WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La police communautaire au Cameroun. Le cas de la sureté nationale.

( Télécharger le fichier original )
par Désiré BESSALA
Université de Yaoundé II (Institut des Relations Internationales du Cameroun) - Master II 2015
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

PARAGRAPHE 2 : Une organisation jacobine

Depuis sa mise en oeuvre, l'organisation de la police communautaire n'est pas uniforme dans tous les pays. Au Canada, la sécurité a une structuration à trois niveaux : fédéral, provincial et communal. Dominique Raimbourg et Jean Jacques Uryoas sont clairs sur cette répartition tripartite : « Au Canada, la mission de sécurité est répartie sur trois niveaux : le fédéral, le provincial et le municipal. »1.Le premier palier est chargé de veiller à l'application des lois fédérales. Par contre, les second et troisième paliers, par le biais des contrats signés avec les autorités citadines, se comportent en véritables prestataires publics de sécurité. Il s'en suit une

1 Dominique Raimbourg et Jean Jacques Uryoas, 2011 , p. 2.

23

concurrence rude et une imagination fertile des approches et modes d'action capables de conduire aux meilleurs résultats possibles. C'est ici qu'intervient l'approche communautaire pour créer une adéquation entre les besoins sécuritaires des populations et les solutions apportées par les services de sécurité.

En France, Caroline Ober1 distingue une organisation à cinq strates :

? La direction centrale de la sécurité publique fixe au niveau national, les orientations générales ;

? Les directions départementales assurent l'organisation et le contrôle de la mise en oeuvre de la police de proximité ;

? Les districts qui couvrent la zone urbaine et périurbaine et où sont installés les commissariats centraux, jouent le rôle de coordination ;

Le secteur est une entité territoriale chargée de la préparation, du commandement et de l'évaluation de la mission de police de proximité ;

? Le quartier est la ligne d'exécution des attributions de la police de proximité.

En dépit de cette multiplicité organisationnelle, les analystes s'accordent sur deux exigences qui caractérisent le cadre d'épanouissement de la police communautaire : la décentralisation et le rôle prépondérant de l'unité de base du dispositif. Cette dernière est la véritable cheville ouvrière de la doctrine de police communautaire. C'est en effet cette unité de base qui identifie les composantes sociologiques de sa zone de compétence, ses acteurs, les besoins sécuritaires, les solutions concertées, assure le contact régulier... Bref, elle assure l'immersion sociale de la police. Quelle que soit la forme organisationnelle adoptée, celle-ci doit mettre un accent particulier sur la place et le rôle de cette structure de base. Son appellation importe peu, ce sont les responsabilités, le degré d'initiative, le professionnalisme... qu'on lui reconnait qui facilitent l'impact de la police communautaire.

A titre d'illustration, au Japon, cette unité de base est dénommée Koban. Maurice Chalom et autres, évoquant cette structure japonaise, estime qu'il s'agit d'un « Système de police japonais qui, composé de mini-postes de police communautaires et orienté vers la résolution des problèmes, allie le caractère indispensable de l'interaction étroite entre les citoyens et les policiers, vus avant tout comme des membres à part entière de la collectivité. »2. Dans le même

1 Ober, 2002, p. 14.

2 Chalom et al, 2001, p. i.

24

sillage, Bessel, analysant l'organisation en Allemagne de l'Est, constate que « Le pays entier fut divisé en mini-districts d'à peu près 3500-4000 habitants, ce qui donnait, pour toute la RDA, environ 4700 ABV. [Auxiliaires Volontaires de la police] »1.

L'importance de l'unité de base est la confirmation que la structuration du dispositif de la police communautaire est davantage fonctionnelle qu'organique. Toutefois, elle a besoin d'être adossée, et c'est la deuxième exigence, sur la décentralisation. Ce système a plusieurs avantages dont a besoin la doctrine de police communautaire pour mieux s'exprimer : souplesse, une plus grande autonomie, la multiplicité des expertises. Voici ce qu'en pensent Maurice Chalom et autres : « Dans les pays où la fonction policière est décentralisée ... plusieurs types de mécanismes d'échange et de concertation peuvent être envisagés. »2.

