IX - PLAN
Notre étude se déploie en deux parties
subdivisées chacune en deux chapitres. La première partie est
intitulée Paradoxe entre un contexte indiqué et une
internalisation mitigée de la police communautaire. Elle se propose,
dans son premier chapitre baptisé une internalisation mitigée de
la police communautaire, de démontrer, dans la configuration actuelle de
la Sûreté Nationale, que la doctrine de police communautaire y
occupe une place marginale en dépit, et c'est le second chapitre, d'un
contexte indiqué.
La deuxième partie porte le titre : les avantages et le
processus d'internalisation de la police communautaire. Dans son premier
chapitre, les avantages de la police communautaire, cette partie montre le
bénéfice que la Sûreté Nationale tirerait d'une
intégration accrue de l'approche de police communautaire. Le dernier
chapitre, le processus d'internalisation de la police communautaire, balise la
voie à suivre pour adopter cette approche réformiste.
1 Couteau-Bégarie, 2003, pp. 24-25.
PREMIERE PARTIE :
PARADOXE ENTRE UN CONTEXTE
INDIQUE ET UNE
INTERNALISATION MITIGEE DE
LA POLICE COMMUNAUTAIRE
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Cette partie se propose, par la vérification de nos
hypothèses principale et secondaire, d'une part, d'établir le
niveau d'appropriation de la doctrine de police communautaire par la
Sûreté Nationale ; d'autre part, d'évaluer les
possibilités de succès qu'offre l'environnement camerounais
à la mise en oeuvre éventuelle de la police communautaire.
Cette partie est subdivisée en deux chapitres
respectivement intitulés :
? Une internalisation mitigée de la police communautaire ?
Un contexte indiqué pour la police communautaire.
CHAPITRE PREMIER : UNE INTERNALISATION MITIGEE
DE LA POLICE COMMUNAUTAIRE
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En s'inspirant de la doctrine de police communautaire de
Robert Peel et de son expérimentation dans plusieurs pays, on se rend
à l'évidence que le caractère communautaire de la police
peut se lire à travers l'existence d'une orientation claire de la
politique sécuritaire (la doctrine), une organisation appropriée
des services (maillage territorial affiné), la nature des acteurs
impliqués (étatiques et non-étatiques), les
stratégies (de prévention) et les modes d'action (participatifs).
Ces paramètres seront confrontés à la Sûreté
Nationale, les deux premiers constituant la première section et les
trois derniers la deuxième, pour apprécier son niveau
d'imprégnation de la police communautaire.
SECTION I : DOCTRINE ET ORGANISATION
Les premiers paramètres que nous allons soumettre
à l'épreuve de la structure et des fonctions de la
Sûreté Nationale sont la doctrine d'emploi et l'organisation de ce
corps de métier avec pour objectif de vérifier son degré
communautaire et sa fidélité aux principes de Robert Peel.
PARAGRAPHE 1 : Une doctrine de police communautaire
quasi-inexistante
Le ton avait été donné par l'initiateur
de l'approche communautaire de la police, Robert Peel. Pour marquer
l'entrée en vigueur de la nouvelle doctrine, l'intéressé
n'avait pas trouvé mieux qu'un « acte métropolitain
»1. Depuis cette date, la pratique qui consiste à
prendre un acte juridique ou une orientation politique à cette fin s'est
généralisée au point de devenir un indicateur de
l'adoption de l'approche communautaire à la police.
Au Canada, c'est par une orientation politique
intitulée « Politique Ministérielle : Vers une police
plus communautaire »2 publié en décembre
2000 que le Ministère de la Sécurité Publique a
jeté les nouvelles bases de « ... la manière de
dispenser les services de police au Québec »3
appelée police communautaire.
1 Service de la Prévention de la
Criminalité en coll. Avec le CIPC, 2000, p. 4.
2 Ministère de la Sécurité
Publique, 2000, p. ii.
3 Id. p.5.
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En Belgique, c'est la circulaire CP1 du SPF Intérieur
du 27 mai 2003 concernant la définition de l'interprétation
du community policing applicable au service de police
intégré1 que la réforme de la police de
proximité s'est mise en place.
