DEUXIEME PARTIE
LA MISE EN OEUVRE DE L'ARBITRAGE OHADA
La mise en oeuvre du droit de l'arbitrage OHADA
repose sur un certain nombre de conditions qui sous-tendent cet instrument
africain de régulation et d'harmonisation des affaires. En effet, elle
suppose et implique les effets des sentences arbitrales et les voies de recours
(Chapitre 1) ainsi que l'évaluation de l'applicabilité de
l'arbitrage OHADA (Chapitre 2).
CHAPITRE I :
LES EFFETS DE SENTENCES ARBITRALES ET LES VOIES DE
RECOURS EN DROIT OHADA
Les effets sont entendus comme les
conséquences de la saisine du ou des arbitres, par les parties, dans le
cadre strict de l'arbitrage objet de notre étude. Aussi, dans ce
chapitre, convient-il d'analyser, coup sur coup, et ce, à la
lumière des textes et de la doctrine, la diversité des effets
consécutifs à l'arbitrage OHADA ainsi que les interrelations qui
en découlent, dans la mise en oeuvre post- sentence arbitrale. Une telle
démarche implique, à l'occasion donc, les effets de sentences
à l'égard des parties (Section1), l'exécution des
sentences arbitrales et les voies de recours en droit OHADA (Section 2).
SECTON I : LES EFFETS DE SENTENCES A L'EGARD DES
PARTIES
L'étude des effets des sentences arbitrales
à l'égard des parties comme intitulée ci-dessus, passe,
nécessairement, par le dessaisissement des arbitres (Paragraphe 1) et
l'application du principe de chose jugée (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Le dessaisissement des arbitres :
un acte à effet décisoire
Dans le cadre du droit OHADA, le législateur
uniforme a rigoureusement encadré le droit de l'arbitrage
en « l'enfermant » dans une sorte de posture sinon
d'armature juridique qui est loin de faire l'unanimité. En ce sens, une
sentence arbitrale est, au regard des dispositions textuelles tant de l'A.U que
de celles du RA/CCJA, revêtu d'un caractère décisoire qui
dessaisit, de facto, le ou les arbitres ayant rendu la sentence arbitrale de la
contestation tranchée : c'est ce que le législateur
uniforme a appelé la force décisoire.
De même, la pratique jurisprudentielle en droit OHADA se
distingue de bien d'autres pratiques, notamment en ce qui concerne la sentence
rendue. En effet, toute sentence arbitrale tranchée, partiellement ou
totalement, par l'arbitre entraîne automatiquement le
dessaisissement de ce dernier.
De cette contestation, nous pouvons dire, en
définitive, qu'une sentence arbitrale partielle peut être
considérée comme étant une décision
définitive parce qu'elle dessaisit l'arbitre. Ajoutons que le droit
OHADA en général, et singulièrement dans le cadre de
l'arbitrage, admet le dessaisissement de l'arbitre ayant rendu une sentence,
même si celle-ci fait l'objet d'un recours en annulation et est
annulée à la suite dudit recours.
Cette pratique voulue du législateur uniforme, n'est
pas sans préoccupation en termes d'interrogations des auteurs
africains. En réalité, ces interrogations portent,
essentiellement, sur le moment où la sentence arbitrale est
censée emporter alors le dessaisissement de l'arbitre.
En théorie, nous savons, et d'ailleurs les textes le
confirment, que le dessaisissement est intimement lié pour ne pas dire
attachée à une prise de décision des ou de l'arbitre.
Cependant, il est observé, dans la pratique, une autre
réalité somme toute particulière. En termes clairs, il
semble que tant que la sentence arbitrale n'a pas été
portée à la connaissance des parties, elle peut être
modifiée par les arbitres, s'ils tombent tous d'accord pour la
réviser et si le délai d'arbitrage requis, en espèce, n'a
pas expiré.
Au regard de ce qui précède et en
considération de la pertinence pour ne pas dire de
l'intérêt que revêt la question du dessaisissement de
l'arbitre, en matière arbitrale de droit OHADA, il nous semble qu'il
faut appréhender les limites du dessaisissement, lesquelles limites sont
reconnues tant par l'A.U (A) que par le RA/CCJA (B).
A. Les limites du dessaisissement des arbitres selon le
législateur uniforme
Aux termes des dispositions de l'article 22 de
l'Acte uniforme, il appert que la sentence dessaisit l'arbitre du litige.
Toutefois, le texte susvisé autorise, par la même occasion, une
possibilité quant à l'interprétation ou à la
réparation de sa sentence éventuellement entachée d'erreur
matérielle ou d'omission. C'est ce qui constitue, à vrai dire,
une limite au principe de dessaisissement des arbitres. Il faut préciser
que cette possibilité offerte par le texte uniforme est également
constitutif d'un pouvoir propre de l'arbitre dont il fait usage
spontanément. C'est ce qui ressort de l'alinéa 2 de l'article
22 : « l'arbitre a néanmoins le pouvoir
d'interpréter les sentences ou de réparer les erreurs et
omissions matérielles qui les affectent... ». Au surplus
et ce, conformément à l'esprit de la disposition susvisée,
l'arbitre peut, lorsqu'il a omis de statuer sur un chef de demande, le faire
par une sentence additionnelle.
Quant à la rectification d'une erreur
matérielle, elle ne modifie pas la sentence en tant que telle.
Cependant, elle peut porter, par exemple, sur une erreur de calcul ou sur la
saisie du texte.
La sentence additionnelle, par contre, suppose un
complément d'une omission portée, généralement, sur
un chef de demande à condition de ne pas être contestée par
les parties.
Cependant, l'arbitre ne peut, en aucun cas, modifier ou
corriger sa sentence, s'il a statué ultra ou extra
petita.
En outre les sentences interprétatives, rectificatives
d'une erreur matérielle ou additionnelle, qui doivent être
précédées d'un débat contradictoire, faute de quoi,
elles encourent une annulation.
En ce qui concerne le délai de la requête, il
faut indiquer que la partie qui décide de saisir le tribunal arbitral
(T.A) aux fins d'une interprétation ou de rectification d'une erreur
matérielle de la sentence, doit le faire dans les 30 jours suivant la
notification de la sentence arbitrale. Dans ce cas, le Tribunal dispose d'un
délai de 45 jours pour statuer.
Par ailleurs, le juge compétent dans l'Etat partie
n'intervient que, si le tribunal ne peut à nouveau être
réuni, pour en connaître le litige. Cette condition somme toute
rigoureuse sur la possibilité d'intervention du juge étatique se
justifie, par le souci de garantir l'autonomie relative reconnue à
l'arbitre par le législateur uniforme.
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