1. La MTE : Une méthode de recherche «
innovante » :
La MTE a été développé par deux
sociologues de l'école de Chicago : Glaser et Strauss dans les
années 60. Cette méthodologie assez répandue aux
Etats-Unis connaît un intérêt grandissant dans le milieu
universitaire francophone. La récente traduction française de
l'ouvrage fondateur « The Discovery of Grounded Theory : Strategies
for qualitative research » en est une illustration36.
En opposition avec les méthodologies dites
hypothético-déductives cette méthodologie s'appuie sur
quatre opérations mentales naturelles37:
1. Mise de côté temporaire des cadres
théoriques : Le chercheur appréhende son objet de recherche
sans faire, à priori, une revue de la littérature scientifique
sur le sujet. Il base ses analyses sur ce qu'en disent les données, ce
qui favorise l'émergence de théories innovantes. Cette mise de
côté est temporaire car la littérature scientifique est
sollicitée plus tard dans la recherche afin de confronter, confirmer ou
préciser la théorie émergente.
2. Une méthode innovante pour façonner
l'objet de recherche : L'absence de recours à la littérature
et la posture « ouverte » du chercheur l'amène à ne pas
délimiter au départ un objet de recherche trop précis. Il
ne formule pas sa question de recherche au début, celle-ci émerge
en fonction des données qu'il récolte. Elle ne cesse
d'évoluer en fonction de ce que le chercheur découvre. Enfin dans
une perspective inductive, le chercheur n'appréhende pas les
données pour trouver une réponse mais plutôt comme un
phénomène à étudier, à décortiquer et
à découvrir.
36 SOULET M-H., Pourquoi traduire «The
Discovery of Grounded Theory». « In » GLASER B., STRAUSS A.
La découverte de la théorie ancrée : Stratégies
pour la recherche qualitative .Paris Editions Armand Colin, 2012. 399p.
(p.5)
37 GUILLEMETTE F. (2006). L'approche de la Grounded Theory ;
pour innover? Université du Québec à Chicoutimi.
Vol.26 (1), p.32-50
3.
18
Un aller-retour constant entre collecte de données
et analyse : A la différence des autres méthodologies qui
consistent à collecter les données puis à les analyser, la
MTE impose de faire un va et vient entre l'analyse et la récolte des
données. C'est ce qui est appelé la « comparaison constante
». Cette façon de construire la théorie amène
à confronter les résultats provisoires avec le terrain de
recherche ou encore à adapter ses outils des collectes de données
en fonction des besoins nécessaires à cette construction.
4. Une procédure favorisant l'émergence de
théorie: Les étapes d'analyse de la MTE favorisent
l'émergence de nouvelles théories notamment par la
première étape de codification qui s'élabore directement
à partir de données. Ces codes in vivo permettent de
faire émerger une théorie à partir de ce qu'en disent les
acteurs interrogés et contraint le chercheur à laisser la place
au « doute méthodique: c'est-à-dire une remise en
question des savoirs du chercheur ou un certain scepticisme par rapport au
connu » 38
Pour résumer et comme le précise Labelle, la MTE
« comprend trois facettes qui ne peuvent être isolées
; d'une part elle doit s'appuyer sur une posture scientifique,
d'autre part elle fournit les outils nécessaires (méthode) pour
collecter et analyser les données dans l'esprit de l'induction ;
finalement elle vise un objectif unique, la construction théorique
» 39
Nous avons choisi, parmi les deux traductions de
Grounded choisi le terme « Enracinée »
plutôt que « Ancrée » car il nous parait plus
adapté au processus développé par la méthodologie
qui consiste à lier données de terrain à
l'émergence d'une théorie, processus qui évolue
constamment40.
|