Le parti unique et la question de l'unité nationale au Togo de 1961 à 1990.( Télécharger le fichier original )par Balowa KOUMANTIGA Université de Kara - Maîtrise ès Lettre Sciences Humaines 2013 |
3.2.2- Les mesures prises, un règlement de compte à l'ex parti uniqueLa conférence nationale décida entre autres mesures de la création d'un poste de premier ministre et d'une assemblée transitoire le Haut conseil de la République (HCR). Le Président de la République était dépouillé de tous ses pouvoirs au profit de son premier ministre. Le pire fut la mesure prise par le HCR de dissoudre le parti RPT le 26 novembre 1991. Après plus de vingt ans ceci s'apparentait à un coup d'Etat et le pouvoir le ressentit comme une humiliation. Et ce sont des difficultés d'application des conclusions de cette conférence qu'apparurent les blocages considérés comme le refus de collaborer de l'ancien régime. Pour Agboyibo « Les décisions prises par la conférence nationale ne pouvaient entraîner les innovations attendues que si elles avaient l'adhésion d'une large majorité de la classe politique et des populations » (Agboyibo 1999 : 159). Somme toute, la Conférence nationale togolaise fut un échec. Elle enlisa davantage le pays dans une longue crise et accentua la crise de confiance entre les nouveaux et les anciens acteurs de la vie politique togolaise. Selon Agboyibo (1999 : 60) : « Le sort malheureux de la conférence nationale est le résultat de plusieurs facteurs dont le principal est la substitution d'une logique de bras de fer pour une conquête immédiate du pouvoir à la logique initialement convenue pour un dialogue national en vue de créer les conditions pour la réconciliation nationale ». Les partisans du multipartisme avaient cru devoir liquider l'héritage du parti unique. L'esprit vindicatif qui a caractérisé la période de la transition vers la démocratie a ainsi sa part de responsabilité dans la difficile marche du Togo à la démocratie. Il ressort de l'analyse de ce qui précède que les nouveaux acteurs de l'échiquier politique national à partir de 1990, auraient été obsédés par le goût du pouvoir et n'auraient vu dans la démocratisation qu'une modalité particulière d'accès aux fonctions dirigeantes. Bref, les mutations en cours dans les années 1990 au Togo, furent affectées par les pesanteurs unitaires, les facteurs internationaux, l'effet des conjonctures et des acteurs qui s'entremêlaient pour faire émerger la démocratie pluraliste. Au total, dans sa quête de l'unité nationale, plusieurs moyens ont été utilisés mais, la perversion aboutit à des pratiques néfastes telles que : la proscription de la mémoire collective de certains faits passés, la célébration des anniversaires qui repose sur les hauts faits du chef, l'érection des effigies126(*), le changement d'hymne et de la devise nationale, la politique d'authenticité culturelle, le baptême des places publiques. Ces pratiques sont considérées comme des manifestations du désir de tout ramener à soi et portent une part de responsabilité dans l'échec de la politique de l'édification de l'unité nationale. Certains de ces comportements resteront ancrés dans les habitudes au point de constituer un handicap à l'émergence et à l'implantation d'une réelle démocratie. Le RPT parti unique sous la direction de son Président-fondateur, le général d'armée Gnassingbé Eyadema fit de la réalisation de l'unité nationale son credo politique. L'observation de la situation politique et socio-économique en amont et en aval du parti unique, permet de conclure que le plus grand acquis de l'ère du parti unique fut la paix et la stabilité politique et économique si relatives ou si discutables soient-elles. Les avatars de ce système ont cependant contribué à écorner, à brader cet héritage et conduiront à sa chute. En effet, au lendemain des indépendances, le parti unique a tenté de consolider l'Etat et l'unité nationale par le recours à une théorie bien commode : le développement supposant ordre, mobilisation, engagement et abnégation, le peuple devait être discipliné et faire preuve de patience car le développement était au bout de l'effort. Dans ces conditions, le système politique, ne pouvait se permettre d'être permissif. Le pluralisme politique était un luxe accessible aux seuls pays nantis. Quant aux libertés que les intellectuels revendiquaient haut et fort, elles ne pouvaient qu'être destructives ; elles ne pouvaient que miner le système, désengager les populations, remettre en cause l'ordre et le pouvoir, bref, déstabiliser les régimes. Ces mêmes avatars ont constitué du plomb dans l'aile de la démocratie multipartite. Au demeurant, le processus démocratique est l'otage du dualisme entre les tenants de l'ordre ancien (le parti unique) et les nouveaux acteurs de l'échiquier politique, partisans de la démocratie * 126 La plupart de ces effigies ont été détruites avec l'avènement de la démocratie en 1990. |
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