2. Les mouvements de femmes et mouvements pour les
femmes :
« Plus que d'autres univers sociaux, le champ
politique est associé au masculin », cette phrase
d'introduction du chapitre « Genre et Politique » du livre de
Bereni18 souligne que les femmes ont pendant longtemps
été exclues de la sphère de décision politique et
électorale. C'est ce qui a été appelé dans les
années 80, aux Etats-Unis, le « Gender Gap », qui
désigne plus généralement « les écarts de
participation politique entre les sexes ». Genevieve Fraisse
cité par Bereni parle d' « une démocratie exclusive »
où « la séparation croissante entre sphère
publique et sphère privée, pilier du nouvel ordre politique s'est
traduite par l'exclusion des femmes de sphère publique et leur
subordination dans la sphère privée ». Il existe encore
une sous -représentation des femmes dans la sphère politique. Des
politiques de quotas et de « parité » se mettent en place dans
de nombreux pays pour y remédier.
Cependant la représentation politique n'est pas le seul
espace d'engagement et de mobilisation sociale. La citoyenneté politique
ne se limite pas à l'engagement dans un parti politique. La vie
associative est une piste permettant aux femmes de « s'impliquer
à la lisière entre sphère privée et
publique.»19. Cet engagement peut prendre deux formes
étroitement liées, aux frontières perméables : les
mouvements pour les femmes dit « féministes » et les
mouvements de femmes.
2.1. Des mobilisations pour la cause des femmes :
Le premier mouvement pour la défense de la cause des
femmes est appelé « les mouvements féministes ». Le
féminisme peut être défini comme « 1. La croyance
que les femmes souffrent de manière systématique d'une oppression
sociale et systématique en raison de leur sexe ; 2.
L'idée que cette injustice est plus importante que d'autres
types d'injustice dont les femmes souffrent en raison de leur appartenance
à d'autres groupes (par exemple : une minorité religieuse, une
classe sociale opprimée » ; 3. La conviction que
par conséquence l'intérêt commun de toutes les femmes
consiste à supprimer l'injustice dont elles souffrent en raison de leur
sexe »20. Cette définition s'applique
différemment en fonction des contextes sociaux et historique, c'est
pourquoi certains auteurs parlent « des féminismes ».
18 BERENI L. et REVILLARD A., (2012) « Un mouvement social
paradigmatique ? Ce que le mouvement des femmes fait à la sociologie des
mouvements sociaux », Sociétés contemporaines Vol.1
(85), p. 17-41
19 ibedem
20 RICHARD A., cité par BERENI L. et REVILLARD
A., (2012)
9
La mobilisation sous forme organisée et en mouvement
date du XXème siècle. Trois vagues de contestation
étroitement liées et s'influençant mutuellement se sont
succédées. Elles présentent des caractéristiques
différentes:
- La première vague date de la seconde moitié du
XIXéme siècle est axé autour de la lutte pour une
égalité juridique entre les sexes notamment le droit de vote.
- Une seconde vague se crée à partir des
années 60-70. Son mode d'organisation différent apporte une
dimension « politique » à des revendications
traditionnellement « privées ». Par exemple, on retrouve les
mobilisations pour l'avortement, la contraception...
- Après une diminution des mobilisations dans les
années 80, certains auteurs notamment Diane Lamoureux21,
parlent d'une troisième vague de mobilisation se rattachant à la
précédente mais revendiquant d'autres caractéristiques :
la non exclusion de la mixité ; le caractère englobant du
féminisme prenant en compte la diversité entre les femmes et
l'association des luttes féministes aux autres luttes comme celles
contre le racisme, le capitalisme...
Selon Beréni « les mouvements
féministes ont été traversés par de multiples
tensions qui portent sur l'enjeu de la lutte, à savoir, la
manière dont la cause des femmes doit être
définie.». Les premiers clivages sont liés à
l'étroite imbrication de ces mouvements avec d'autres luttes
contemporaines, reflétant le rapport de pouvoir qui traverse les groupes
de femmes. D'autres clivages sont d'ordre idéologique. D'une part, le
féminisme « radical » considère que « toutes
les structures sociales et politiques sont traversées par des rapports
de pouvoirs entre les sexes, et qu'il convient de les contester globalement
» et d'autre part le féminisme « réformiste
», « s'en tient à demander un aménagement partiel
des rapports de genre existants ». Enfin, un dernier clivage
s'opère dans la distinction entre féminisme « universaliste
» et féminisme « différentialiste ». Le premier
considère qu'il y a « une évolution de la cause des
femmes dès lors que les normes et comportements sont moins
marqués par les assignations sexuées ». Au contraire,
la dimension « différentialiste » défend l'idée
que c'est en « revalorisant le féminin et les
expériences « spécifiques » des femmes que peut
s'opérer la lutte contre la domination masculine ».
21 LAMOUREUX D. (2006) « Y a-t-il une
troisième vague féministe ? », Cahiers de Genre HS
n.1, p.57-74
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