DEUXIEME PARTIE:
AVANTAGES ET PROCESSUS
D'INTERNALISATION DE LA
POLICE COMMUNAUTAIRE
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La première partie vient de démontrer, entre
autres, que la nature favorable de l'environnement camerounais à
l'épanouissement de la police communautaire est une raison qui milite en
faveur de l'adoption de cette approche dans ce pays. La deuxième partie
ambitionne de poursuivre ce plaidoyer en présentant un argument
supplémentaire, les avantages que le Cameroun peut tirer de
l'internalisation de la doctrine de Peel. Bien plus, un processus de cette
adoption est proposé, donnant à ce pan de notre réflexion,
l'articulation en deux chapitres qui sont :
? Des avantages indéniables de l'internalisation de la
police communautaire
? Le processus d'internalisation de la police communautaire.
CHAPITRE TROISIEME:
DES AVANTAGES INDENIABLES DE L'INTERNALISATION DE LA
POLICE COMMUNAUTAIRE AU CAMEROUN
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Nous venons de souhaiter, en démontrant que le Cameroun
est un environnement propice à l'épanouissement de la police
communautaire, que celle-ci y soit internalisée. Il reste cependant
à prouver l'intérêt que le Cameroun gagnerait à
opérer cette mutation. Autrement dit, quels sont les avantages dont le
Cameroun et notamment sa police bénéficie à introduire les
principes de l'approche sécuritaire de Robert Peel dans ses pratiques
professionnelles ? Le dessein de ce chapitre est de soutenir que ces avantages
existent et sont même très diversifiés. Jean Louis Del
Bayle, tout en résumant le but de la police communautaire qui «
est donc de rapprocher le policier de la société...
»1 détaille ses avantages «... tous les
avantages censés s'attacher à ce rapprochement :
pénétration du tissu social, collecte de renseignements,
connaissance des problèmes locaux, familiarité avec la
population, collaboration de celle-ci avec la police, limitation de l'usage de
la violence au profit de la persuasion, consensus autour D'une "police de
service" et d'une "police douce". »2. Les avantages que
nous avons retenus ont été catégorisés en avantages
sécuritaires et non sécuritaires.
SECTION I : LES AVANTAGES SECURITAIRES
Il s'agit des mesures initiées exclusivement ou non par
les services de sécurité mais qui, dans tous les cas, ont un
impact positif sur la qualité des prestations délivrées
aux usagers. Pour examiner ces avantages, notre baromètre a
sélectionné trois dimensions : une récolte abondante et
aisée du renseignement, une coproduction de la sécurité,
une réduction de la criminalité.
PARAGRAPHE 1: Une récolte abondante et aisée
du renseignement
Comment la police communautaire permet-elle une collecte
aisée des renseignements ? La réponse à cette question
passe par la compréhension de l'importance du renseignement dans
l'action des forces de sécurité, la localisation du renseignement
et les modalités de sa collecte.
1 Loubet Del Bayle, 2008, p. 103.
2 Id. p.103.
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Que ce soit à la police où dans d'autres
secteurs de l'activité humaine, le renseignement est une aide à
la bonne décision, un moyen d'agir avec précision et surtout un
outil d'anticipation de résolution des problèmes induisant
l'économie d'énergie, des ressources... Ces différents
rôles du renseignement sont encore plus déterminants lorsqu'il
s'agit de la sécurité.
A titre d'exemple, dans un établissement scolaire, les
responsables, sous divers prétextes, exigent des frais d'examens
officiels au-delà des montants réglementaires et les
élèves estiment que le seul moyen de protester contre cette
mesure est une grève accompagnée éventuellement d'actes de
vandalisme. Si cette information parvient à temps aux autorités
qui, en réaction prompte, ramènent à l'ordre les
dirigeants de l'école concernée, on aura évité la
destruction du patrimoine de l'école, le déploiement des
policiers pour maintenir l'ordre avec les dépenses financières y
afférentes, des arrestations des meneurs et des procès
interminables.
