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La police communautaire au Cameroun. Le cas de la sureté nationale.

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par Désiré BESSALA
Université de Yaoundé II (Institut des Relations Internationales du Cameroun) - Master II 2015
  

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PARAGRAPHE 3 : Des limites patentes du système sécuritaire de la police d'ordre en vigueur

La police d'ordre a fait et continue de faire ses preuves en tant qu'approche sécuritaire contre la criminalité. Néanmoins, face à l'accroissement exponentiel des populations surtout urbaines, celui des villes ; compte tenu du perfectionnement des méthodes criminelles avec des bilans de plus en plus impressionnants et spectaculaires, toutes choses qui contrastent avec les aspirations évolutives des citoyens aux libertés publiques et à plus de bien-être, la reconnaissance des limites de la police d'ordre s'est imposée et la nécessité de s'adapter à la nouvelle donne est devenue incontournable soit par le colmatage des brèches de l'ancienne approche, soit par la mise en place d'une autre .

Au fait que reproche-t-on à la police d'ordre ? Un parcours historique des pays aux vieilles traditions de police communautaire nous permet de relever des lacunes très diversifiées. Celles-ci vont de la corruption endémique du corps policier à l'augmentation du taux de criminalité en passant par la violation excessive des droits de l'Homme, les méthodes de travail réactives et peu efficaces, la marginalisation des bénéficiaires de la sécurité dans la formulation

1 Moupou et Akei Mbanqa, 2008, pp. 165 - 170.

2 Id. p. 168.

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des solutions à leurs problèmes, la distanciation de la police vis-à-vis de la population qu'elle est censée protéger et la liste n'est pas exhaustive.

A ces sujets, certains auteurs sont formels. Alan Bryden et Boubacar Ndiaye, après avoir examiné les maux de la police d'ordre, sont parvenus à plusieurs conclusions dont une a retenu notre attention : « En conclusion... on peut toutefois constater plusieurs traits communs : premièrement, la très faible participation de la population aux activités relatives à la sécurité... »1. Maurice Chalom et autres constatent que « Pour leur part, les populations continuent d'exprimer leur insatisfaction à l'égard des réponses apportées à la délinquance, notamment le recours à l'incarcération... »2.

Au Cameroun, nous avons déjà démontré, entre autres : que les méthodes de travail de la Sûreté Nationale étaient réactives, que les acteurs étaient étatiques. Pour ne plus nous répéter, nous aborderons, dans ce paragraphe, les limites relatives à la corruption, la rupture sociale entre la société et la police et la prévalence des nouvelles menaces dites asymétriques avec pour finalité de justifier l'opportunité de la police communautaire.

En commençant par la corruption que le code pénal camerounais définit en son article 134 alinéa 1 comme le fait pour « ... tout fonctionnaire qui, pour lui ou pour un tiers, sollicite, agrée ou reçoit des offres, promesses, dons ou présents pour faire, s'abstenir de faire ou ajourner un acte de sa fonction. »3; on est tenté de dire qu'elle est la chose la mieux partagée des policiers tout au moins en se mettant dans la posture des usagers qui n'ont pas manqué de les affubler de sobriquets dont le plus célèbre est « mange-mille » pour signifier que la complaisance du policier camerounais face aux transgressions de la circulation routière par exemple, est acquise contre mille francs CFA.

Concrètement, au cours des contrôles routiers, une série de documents précis sont exigibles aux conducteurs pour vérifier s'ils sont en conformité avec le fisc, s'ils sont qualifiés pour conduire le type de voiture en leur possession, s'ils se sont acquittés de la police d'assurance...La plupart du temps, les chauffeurs et les propriétaires de véhicules se soustraient à leurs obligations mais poursuivent allègrement leurs activités moyennant le versement d'un pot de vin dont le montant varie généralement entre 250 francs CFA et 1000 francs CFA à chaque contrôle.

1 Bryden et N'diaye, 2011, p. 7.

2 Chalom et al, 2001, p. 22.

3 Hamadou, 1998, p.128.

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Mr. Roger Ngoh Yom, secrétaire exécutif de transparency international Cameroun, révèle, au cours d'une conférence de presse donnée à Yaoundé le mardi 09 juillet 2013, que « La police camerounaise, selon le baromètre mondial de la corruption 2013, occupe la première place des institutions les plus corrompues du pays avec un chiffre de 69%. "Elle remplace à ce rang, les services de la douane, sortis premiers lors de la précédente enquête sur les services les plus corrompus du Cameroun." »1.

Bernard Amougou renchérit, parlant de la Gendarmerie et de la Sûreté Nationale en déclarant que « Ces deux corps autrefois d'élite, sont depuis longtemps entrés dans la danse de la corruption et de l'enrichissement illicite. »2. C'est dire que le ver est dans le fruit et qu'on ne saurait rester indifférent à une telle dépravation des moeurs d'où la nécessité de penser à la reforme profonde de la police en général et de la Sûreté Nationale en particulier.

