PARAGRAPHE 2 : Des stratégies réactives
Comment répondre efficacement aux défis sans
cesse croissants posés par l'insécurité ? A cette
question, la doctrine de police communautaire apporte une réponse
préventive. Autrement dit, il faut analyser la criminalité afin
d'en déterminer les causes et les résoudre durablement pour
réduire l'insécurité. On parle de stratégie de
prévention pour désigner l'ensemble des actions contre la
délinquance et la violence orientées vers la résolution de
leurs sources.
Maurice Chalom et autres affirment à ce propos que
« Pour élaborer des solutions durables qui vont au-delà
des réponses traditionnelles, il faut... promouvoir le recours aux
stratégies de prévention de la criminalité qui permettent
de réduire la délinquance et la violence et d'accroitre le
sentiment de sécurité.»1.
C'est ainsi que les communautaristes ont
développé diverses stratégies, entre autres :
l'approche de la police d'expertise communément appelée «
problem solving ». Cette méthode fonctionne comme une
intervention médicale. Elle ne considère qu'il ya problème
que lorsqu'au moins un incident sécuritaire de même nature se
produit au moins deux à trois fois. Dès lors, cette approche s'en
saisit pour procéder au diagnostic, élaborer les solutions
généralement alternatives aux procédures pénales de
concert avec la communauté et les administrer graduellement en fonction
de leur efficacité jusqu'à endiguer le mal.
A titre d'exemple, des femmes qui, dans une zone
donnée, se font régulièrement violer au cours de la
recherche du bois de chauffe, la police d'ordre attendra que le cas lui soit
signalé et se contentera d'aller faire les constatations d'usage,
d'amener la victime à l'hôpital et d'ouvrir une enquête qui
peut hypothétiquement aboutir à l'arrestation du coupable et le
même scénario reprendra. En revanche, la police communautaire ira
au-delà, elle étudiera les considérations sociologiques
des victimes, les caractéristiques de ces viols, le rythme de
consommation du bois, les éléments relatifs aux auteurs, bref
analysera les causes éventuelles du viol tout ceci en concertation avec
la communauté pour aboutir à des esquisses de solution
définitive à l'instar de
1 Chalom et al, 2001, p.6.
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la fixation des périodicités de recherche de
bois par des femmes non isolées mais en groupe et escortées et le
problème va s'estomper durablement.
Une autre stratégie développée par les
communautaristes est l'approche SARA : scanner, analyser,
répondre, évaluer. Elle consiste d'abord à décrire
la situation c'est-à-dire identifier la nature, les auteurs, les
victimes, le préjudice... puis, à analyser les différents
rapports entre ces facteurs pour en déterminer les causes ; ensuite
examiner, avec la communauté, toutes les solutions envisageables et les
plus envisagées qu'on administre sur le terrain ; enfin, on
évalue leur efficacité par des moyens appropriés à
la situation pour vérifier si l'action sur la source du mal a
porté les résultats escomptés.
Le rapport 1999-20061 de l'Association
Internationale des Chefs de Police donne un témoignage édifiant
de la réussite de l'approche SARA à Ontario (USA) par le service
régional de la police de Halton. Le rapport affirme qu'un nombre
croissant de désordre urbain, de crimes incluant le trafic de drogue,
les grèves, le vol de véhicules, la destruction des biens... ont
définitivement été résolus, tout au moins à
75%, grâce aux actions diverses de l'approche SARA.
Une troisième stratégie des communautaristes est
baptisée Développement et Changement Organisationnels
(DCO). Elle consiste d'abord à observer l'état d'une
communauté et à y déceler, de par sa configuration ou les
comportements de ses membres, des facteurs qui peuvent y favoriser de
l'insécurité ; puis à initier avec la communauté,
des actions de développement ou d'éducation... qui
préviennent la commission des actes criminels.
En termes d'éducation par exemple, dans une
communauté où, pour acheter une bière ou un article, le
client, au milieu des bardeaux généralement nécessiteux,
retire de sa poche une liasse de billets de banque avant d'en extirper le plus
petit pour son dessein, croit montrer son aisance financière sans savoir
que parallèlement, il peut se faire prendre en filature et être
agressé. Une action d'éducation peut, à défaut
d'enrayer totalement le risque, le réduire considérablement.
S'agissant des actions de développement, un quartier
obscur peut favoriser les actes de banditisme, en emmenant les membres de la
communauté y compris la municipalité à l'éclairer,
la criminalité peut subir une baisse drastique et accroitre
conséquemment le sentiment de sécurité.
1IACP, 2007, p.
10.
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D'autres stratégies communautaires existent à
l'instar de l'engagement communautaire, des partenariats....
Nous n'allons certes pas les décrire de manière
exhaustive, on peut néanmoins affirmer que toutes concourent à la
prévention du crime.
Le caractère préventif des stratégies de
la police communautaire contraste avec celles réactives de la police
camerounaise, notamment la Sûreté Nationale. Celle-ci utilise
principalement quatre stratégies, si on s'en tient aux assertions du
Service de Coopération Technique Internationale de Police1.
Il s'agit du maintien de l'ordre public, de la surveillance de la voie
publique, du renseignement et de l'enquête policière. Le
dénominateur commun de ces stratégies est de faire respecter les
diverses règlementations prises par les différents pouvoirs et
les municipalités d'où leur essence répressive,
réactive et tournée surtout vers le domaine artificiel de l'Etat
et accessoirement vers les quartiers.
A titre d'illustration, la loi n° 90-54 du 19
décembre 1990 Relative au maintien de l'ordre, dans son article
1er, affirme que « La présente loi relative au
maintien de l'ordre public fixe les principes d'action à observer, en
temps normal, par les autorités administratives et les
éléments de maintien de l'ordre en vue de préserver
l'ordre public ou de le rétablir quand il a été
troublé. ». Ces principes d'action ou stratégies vont,
entre autres, de la présence intimidatrice à l'usage des armes en
passant par les sommations, les interpellations, la charge...
La précision la plus importante à relever est
que ces stratégies ne visent pas à résoudre les causes des
désordres mais à gérer les manifestations. Par exemple,
les employés d'une société, responsables de familles
affamées, accumulent plusieurs mois de salaire et, après
plusieurs démarches administratives infructueuses, viennent exprimer
leur colère devant une institution, les forces de l'ordre qui
habituellement sont en alerte dans leurs postes de commandement,
n'interviennent que pour les disperser, au besoin en les brutalisant sans que
la source du problème ne soit résolue.
En somme, les stratégies réactives de la police
camerounaise en général et de la Sûreté Nationale en
particulier confirment que la prévention qui est un principe cardinal de
la police communautaire n'est pas encore prioritairement intégrée
dans la pratique du métier. En est-il autrement des modes d'action ?
1 SCTIP, 1966, pp. 249 - 349.
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