SECTION II : ACTEURS, STRATEGIES ET MODES D'ACTION DE
LA SÛRETÉ NATIONALE
PARAGRAPHE 1 : Des acteurs étatiques
La nature des acteurs qui assurent la délivrance des
services de sécurité est un indice important pour en
déterminer l'approche. L'approche de police communautaire s'inscrit dans
la gouvernance sécuritaire c'est-à-dire, intègre des
acteurs non-étatiques et étatiques divers.
Décrivant le déploiement de la police
communautaire le SEESAC distingue deux types d'acteurs. D'un coté les
acteurs de l'organisation-mère de la police - l'Etat pour notre cas -
« a) from the side of the police CBP requires an organisational
strategy that ensures that everyone in the police organisation translates the
philosophy into practice. »1. De l'autre coté, les
acteurs non-étatiques regroupant des personnes morales et physiques
«b) from the side of the community... Within different communities
there will be different structures (organisations, associations, groups, both
statutory and voluntary) that are already well established and that can be used
(tapped into) to harness community safety and partnership.
»2.
La publication du Bureau d'Assistance Judiciaire (BJA) du
Département Américain de la Justice fait la même
distinction tout en allongeant la liste des acteurs non-étatiques :
« Local government officials, social agencies, schools, church groups,
business people--all those who work and live in the community and have a stake
in its development. »3.
Au-delà de la typologie des acteurs notamment les
non-étatiques, il convient de relever l'importance de leur rôle
qui est loin d'être figuratif. Ils participent à la formulation
des stratégies et solutions aux problèmes de leur
sécurité ou tout au moins sont très proches de ceux qui en
ont la charge. La publication du BJA sus-évoquée affirme que ces
acteurs non-étatiques
1 SEESAC, 2003, p. 4.
2 SEESAC, 2003, p. 4.
3 BJA, 1994, P. 13.
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partagent la «responsibility for finding workable
solutions to problems that detract from the safety and security of the
community.»1.
Au Cameroun par contre, les acteurs étatiques ou mieux,
les professionnels de la Sûreté Nationale ont le monopole de
l'action sécuritaire de ce Corps de métier. Ils exercent leurs
prérogatives en technocrates et de manière exclusive en
dépit des appels sporadiques à la collaboration de la population.
Pour mieux comprendre l'ampleur du problème, il est à relever
d'une part que les effectifs de la Délégation
Générale à la Sûreté Nationale sont
essentiellement constitués des professionnels tant au niveau des
services centraux que des déconcentrés ; d'autre part, selon les
témoignages de plusieurs commissaires de sécurité publique
dont ceux des 7e, 8e et 12e arrondissements de Douala,
aucun cadre formel et permanent de concertation avec les populations n'existe
pour examiner régulièrement les problèmes de
sécurité locaux et y apporter des solutions consensuelles.
Tout au plus, nous a-t-on dit, le Comité de
Coordination, créé par l'instruction présidentielle no
22/PRF du 22 novembre 1969 portant organisation des Comités de
Coordination auprès des chefs des circonscriptions administratives, se
réunit périodiquement pour discuter des questions de
sécurité. Cependant, en examinant sa composition prévue
dans l'instruction présidentielle no 06/CAB/PR du 21 mars 1978 modifiant
et complétant celle ci-dessus citée, force est de reconnaitre
qu'aucune personne de la société civile en est membre. A
l'échelon d'un arrondissement par exemple, voici la composition que
prévoit l'alinéa 43 du titre IV :
? « Le Sous-préfet ou Chef de District,
Président ? Le Commandant militaire local
? Le Commandant local de Gendarmerie
? Le Représentant local de la Sûreté
Nationale. ».
Dans la même optique, au niveau d'un arrondissement par
exemple, le Comité Local de Sécurité mis en place par
l'instruction présidentielle no 005/CAB/PR du 24 Aout 1987 portant sur
les veilles en vue de la sécurité de la Nation a, dans son
Etat-major, une composition similaire que celle susvisée. On peut en
effet lire : « Un Etat-major comprenant autour de l'Autorité
Administrative compétente, les responsables ... des services de
défense ou de sécurité ou leurs représentants.
».
1 Id. 1994, p. 13.
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Il est donc loisible de conclure que les acteurs de la
sécurité à la Sûreté Nationale sont purement
étatiques et dispensent leurs services unilatéralement aux
populations. Cette vision n'est pas celle de la doctrine de la police
communautaire. Le statut étatique des acteurs n'a-t-il pas une incidence
sur les stratégies utilisées pour dispenser la
sécurité par la Sûreté Nationale ?
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