En poursuivant avec la rupture de confiance entre la police et la société, on déduirait aisément qu'elle est l'une des conséquences de cet état de corruption généralisé que nous venons de peindre. En effet, la présence de la police ne rassure plus suffisamment comme elle aurait du le faire. Un renseignement qu'un informateur communique à un agent de police sur les agissements répréhensibles d'un individu ne le met pas à l'abri des représailles du dénoncé que le policier a entre temps contacté pour, grâce au chantage, obtenir des retombées égoïstes.

Une enquête parfois objectivement, au regard des faits, favorable au plaignant ou à la victime, est subitement retournée contre l'un ou l'autre par une alchimie que seuls les dessous de table ou les affinités relationnelles peuvent expliquer.

Un propriétaire de véhicule vient de se faire braquer par des malfaiteurs qui ont emporté sa voiture. Il se rend à un commissariat pour signaler son infortune, il lui est exigé de l'argent pour que la station fixe de radio communique la nouvelle aux patrouilles sur le terrain en vue d'une éventuelle traque.

Les patrouilles elles mêmes sont, surtout les motorisées, des passages rapides voire des déplacements d'agrément sans interaction avec les populations. Dans tous les cas, pédestres ou motorisées, les patrouilles de police et même les dispositifs policiers de sécurité focalisent leur attention sur le domaine artificiel de l'Etat ou sur ceux qui incarnent l'autorité de l'Etat au détriment de la population.

1 Cameroun web news du 10 juillet 2013.

2 Amougou, 2013, p. 112.

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Tous ces exemples pour montrer que la rupture du contrat de confiance qui devrait exister entre la police et la population est consommée. Bernard Amougou, en guise de confirmation, scande « Par ailleurs, si la confiance à l'armée en général est acquise, tel n'est pas le cas avec la gendarmerie et la police. »1. Alan Bryden et Boubacar Ndiaye, pérorant sur les conséquences des tares de la police d'ordre, vont plus loin « Ceci se traduit par un manque de confiance généralisé de la part du public et un manque de compréhension vis-à-vis des acteurs de la sécurité. »2. Elie Mvie Meka, allant dans le même sens au sujet des forces de sécurité, conclut qu' « Elles sont, dans la plupart des cas, en rupture de confiance avec les populations qu'elles sont censées rassurer et protéger. »3.

Terminant avec les menaces non conventionnelles dites asymétriques, on doit admettre que si hier, elles n'étaient pas d'actualité, aujourd'hui, elles ne sont plus de la fiction et se posent même avec acuité. La conséquence logique est que c'est une approche sécuritaire imprégnée de ces nouvelles menaces qui devrait être indiquée pour y faire face. Deux types de menaces sont retenus ici en guise d'illustrations : le trafic de la drogue et les actes terroristes de la secte boko haram. Parmi leurs caractéristiques communes, on peut citer la dilution des auteurs au sein des populations et par conséquent, la difficulté à identifier les auteurs et à lutter contre eux.

La drogue par exemple, a des chiffres en constante augmentation en termes de production, de transit et de consommation. Pour étayer nos propos, comparons les statistiques du service des enquêtes et des expertises de la direction de la police judiciaire à la Délégation Générale à la Sûreté Nationale de 1993 et 20134. En 1993, la seule drogue saisie était le cannabis et la quantité était de 472,35 kilogrammes. En revanche, en 2013, 5628,003 tonnes de cannabis ont été saisies et 04 hectares de plantation détruits. La même année, 2,7 kilogrammes de méthamphétamine ; 200 grammes de crack ; 8,2 kilogrammes et 13,5 litres de cocaïne ; 12, 350 kilogrammes d'héroïne ont été saisis.

Dans le même sillage, les actions de la secte terroriste boko haram se multiplient à un rythme infernal notamment dans la partie septentrionale du pays. De l'enlèvement de la famille Fournier à l'attaque de kolofata à l'issue de laquelle, au-delà des morts, des personnes y comprise l'épouse du vice-premier ministre Amadou Ali ont été prises en otage en passant par les enlèvements des trois religieux et les dix ouvriers chinois pour ne citer que ces cas, les

1 Amougou, 2013, 12.

2 Bryden et N'diaye, 2011, p. 7.

3 Mvié Meka, p. 22.

4 Bourssamon Félix, ex-chef dudit service, téléphone 77 95 16 29.

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victimes de cette secte deviennent de plus en nombreuses ; leurs cibles de plus en plus symboliques...

Parlant des moyens de lutte contre ce fléau, le général de brigade Elokobi Daniel Njock, directeur central de la coordination de la gendarmerie nationale est formel : « Compte tenu de la configuration géographique de la zone, l'apport de la population dans la recherche du renseignement est par conséquent indispensable. »1.

Cette proposition de solution montre à la fois les limites du dispositif conventionnel et balise le chemin des avantages de la police communautaire qui est une approche participative et donc, capable de fournir le renseignement sus évoqué.

1Elokobi Njock, 2014, p. 13.

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