Section II : Etudes empiriques
La plupart des études réalisées ont eu
pour objectif soit l'estimation de la demande de travail soit la
détermination des facteurs explicatifs de la demande de travail dans les
entreprises ou
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dans les secteurs d'activités économiques. Des
points de convergences sont à noter mais il y'a eu également des
divergences.
1. Complexité de l'estimation de la demande de
travail
Selon la relation théorique classique et
néoclassique, le coût salarial et la demande de travail sont
liés négativement. Une hausse des salaires conduit à une
baisse de la demande de travail. Cette relation théorique ne semble pas
vérifiée en France depuis les travaux de Patrick ARTUS (1987).
L'objectif de l'auteur était de parvenir à l'évaluation
des effets du salaire réel sur l'emploi en France, Avant tout, il part
de l'idée qu'un excès de salaire réel ou plutôt du
coût salarial réel qui est à la charge des entreprises est
responsable du chômage. Pour vérifier cette hypothèse,
l'auteur a utilisé plusieurs modèles économétriques
tels que les simples équations de demande d'emploi qui ont permis de
relier l'emploi au salaire réel et d'autres variables explicatives (prix
relatif des matières premières, capital productif disponible,
...), le modèle statistique permettant de réaliser des tests de
causalité, le modèle de fonction de production autorisant le
calcul de l'excès de salaire réel, le modèle spiral
prix-salaire qui permet de déterminer le niveau de salaire réel
qui est cohérent avec la stabilité des prix et de l'emploi, le
modèle complet à prix fixes avec rationnement quantitatif
mesurant les probabilités conditionnelles des différents
régimes (chômage classique ou keynésien, inflation
réprimée, ...) et cela période par période.
Après avoir estimé la relation sur chacun des modèles
à partir des séries temporelles, il a obtenu des résultats
mitigés. En effet, l'effet du salaire sur l'emploi était petit en
France quel que soit le modèle considéré.
L'élasticité emploi-coût salarial de long terme obtenu est
de -0,1ce qui est presque significatif mais faible affirme l'auteur. Il continu
en concluant que seul l'effet du prix relatif des matières
premières sur l'emploi et l'effet de l'emploi sur les salaires semble
beaucoup plus significatif et le maniement du salaire réel n'est pas la
bonne arme pour stimuler l'emploi puisqu'il faudrait le modifier dans des
proportions considérables pour obtenir le plein emploi.
Pour justifier la faiblesse de l'élasticité
emploi-coût salarial, Brigitte DORMONT et Patrick SEVESTRE (1986) ont
travaillé sur un modèle dynamique de la demande de travail avec
une spécification sur des données de panels dans le cadre de la
France. Partant de l'idée que les différentes études
économétriques sur la demande de travail qui ont utilisé
des données en séries chronologiques ont abouti à des
résultats difficilement interprétables surtout pour le
paramètre de long terme, ils ont proposé une approche
unifiée de la demande de travail avec des résultats corrects et
facilement interprétables aussi bien pour le paramètre de court
terme que pour celui de long terme. L'estimation de la demande de travail doit
se faire donc à partir des modèles de
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panel. Ces auteurs ont conclu que la prise en compte de la
double dimension intra individuelle et interentreprises des données de
panel dans la spécification économétrique a permis de
résoudre l'alternative apparemment posée par les résultats
des autres estimations.
Brigitte DORMONT revient en mai 1997 dans le même sens
pour mesurer l'influence du coût du travail sur l'emploi dans le cadre de
la France. Elle pense que la relation emploi-coût salarial a
été déterminée sur des modèles
macroéconomiques comportant plusieurs problèmes notamment la
présence des biais de simultanéité et
d'hétérogénéité. Pour corriger ces
insuffisances, DORMONT rappelle que les modèles macroéconomiques
françaises se distinguent par une élasticité
emploi-coût salarial égale à zéro puis se propose
d'examiner les problèmes posés par l'estimation de la demande de
travail sur des données françaises en se concentrant sur
l'évaluation de l'élasticité emploi-coût salarial.
L'auteur stipule qu'une bonne mesure de l'élasticité
emploi-salaire passe par des panels sectoriels en purgeant les observations de
leur variance intersectorielle et en se concentrant sur les résultats
des estimations intra sectorielles, menées sur les écarts aux
moyennes sectorielles. Elle trouve que la valeur absolue de
l'élasticité emploi-coût salariale se situe dans
l'intervalle [-0,8 et -0,5]. La conclusion de DORTMON a été
infirmée par l'étude de Legendre et Le Maître en 2001. En
rappel, leur étude s'était portée sur un
échantillon de huit cents entreprises industrielles françaises
suivies de 1981 à 1987 et a donné une élasticité
emploi-coût salarial approximativement égale à -0,1.
L'économiste Anglo-Saxon HAMERMESH (1993), en
s'appuyant sur plus de soixante-dix études différentes, conclut
que l'élasticité de long terme comprise entre [-0,75 et -0,15] et
la valeur moyenne acceptable est de -0,3. Cette valeur de
l'élasticité constitue à ce titre un ordre de grandeur
qu'il est utile de retenir et est compatible avec l'hypothèse d'une
fonction de production de type Cobb-Douglas. Il a ainsi obtenu une fourchette
d'élasticité emploi-coût salarial relativement
différente de celle trouvée par DORMONT (1997) et
supérieure à celle trouvée par Legendre et Le Maître
en 2001.
Les entreprises évoluent dans un environnement
dynamique et incertain. Les études sur le comportement des entreprises
en matière de demande de facteurs ont négligé le
paramètre de l'incertitude. Mais à partir des travaux de MILLS en
1959 sur la théorie des prix et de l'incertitude cet aspect
d'incertitude est considéré dans l'étude du comportement
des entreprises. Après MILLS, d'autres analyses ont montré qu'en
présence d'incertitude, la firme joue sur le niveau de sa production et
de ce fait, sa demande de travail (SANDO.A, 1971) et
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(LELAND, 1972). Ces résultats tiennent essentiellement
au fait que le travail apparait implicitement comme un facteur rigide qui ne
peut varier lorsque l'incertitude disparait.
En présence d'incertitude, les entreprises segmentent
leurs marchés de travail afin de réduire leurs coûts de
production. La formalisation de ce comportement de l'entreprise a
été effectuée par André ZYLBERBERG en 1981 en
France. L'auteur a tenu compte de la nature aléatoire de la demande et a
supposé l'existence de deux types d'embauches à savoir une
embauche ex ante qui est irréversible et une embauche ex post flexible.
Pour lui, l'entreprise fait un arbitrage entre ces deux types d'embauches et
cet arbitrage est lié aux anticipations des entreprises et aux
coûts de ses embauches qui sont fonctions de l'incertitude dans les
anticipations. L'auteur conclut premièrement que l''existence d'un
emploi flexible est lié d'une part aux coûts du travail et d'autre
part à la forme et à la précision des anticipations
attachées à la demande de produit. Ensuite, il dit que le
comportement de l'entreprise en termes de recherche de la flexibilité
apparait comme une recherche d'un équilibre adéquat entre les
emplois stables et instables et cela est fondé sur la maximisation de
son profit ou de la minimisation de ses coûts sous diverses contraintes
dans un environnement incertain.
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