Le parti unique et la question de l'unité nationale au Togo de 1961 à 1990.( Télécharger le fichier original )par Balowa KOUMANTIGA Université de Kara - Maîtrise ès Lettre Sciences Humaines 2013 |
3.2- La Conférence nationale togolaise, un procès du parti uniqueAu début des années 1990, le contexte sociopolitique international est marqué par des turbulences d'une grande portée historique. En Europe et précisément en Allemagne, c'est la chute du mur de Berlin en novembre 1989 puis la balkanisation de l'URSS. Ces deux évènements marquent la victoire de la démocratie incarnée par les puissances occidentales (USA, Grande Bretagne, France) sur le communisme prôné par les soviétiques. Lors du sommet de la Baule en juin 1990, la France conditionna son aide bilatéral aux pays africains pour le développement aux progrès de la démocratie. Les Africains ne manquèrent pas l'occasion pour renverser les régimes jugés liberticides. On assista en Afrique à ce qu'on a appelé le « vent de l'Est » marqué par des revendications populaires en faveur d'une démocratie pluraliste. Les conférences nationales semblèrent un passage obligé vers la démocratie. Plusieurs pays connurent ces assises nationales avec des fortunes diverses. 3.2.1- La Conférence nationale togolaise, les espoirs douchés d'une sortie de criseAu Togo, la conférence nationale s'est tenue du 8 juillet au 28 août 1991 à l'Hôtel du 2 Février avec pour mission de permettre une transition en douceur vers le multipartisme. Pour ce faire, la conférence nationale devait être l'occasion d'un bilan sociopolitique et de réconciliation nationale (Adikou 2008 : 39). Elle retint l'attention de la population qui espéra des lendemains plus paisibles et plus radieux. Relevant l'importance de cette conférence, C. Améganvi cité par M. Adikou (2008 : 26) estime que : « La conférence nationale fut un moment important dans l'histoire du peuple togolais du fait des espoirs dont celui-ci la chargea. Elle le fut aussi parce qu'elle a permis, pour la première fois de débattre publiquement du bilan d'un régime qui jusqu'à lors permettait rarement qu'on le critique depuis sa venue au pouvoir. De ce fait elle reste pour le peuple togolais un symbole et une référence historique pour lui avoir donné l'occasion d'être aussi directement et publiquement confronté à l'histoire ». Mais elle se transforma en un tribunal où se déroula le procès du parti unique. Pour ce faire, elle proclama unilatéralement sa souveraineté en violation des accords du 12 juin 1991 entre l'opposition et le pouvoir124(*). Au lieu de discuter de l'avenir du pays, les nouvelles forces politiques livrèrent à la vindicte populaire l'oeuvre du parti unique et de son président ; ainsi se succédaient les accusations et les énumérations de violation des droits de l'homme. Parlant de ces conférences qui se sont tenues en Afrique à partir de 1990, Mathieu Ngirumpatse que Cite T. Danioue (1994 : 432) estime qu'elles n'ont pas été « un forum de consensus, mais d'accusations, où l'on semble croire que l'on peut résoudre tous les problèmes rien qu'en déballant les faiblesses de l'ancien système. »125(*) Dans cette même logique, V. Okana cité par M. Adikou (2008 : 40) estime pour sa part que « La conférence aurait pu être l'occasion pour l'ensemble de l'élite togolaise de se retrouver pour réfléchir sur l'avenir du pays. Malheureusement, elle fut préparée à la hâte et prise d'assaut par de nombreux délégués qui n'étaient que des hommes politiques aux ambitions masquées. » Le consensus qui avait prévalu à la convocation de la conférence nationale au Togo vola en éclat avec la proclamation de sa souveraineté. Elle était vouée dès lors à un échec du moment où elle ne faisait plus l'unanimité au sein de la classe politique. Des gens ont pu tourner en dérision l'appellation de conférence nationale souveraine pour en faire « la conférence nationale souterraine ». Les mesures qui y furent adoptées aux termes des travaux, dissimulaient mal l'intention des conférenciers. * 124 Dans le cadre de l'organisation de la conférence nationale, plusieurs désaccords opposaient le gouvernement et l'opposition aussi bien sur la forme que sur le fond. Sur la forme, pour le gouvernement, il s'agissait d'organiser un forum national alors que l'opposition exigeait que ce soit une conférence nationale. Sur le fond, la pomme de discorde était surtout relative au principe de souveraineté de la conférence. Ces divergences d'approche conduisirent à un blocage puis à une grève générale illimitée. C'est dans ce contexte qu'intervinrent les accords du 12 juin entre le gouvernement et l'opposition réunie au sein du COD, qui mirent fin au blocus. Voir les termes de l'accord in K. Kadanga (2007 : 70-71). * 125 Mathieu Ngirumpatse, secrétaire national du Mouvement républicain national pour la démocratie et le développement (MRND) du Rwanda. |
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