C'est pourquoi, le Délégué
Général à la Sûreté Nationale Mebe Ngo
`ô Edgard Alain, à son temps, disait au cours d'une interview
à la Cameroon Radio and Television ; à l'issue d'une
tournée de prise de contact des services de la Sûreté
Nationale sur l'ensemble du territoire que « L'efficacité de
l'action de la Police dans la croisade contre l'insécurité et le
grand banditisme est tributaire en partie de la coopération citoyenne
des populations; la Police a besoin des informations pour traquer les
malfaiteurs qui vivent au sein de la population. »1.
Cette déclaration du Délégué
Général à la Sûreté Nationale non seulement
souligne le rôle névralgique du renseignement dans les
opérations sécuritaires, mais également indique la
localisation du renseignement : au sein de la population. Si donc cette
population n'a pas confiance en sa police, s'il n'existe pas des
mécanismes simplifiés et crédibles par lesquels cette
population peut communiquer le renseignement en sa possession, si cette
population n'est pas consciente de l'intérêt direct du
renseignement à fournir, la collecte devient hasardeuse, difficile voire
impossible. Les conséquences immédiates sont
l'inefficacité des opérations de police, la multiplication des
actes de banditisme, l'augmentation du sentiment d'insécurité et
la négligence des faits, des gestes et des individus porteurs
d'insécurité.
Voici à ce sujet, dans un article du Pr Joseph Vincent
Ntuda Ebodé à propos des enfants soldats, le témoignage de
l'un qui recueillait du renseignement dans l'indifférence même des
hommes aguerris « "J'allais dans les lignes ennemies pour
connaître leur nombre, leur position,
1 Interview accordée à Isabelle
Essono et Pamela Bitjoka de la Cameroon Radio and Television, le 11/01/2008,
sur les stratégies et les moyens mis en oeuvre par la police nationale
pour endiguer la criminalité et le grand banditisme au Cameroun.
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les mitrailleuses. J'étais habillé avec des
vêtements sales et en lambeaux. Si les ennemis me prenaient, je disais
que je cherchais mes parents ou à manger. Ensuite, par un autre chemin,
je rentrais chez nous, et la nuit on attaquait.? »1.
En guise d'illustration, dans un quartier,
généralement, les populations connaissent les individus enclins
aux actes d'insécurité mais ne les dénoncent pas par peur
de représailles en cas de trahison des informateurs par une police
corrompue et distante des habitants. En outre, en cas de vol ou de braquage, le
corps du délit est acheté par des receleurs qui se trouvent au
sein de la population et qui parfois, sont conscients que la marchandise est le
fruit du vol mais ne dénoncent pas.
La facilitation de la collecte du renseignement par l'approche
communautaire résulte du fait que, par son essence, elle comble les
lacunes que nous venons de relever. Plus précisément, elle a une
structure hiérarchique où l'unité de base, cheville
ouvrière de l'approche, est immergée au sein de la population ;
la population participe au dispositif non seulement en tant qu'actrice, mais
aussi en tant que bénéficiaire et enfin elle est suffisamment
sensibilisée sur les retombées positives, à son profit,
des renseignements fournis ainsi que sur les comportements porteurs de
criminalité.
La conséquence est que tout fait digne
d'intérêt pour la sécurité est rapidement
communiqué et les actions appropriées prises à temps. Par
exemple, pour ne prendre que la partie septentrionale du pays où
sévissent les coupeurs de route et la secte boko haram, les conducteurs
de motos qui desservent une ligne ou un quartier se connaissent tous
généralement au point où toute présence
étrangère parmi eux qui est rapidement répercutée
peut préserver des enlèvements par la prompte identification de
l'intrus.
En somme, les principes de la police communautaire notamment
l'immersion de la police au sein de la population avec la confiance mutuelle
qui lui est inhérente, rendent la collecte du renseignement très
aisée. La coproduction de la sécurité est aussi un autre
principe et avantage de la police communautaire.
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