable d'information et de
renseignement qu'il faut consulter régulièrement et gérer
avec beaucoup de confidentialité. Il n'en demeure pas moins que d'autres
supports d'information puissent être envisagés selon les
contraintes du message à faire passer. La circulation de l'information
et du renseignement déteint inéluctablement sur la conduite
concomitante des actions préventives et répressives de la
police.
A ce sujet, deux options sont communément
prônées : la première veut que la police communautaire soit
focalisée sur la petite et moyenne délinquance et les mesures
purement préventives tandis que la police d'ordre se consacre à
la grande criminalité et aux mesures répressives en
conséquence les policiers sont spécialisés dans l'une ou
l'autre approche ; la deuxième encourage les policiers polyvalents et
donc qui peuvent d'une part, accomplir les missions préventives et
répressives ; d'autre part, qui, dans chaque approche, peuvent y
accomplir la plupart des spécialités qu'elle comporte.
Dominique Monjardet exprime mieux ces options « En
effet, la police de proximité bouscule les traits essentiels du
système de police français en affichant l'ambition de tourner la
police vers l'usager (plutôt que vers le sommet de la ligne
hiérarchique à Paris) et en introduisant la polyvalence (par
opposition à la spécialisation) comme base du fonctionnement des
services. »1. Entre ces deux options, laquelle
recommandons-nous pour mieux assurer la coexistence des actions
préventives et répressives ? Pour nous, cette coexistence peut se
manifester à travers, entre autres :
? L'unicité structurelle. Nous restons
fidèle à la logique de regroupement des services de la
Sûreté Nationale voire de la sécurité que nous avons
énoncée plus haut au lieu de l'émiettement actuel. C'est
donc à l'intérieur du commissariat de police de
1 Monjardet, 1996, p. 15.
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l'arrondissement qu'une section ou plusieurs voire une
compagnie peut ou peuvent être chargée(s) des actions
préventives tandis qu'une autre ou d'autres serait ou seraient
dédiée(s) aux actions répressives ;
? L'unicité de commandement. Elle
découle de la vision organique d'un commissariat de police d'un
arrondissement que nous rappelons ci-dessus. La coordination de l'unité
est assurée par un responsable et des sous structures s'occupent
séparément des actions préventives et répressives
;
? La polyvalence fonctionnelle. Ce concept
doit être compris dans son ambivalence que nous avons
précédemment expliquée à savoir la capacité
pour un policier, d'une part, à travailler autant dans la police d'ordre
que dans la police communautaire et d'autre part, en se trouvant dans l'une ou
l'autre de ces approches, à assumer des compétences
variées. Pour mieux nous faire comprendre, prenons le cas pratique d'un
établissement scolaire secondaire, dans son fonctionnement quotidien, on
y a besoin des actions préventives donc de police communautaire. Ce qui
n'empêche pas l'agent de police y opérant, informé d'un cas
de délinquance mineure tel le vol de livres à la
bibliothèque, de se muer en enquêteur pour faire les constatations
d'usage, réunir les preuves, rechercher les auteurs et les
déférer au parquet. Le même agent de police, peut
recueillir des renseignements et rédiger des notes conséquentes
à sa hiérarchie. Ce policier est dit polyvalent à
l'intérieur de la police communautaire.
Par contre, si son action préventive n'a pas pu
étouffer l'éclatement d'une grève violente, il ne peut
plus maitriser les troubles à l'ordre public. Il cède sa place au
policiers d'ordre qui eux, vont mener les actions répressives à
cet effet. Ici encore, il n'est pas exclu que bien qu'investis d'une mission
répressive, ces policiers d'ordre utilisent des moyens pacifiques donc
de police communautaire à l'instar du dialogue, de la sensibilisation ou
de la négociation pour ramener l'ordre au lieu de la violence aveugle.
Si une telle perspective est concrétisée, ces policiers d'ordre
auront fait preuve de polyvalence dans la gestion de la grève des
pensionnaires de cet établissement scolaire.
En somme, la maitrise de la gestion de l'information et du
renseignement dans une unité de police communautaire est possible tout
comme la coexistence des approches de police d'ordre et de police
communautaire. Car, ainsi que l'affirme la politique ministérielle
canadienne, « L'approche communautaire ne remplace pas l'action
policière traditionnelle de nature réactive, qui demeure toujours
nécessaire. »1.
1 Ministère de la Sécurité
Publique, 2000, p. 11.
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En conclusion, les mesures administratives et
opérationnelles que nous venons d'expliciter, avec la
perfectibilité inhérente à toute oeuvre humaine, peuvent
assurer une bonne implémentation de la police communautaire.
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