En France, la réflexion sur la police de
proximité, bien qu'amorcée depuis 1998 voire 1995, a
été couronnée par la loi d'orientation du 29 août
2002 qui consacre la réforme sur la police de
proximité2.
En revanche, au Cameroun, aucun texte spécifiquement
dédié à la police communautaire ne figure dans la
réglementation et la législation, notamment relatives à
l'encadrement juridique des activités de la police. Dans ce chapitre,
trois textes émergent : la loi no la loi no 90/54 du 19 décembre
1990 relative au maintien de l'ordre, la loi no 90-47 du 19 décembre
1990 relative à l'Etat d'Urgence et le décret no 2012/540 du 19
novembre 2012 portant organisation de la Délégation
Générale à la Sûreté Nationale.
? La loi no 90/54 du 19 décembre 1990 relative au
maintien de l'ordre. Dans la forme, cette loi qui abroge celle no 59-33 du 27
mai 1959 sur le maintien de l'ordre public, est constituée de huit
articles étalés sur quatre chapitres.
Dans le fonds, elle donne une idée de l'orientation
politique de la sécurité au Cameroun, notamment à la
Sûreté Nationale : la répression. Plus
précisément, elle accorde aux autorités administratives,
des pouvoirs, entre autres, de réquisition des forces, des personnes et
des biens ; de restriction de la liberté ; réglemente l'usage des
armes au cours des opérations de maintien de l'ordre et définit
le cadre juridique de punition des infractions à ses dispositions.
L'article 6 stipule : « Les infractions aux dispositions de l'article
3 alinéa1et 4 ci-dessus sont punies des peines prévues par
l'article 275 du code pénal. ».
Cette loi, en dépit de son orientation
répressive, n'est applicable qu'en temps de paix ou, pour emprunter sa
propre terminologie de l'article 1, « en temps normal ».
C'est dire qu'en temps de crise, l'orientation répressive est plus
accentuée et ce ne sont pas les lois en la matière qui nous
démentiraient.
? La loi no 90-47 du 19 décembre 1990 relative à
l'Etat d'Urgence par exemple, donne des pouvoirs étendus tant aux
autorités de police qu'aux forces de police, renforçant de ce
fait, le caractère répressif de l'orientation sécuritaire
camerounaise. A titre d'illustration,
1 Conseil d'Europe, 2007, p. 28.
2 Ober, 2002, p. 7.
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à l'article 6 alinéa 6, la durée de la
garde à vue administrative est prolongée, passant de quinze jours
renouvelables à deux mois renouvelables « ... la garde à
vue pour une durée de deux mois renouvelables une seule fois des
individus jugés dangereux pour la sécurité publique.
». Par ailleurs, le maintien de l'ordre qui, en temps de paix, est de la
compétence des forces de sécurité, peut associer en
permanence l'Armée par simple réquisition tel que prévoit
l'article 5 alinéa 5 : «requérir les autorités
militaires pour participer en permanence au maintien de l'ordre dans les formes
légales. ».
? Le décret no 2012/540 du 19 novembre 2012 portant
organisation de la Délégation Générale à la
Sûreté Nationale qui comporte les missions de la
Sûreté Nationale et tient donc lieu de document d'orientation
sécuritaire de ce corps n'intègre pas la doctrine communautaire
de la police. L'article 3 (1) résume ses missions en ces termes :
« La Sûreté Nationale a pour mission fondamentale
d'assurer le respect et la protection des institutions, des libertés
publiques, des personnes et des biens. ».
En filigrane de l'expression « assurer le respect
» transparaissent la surveillance en vue de la détection des
violations ainsi que la répression de celles-ci. Par ailleurs, dans
l'énumération des bénéficiaires de l'action de la
Sûreté Nationale, la figuration en tête de liste des
institutions est significative. Elle est indicative du centre des
activités policières, les institutions, au détriment des
personnes.
En somme, nous pouvons affirmer que dans l'arsenal juridique
du Cameroun, aucun texte encadrant spécifiquement la police
communautaire n'apparait. Bien plus, la législation et la
réglementation de l'activité policière qui existent, ont
une orientation traditionnelle vers le maintien de l'ordre, donc vers la
répression. L'organisation de la Sûreté Nationale nous
réserve-t-elle des lendemains meilleurs?
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