IV.2.2.2. De la MUAS à la MINUAD, le bras de fer
diplomatique entre le Soudan et la communauté internationale
Toujours dotée de moyens très insuffisants,
malgré les renforts qui venaient de lui être attribués, la
MUAS continua néanmoins d'occuper seule le terrain pendant les deux
années suivantes, qui fort heureusement connurent une relative baisse de
tension sur le plan militaire, à laquelle la signature du DPA entre le
gouvernement et la branche « Minawi » du SLM, et le ralliement de
celui-ci à Khartoum, mirent brutalement fin.
Ce sont précisément la reprise des combats, -
à la fois entre forces rebelles et de la part du gouvernement qui
accentue alors sa contre insurrection sur la région -, les
difficultés matérielles et logistiques de la MUAS, ainsi que les
attaques contre les travailleurs humanitaires et les forces de la Mission, qui
pousseront à la fois l'Union africaine et les Nations Unies à
tenter de forcer les oppositions du gouvernement de Khartoum. L'UA ne pouvait
plus faire face seule à cette mission dont l'ampleur dépassait de
loin les moyens qu'elle pouvait y consacrer eu égard à la
détérioration de la situation sur le terrain ; elle avait un
besoin criant de soutien de la part de la communauté internationale.
L'Union africaine poussa donc, contre la ferme opposition du gouvernement de
Khartoum, l'idée que la MUAS devait être remplacée par une
force des Nations Unies.
157 Rapport d'information sur la situation
du soudan et la question du Darfour ; op. cit, p.172
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Des résolutions du Conseil de sécurité
furent prises en ce sens, puis atténuées, devant la virulence des
réactions de Khartoum. Alors même que la résolution 1679 du
16 mai 2006 prenait « Note des communiqués des 12 janvier, 10
mars et 15 mai 2006 du Conseil de paix et de sécurité de l'Union
africaine relatifs au passage de la MUAS à une opération des
Nations Unies » et soulignait « que, dans toute la mesure
possible, l'opération des Nations Unies envisagée aurait un
caractère africain marqué et compterait une forte participation
africaine », le gouvernement soudanais s'y opposa et proposa de
nouveau un simple renforcement des moyens de la MUAS.
Pour contrer l'obstruction de Khartoum, une alternative fut
envisagée un temps par le Conseil de sécurité : le
renforcement de la MINUS, positionnée au Sud Soudan, à la fois en
augmentant ses effectifs et en redéployant son mandat vers le Darfour.
Le 31 août 2006, le Conseil de sécurité «
décide, sans préjudice de son mandat et de ses opérations
actuels prévus par la résolution 1590 (2005) et en appui à
la mise en oeuvre rapide et effective de l'Accord de paix au Darfour, que le
mandat de la Mission des Nations Unies au Soudan (MINUS) sera élargi
comme il est indiqué aux paragraphes 8, 9 et 12 ci-après et
qu'elle sera déployée au Darfour, invite en conséquence le
Gouvernement d'unité nationale à consentir à ce
déploiement (...) ». Rétrospectivement, cette
résolution nous apparaît singulièrement maladroite, voire
incompréhensible et il est à se demander comment le Conseil de
sécurité a pu croire, et espérer, que le gouvernement
soudanais, partie prenante d'un conflit civil sur son territoire, pourrait
accepter qu'une force d'interposition internationale soit
déployée alors même qu'il avait toujours manifesté
son opposition la plus déterminée à toute option de cette
nature et que son accord et sa participation à ce type
d'opération sont indispensables sauf à envisager que le Soudan
n'est plus indépendant et souverain. D'une certaine manière, le
ver des difficultés que la MINUAD rencontrera plus tard est
déjà dans le fruit, avec la crispation nationaliste du
gouvernement soudanais que cette résolution ne pouvait que susciter.
Sans doute faut-il voir aussi pour partie dans cette maladresse la
manifestation de la tendance que la communauté internationale a eue au
long de cette crise, poussée en cela par les campagnes d'opinion qu'on a
vues précédemment, de privilégier les aspects humanitaires
sur les aspects plus strictement politiques pour tenter d'y mettre fin.
Quoi qu'il en soit, cette résolution 1706,
approuvée sans le consentement du principal pays
intéressé, aura naturellement le même sort que la
précédente : le Soudan, soutenu par la Russie et la Chine,
menaça en retour l'UA si ce redéploiement était mis
à
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exécution, et réussit à obtenir un
renforcement des forces de la MUAS, jusqu'à ce qu'une solution
intermédiaire soit trouvée et péniblement acceptée
: la substitution à la MUAS d'une force hybride, « la Mission
des Nations Unies et de l'Union africaine au Darfour, MINUAD ».
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