En revanche, la centralisation ou jacobinisme a pour principe de base, l'unicité de l'autorité et réduit les organes déconcentrés en relais d'exécution sans grande marge de manoeuvre. Maurice Chalom et autres sont certains que « Dans les pays où la fonction policière est centralisée à l'échelle nationale, il est plus difficile d'établir des mécanismes de liaison et de concertation entre la police et les collectivités locales. »3.

Au total, bien que la nécessité d'adapter la police à son milieu (géographique, humain, culturel, sécuritaire...) explique la disparité organisationnelle ; il convient de souligner qu'un cadre décentralisé qui affine autant que possible et valorise son unité de base, est propice à l'épanouissement de la police communautaire.

En examinant l'organisation de la Sûreté Nationale mise en place par le décret présidentiel no 2012/540 du 19 novembre 2012 portant organisation de la Délégation Générale à la Sûreté Nationale, on aboutit à trois constats : le pouvoir est très administratif et centralisé ; le métier de policier est exercé par une technocratie qui étend ses compétences à tous les échelons géographiques pour appliquer, de manière uniforme, des stratégies formulées au niveau central ; l'existence des unités chargées de traduire en acte l'orientation répressive de la Sûreté Nationale.

Le premier constat est clairement énoncé dans l'article 2 « La Sûreté Nationale est un corps de commandement et d'administration placé sous l'autorité du Président de la République qui en est le chef suprême. ». L'article 5(2) démontre avec plus de précision le jacobinisme de la Sûreté Nationale : « Elle exécute les missions qui lui sont confiées par les autorités

1 Bessel, 1999, p. 228.

2 Chalom et al, 2001, p. 41.

3 Id. p. 40.

25

gouvernementales dans le cadre de leurs compétences respectives, en se conformant aux directives du Président de la République. La Sûreté Nationale agit sur l'initiative de son Chef de Corps ou de ses différents responsables, dans le strict respect de leurs attributions. ».

Le deuxième constat se manifeste dans la nature du personnel et la territorialisation des structures notamment la direction de la sécurité publique. Celle-ci, au-delà des services centraux qui en dépendent, est représentée au niveau régional par la division de la sécurité publique, le groupement de la voie publique ; les commissariats centraux sont placés dans les grandes agglomérations, les commissariats de sécurité publique sont généralement situés dans les arrondissements ainsi que les postes de sécurité publique.

Toutefois, depuis quelques années, on observe, dans certaines zones des villes de Douala, de Yaoundé... des containers ou autres locaux où exercent un nombre plus ou moins important de fonctionnaires de la Sûreté Nationale sans que ces structures relèvent forcément de l'organigramme de la Délégation Générale à la Sûreté Nationale. Ces postes de police qu'on retrouve par exemple à Bata-nlongkak, au marché de Madagascar et à la poste centrale à Yaoundé, participent de la volonté de la hiérarchie de la Sûreté Nationale de rapprocher la police de la population et sont même appelés police de proximité.

Cependant, ces postes de police qui rappellent les koban japonais, les ABV Est-allemands et les ilots français en matière de police communautaire, focalisent leur action dans le domaine artificiel de l'Etat pour y relayer l'orientation répressive de la sécurité au Cameroun. Même la police administrative qui y est menée, qui se réclame préventive, prévient, non la cause de l'insécurité mais les manifestations. Mieux, elle n'est pas préventive mais dissuasive. La solution qui en résulte ne résout pas durablement le problème puisque la cause reste intacte, la solution n'est pas concertée... On ne saurait donc parler de police de proximité ici encore moins communautaire.

Le troisième constat qui a trait aux unités répressives se manifeste par l'existence du commandement central des groupements mobiles d'intervention au niveau central et du groupement mobile d'intervention à la région. Ces unités constituent le bras séculier de l'Etat pour faire régner l'ordre en temps de paix ou de crise. L'article 16 (1) qui définit les attributions de la structure centrale précise, en temps normal, qu'elle est chargée de « renforcer l'action des autres forces et unités territoriales de police pour le maintien de l'ordre préventif, la protection des personnes et des biens... ».

26

En somme, malgré une territorialisation poussée qui reste à affiner davantage, l'organisation de la Sûreté Nationale est beaucoup plus jacobine et est surtout au service du paradigme répressif. Elle s'identifie plus à la police d'ordre qu'à la police communautaire. Qu'en est-il des acteurs, des stratégies et des modes d'action ?

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault