2. Marginalisation des cultures paysannes
Que le Darfour ait été confronté à
cette explosion de violence, alors que s'achevait la logique la longue guerre
entre la SPLA/M et le pouvoir central et que se préparait un accord pour
une paix définitive, n'est pas une simple coïncidence. Car cet
accord était perçu par les élites du Darfour comme
représentatif de l'indifférence traditionnelle du pouvoir central
aux problèmes socio-économiques et écologiques des
populations de leurs régions.
Celles-ci avaient été en effet parmi les
principales victimes de l'orientation productiviste agro-pastorale du
gouvernement, imposée par les institutions de Breton Word, dans le cadre
d'un ajustement structurel précoce, initié dès 1978.
L'appropriation des terres communautaires paysannes par l'Etat
en fait par la hiérarchie militaire et par des privés soudanais
et étrangers a appauvri la petite paysannerie (agraire et pastorale).
Elle a aussi suscités des rivalités aigues pour
l'accès aux terres encore productives, vu la dégradation des sols
consécutives au développement d'une agriculture de plus en plus
intense. (91 )
De surcroît, la petite paysannerie, déjà
démunie, a encore souffert de la sécheresse des années
80.Cette rébellion survient dans une région déjà au
bord de l'explosion.
Comme dans toute la bande sahélienne, la cohabitation
entre nomades et sédentaires au Darfour a été mis à
mal depuis le milieu des années soixante -dix par la dégradation
de l'environnement.
Autre fois, la terre appartenait aux sédentaires,
essentiellement four et Massalit, mais les nomades y disposaient d'un droit de
passage pour leurs troupeaux.
90Jean. Nanga, Darfour : les enjeux du conflit
meurtrier, solidarités, 19 Octobre 2004, N° 35 91
Jean. Nanga, op.cit, N°53
44
Les deux groupes vivaient dans une imbrication
complémentaire. La sécheresse, l'avancée du désert
couplé avec l'accroissement des populations ont rendu bien plus
difficile l'application des anciennes règles de partage des terres. Les
nomades ont due descendre leurs troupeaux de plus en plus bas, les routes de
transhumance ont été de plus en plus rendues impraticables par
l'extension des cultures, générant des tensions croissantes entre
communautés.
A partir de la grande famine de 1984-1985, ces tensions vont
de plus en plus se dégrader en affrontements armés, notamment en
1987 et 1989. La ligne de fraction n'est pas entre arabes et noirs, mais entre
nomades et sédentaires opposant des groupes comme les Zaghawas et les
Fours, aujourd'hui dans le même camp. (92 )
Il y a conjonction des multiples facteurs dans un contexte de
différenciation des droits à la terre et l'impossibilité
de régler les conflits ancestraux par des modes de régulation
traditionnels. Ces conflit s'expliquent historiquement à la fois par la
marginalisation des razzias ancestrales et par des conflits fonciers apparus
alors des sécheresses de 1979-1985 qui ont sédentarisés
les éleveurs nomades arabes. (93 )
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