PARAGRAPHE 3 : Des modes d'action passifs
Les missions policières s'étirent sur une chaine
qui va des niveaux politico stratégique au tactique en passant par
l'opératif. Toutefois, c'est par les actions de terrain que les
bénéficiaires des services de sécurité
apprécient la nature et la qualité des modes d'opération.
Sur ces critères, les interventions de la police communautaire
diffèrent de celles de la police d'ordre.
La première, ainsi que nous l'avons relevé plus
haut, focalise son action sur la sensibilisation, la mobilisation et les moyens
de pression qui tous agissent sur la criminalité en amont. La
sensibilisation n'est autre chose que la conscientisation populaire sur la
pertinence d'un problème ou des solutions dans le but de faire adopter
de nouvelles habitudes aux membres d'une communauté. Jocelyne Lavoie et
autres la définissent mieux que nous en affirmant que « La
sensibilisation permet d'attirer l'attention des personnes et des
collectivités sur un problème et favoriser une identification
critique des enjeux et des solutions possibles par un travail
d'éducation populaire. »1.
Autrement dit, la police communautaire, pour améliorer
la sécurité d'une communauté, utilisera beaucoup plus les
réunions ou rencontres de sensibilisation sur des questions
données ; des sessions ou ateliers de formation ; des fora, des
journées thématiques, des séances d'animation
engagées... pour faire passer ses messages pour une meilleure
sécurité.
Par exemple, la récurrence des vols de voitures dans
une zone où la plupart des maisons ne disposent pas de clôtures
peut susciter une réunion de sensibilisation sur la
nécessité de créer un parking commun gardé par des
personnes rémunérées par des contributions
financières symboliques de chaque propriétaire de
véhicule.
Quant à la mobilisation, elle suscite la
solidarité des membres d'une communauté en vue de la
résolution collective d'un problème qu'une action individuelle
aurait difficilement menée ou pas du tout. R. Lachapelle est plus
explicite lorsqu'il scande que « ... la mobilisation a pour but de
susciter l'engagement et de regrouper des personnes touchées par un
problème social ou partageant un même besoin pour la poursuite
d'une action collective visant à résoudre ce problème ou
répondre à ce besoin. »2.
1 Lavoie et Panet Raymond, 2011, p. 165.
2 Lachapelle, 2003, 164.
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En d'autres termes, la police communautaire, pour mobiliser
les membres d'une zone à la résolution d'un problème de
sécurité, fera davantage usage du porte-à-porte, de la
représentation auprès des paliers des institutions publiques, du
flash mob...
A titre d'illustration, pour traverser un ruisseau dans un
quartier, une planche ou un tronc d'arbre peut servir de tremplin et engendrer
des décès en période de crue. Par une action de
mobilisation, la police peut faire construire un ponceau même artisanal
capable d'assurer une meilleure préservation des vies.
Les moyens de pression, enfin, sont des modes d'action ayant
pour but d'inciter ceux qui ont les clefs ou décisions de solution
à un problème d'agir même s'ils n'en avaient pas la
volonté, ou voulaient retarder le moment. R. Lachapelle ne nous
dément pas lorsqu'il affirme que « Les moyens de pression font
appel à des actions visant à agir directement ou indirectement,
voire symboliquement, pour obtenir les transformations sociales
souhaitées. »1.
Plus précisément, les moyens de pression font
appel aux pétitions, tracts, dépliants affiches, photos, articles
de presse pour voir des problèmes de sécurité se
résoudre. Par exemple, un article de presse sur les conditions
d'hygiène approximatives de la nourriture vendues aux
élèves dans un établissement scolaire peut
préserver les élèves de maladies.
En revanche, les modes d'action de la police d'ordre ne
correspondent pas à celles participatives que nous venons de
décrire ; elles relèvent plus des comportements bureaucratiques
au service de la répression.
Prenons le cas de l'enquête policière, le
fonctionnaire attend généralement à son service, une
plainte, une dénonciation téléphonique ou personnelle ou
un flagrant délit pour geler les lieux, procéder aux
constatations, entendre les témoins, saisir si possible le corps du
délit et au besoin, garder à vue les présumés
auteurs avec pour objectif, de les déférer au parquet. Ces
enquêtes se révèlent souvent inefficaces pour plusieurs
raisons. Elles cherchent à résoudre la manifestation d'un
problème sécuritaire et non sa cause, la preuve en est que les
bardeaux qui assistent à la scène subissent du pickpocket;
ensuite, les enquêtes ouvertes n'aboutissent pas souvent à
l'arrestation des auteurs des actes délictueux pourtant ils existent
parmi les populations ; pire, des innocents court-circuités par un
concours de circonstances sont parfois
1 Id. p. 175.
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présentés comme des trophées des «
fins limiers de la police ». Fort de tous ces arguments, Jean
Brodeur1 conclut carrément à l'échec de
l'enquête policière sans renseignement.
Si nous abordons quelques techniques du maintien de l'ordre et
de la surveillance de la voie publique respectivement la patrouille et les
interventions, l'efficacité est toujours peu reluisante. En effet, ces
deux modes opèrent généralement sur le domaine artificiel
de l'Etat, délaissant les quartiers résidentiels. De
manière particulière, la patrouille, hasardeuse et souvent rapide
du fait de sa motorisation, dissuade de moins en moins les malfaiteurs qui eux,
développent de plus en plus les méthodes de contournement. Quant
aux interventions qualifiées de rapides, leur rapidité est plus
nominative qu'effective en raison de la congestion de la circulation ou de
l'alerte tardive.
Bref, évoquant l'expérience
nord-américaine des années 70, Jean Brodeur affirme que les
espoirs d'efficacité placés en la patrouille motorisée,
l'intervention rapide et l'enquête policière ont été
des échecs et que « Ces recherches ont ébranlé
les piliers même de la police nord-américaine.
»2 qui, faut-il le souligner, n'était alors que la
police d'ordre.
En définitive, les critères retenus pour
vérifier l'internalisation de la police communautaire au Cameroun en
général et en particulier à la Sûreté
Nationale confirment son caractère mitigé, voire nul. Le contexte
camerounais explique-t-il cette mitigation ?
1 Brodeur, 2003, p. 86.
2 Id. p. 87.
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