CHAPITRE DEUXIEME : UN CONTEXTE INDIQUE POUR LA POLICE
COMMUNAUTAIRE
34
L'instauration de la police communautaire dans un pays
est-elle une fin en soi ou est-elle dictée par des facteurs
conjoncturels ou structurels ? Quand bien même c'est cette
deuxième possibilité qui en serait instigatrice, quelle est la
nature de ces facteurs ? C'est à ces préoccupations que doit
répondre ce chapitre en se fondant sur le cas du Cameroun et
singulièrement de la Sûreté Nationale. Pour y parvenir, une
revue de la genèse de cette réforme dans certains pays où
elle est intervenue a été nécessaire.
D'une manière générale, les causes, bien
que se recoupant, sont variées mais leur nature est principalement
interne ; c'est l'objet de la deuxième section qui examine les facteurs
nationaux qui peuvent justifier l'adoption de l'approche communautaire de la
police au Cameroun. A ces motivations endogènes s'ajoutent des exigences
externes qui imposent implicitement le changement des anciennes méthodes
policières de travail au profit de celles qui préservent
davantage la dignité humaine parmi lesquelles la police communautaire,
c'est l'essentiel de la première section.
SECTION I : DES INDICATEURS INTERNATIONAUX
Sans être exhaustif, trois indicateurs nous ont
semblé pertinents à savoir : l'actualité du concept de
sécurité humaine, la sublimation des droits de l'Homme et la
globalisation de l'information.
PARAGRAPHE 1 : L'actualité du concept de la
sécurité humaine
La sécurité a toujours renvoyé à
un double aspect: objectif ou physique et subjectif ou psychologique. Dans la
première acception, la sécurité est l'état d'un
individu ou d'une chose qui est à l'abri de toutes ou de moindres
menaces possibles. Dans la seconde qui est induite de la
précédente, la sécurité est un sentiment de
quiétude, une conviction qu'on est à l'abri de tous ou des
moindres risques possibles.
35
Quelle que soit l'acception considérée, la
sécurité a toujours été perçue, tout au
moins depuis 1648, comme la responsabilité de l'Etat et notamment de ses
bras séculiers que sont les forces de défense et de
sécurité. En effet, comme l'affirme Sébastian Roché
parlant des forces de sécurité, la police consiste en :
«...la distribution d'un service sur le terrain par des professionnels
qui ont recours à un répertoire de gestes professionnels peu
susceptible de modifications. Le policier recueille des traces, rédige
des documents ayant valeur légale, porte secours, court après le
délinquant dans la rue, accueille des victimes, etc.
»1.
Maurice Chalom et autres vont plus loin et affirment
même que la police doit assumer aujourd'hui des responsabilités
qui, initialement, ne relevaient pas d'elle, mais de la communauté qui y
a renoncé pour des raisons multiples. « Les services de police
sont appelés à régler un nombre croissant de
problèmes de tout genre que la collectivité ne sait plus
résoudre par elle-même, parce que les modes de régulation
communautaire se sont considérablement affaiblis du fait de la
marginalisation sociale, de l'anonymat des centres urbains et du manque
d'accès aux services collectifs... »2.
Toutes ces considérations ont eu pour
conséquences l'extinction de l'exclusivité de l'expertise
sécuritaire aux seules forces de défense et de
sécurité et l'élargissement du champ sécuritaire
à d'autres domaines faisant de l'Homme ipso facto, un tout malgré
la diversité de ses besoins et ses ondoyances d'où le concept de
sécurité humaine.
A titre d'illustration, les forces de défense et de
sécurité peuvent bien assurer leurs devoirs de protection du
territoire, des personnes et des biens ; mais si la production agricole n'est
pas à la hauteur de la satisfaction des besoins alimentaires des
populations, les prix des rares denrées vont grimper et seront
prohibitifs. L'état de famine va engendrer le mécontentement puis
les vols ; les agressions voire les émeutes et on ne pourra plus parler
de sécurité dans une zone qui traverse une telle crise.
L'Organisation des Nations Unies, consciente de
l'interdépendance de la multiplicité des expertises qui
concourent au bien- être de l'Homme et donc à sa
sécurité tout court, a introduit depuis 2005, par la
résolution numéro A/RES/60/1, une réflexion sur la
sécurité humaine avec pour objectif de faire de l'individu, le
centre des préoccupations sécuritaires au-delà de ses
autres appartenances.
1 Roché, 2009, p.
11.
2 Chalom et al, 2001,
23.
36
Cette réflexion s'est poursuivie par un débat
thématique en 2008 en marge de l'Assemblée Générale
; le rapport numéro A/64/701 du Secrétaire Général
de l'ONU en mars 2010 et la résolution numéro 64/291 de
l'Assemblée Générale intitulée « Suite
donnée au paragraphe 143 sur la sécurité humaine du
Document final du Sommet mondial de 2005. ».
En somme, « Le concept de sécurité
humaine gagne du soutien non seulement auprès de l'ONU mais aussi
auprès d'autres instances telles que des organisations
intergouvernementales, des groupes de la société civile, des
universitaires et personnalités et auprès d'un certain nombre de
gouvernements. Ainsi la notion de sécurité humaine est de plus en
plus reflétée dans les programmes des organisations
intergouvernementales telles que l'Union Africaine, l'Union Européenne,
l'Association des Nations de l'Asie du Sud-est (ASEAN), la Ligue des
États arabes (LEA) et l'Organisation des États Américains
(OEA). »1.
L'approche policière qui prend en compte, le mieux
possible, la polyvalence des expertises telle qu'encouragée par la
sécurité humaine qui, comme nous venons de le démontrer,
est plus que jamais d'actualité, est la police communautaire
comparativement à la police d'ordre. D'ailleurs, Catherine Ober
considère que la polyvalence d'expertise2 est l'une
des caractéristiques du policier communautaire. A cet argument s'ajoute
l'emprise des organismes précédemment cités sur les
questions internationales en générale et les sujets
internationaux en particulier. Il est donc loisible d'en déduire que le
Cameroun, qui n'est pas en marge de la communauté internationale, a
intérêt à internaliser la police communautaire.
L'actualité de la sécurité humaine n'est pas pour autant
le seul indicateur international du caractère propice de
l'intégration de la police communautaire dans les pratiques
professionnelles policières au Cameroun.
|