Le parti unique et la question de l'unité nationale au Togo de 1961 à 1990.( Télécharger le fichier original )par Balowa KOUMANTIGA Université de Kara - Maîtrise ès Lettre Sciences Humaines 2013 |
3.5- Le RPT : un parti doté d'une structure calquée sur celle du peupleLe RPT à l'instar de bien d'autres partis uniques africains a choisi une organisation de type pyramidal. A travers cette structure ce parti traduit une volonté d'identification du parti au peuple. Le parti RPT dans le souci de réaliser l'unité s'est voulu d'abord le parti du peuple tout entier pour pouvoir se confondre réellement et intimement avec le peuple togolais dans sa totalité. Il se voulait la structure de base du pays, et sa véritable « colonne vertébrale », un mouvement d'encadrement et d'animation des populations à tous les niveaux. C'est ainsi qu'il se dota des ailes marchantes : JRPT, UNFTT, CNTT, UNCTT et des associations des ressortissants69(*) de divers localités pour relayer et dynamiser l'action du parti. Ces ailes marchantes avaient pour rôle d'éveiller la conscience nationale des masses et des élites par une éducation et une formation appropriée70(*). Ainsi, ont-elles contribué efficacement à l'enracinement de la culture politique au Togo. Le RPT se voulait un parti de masse dont le programme d'action est conforme avec l'intérêt national. Tout citoyen togolais était synonyme de membre du RPT. Dans l'intention que le parti soit présent partout, il se dota de structures permettant de vivre la réalité du peuple. Le RPT considéré comme parti du peuple, devait tenir cette qualité non pas du fait que tous les citoyens y adhéraient, mais plutôt du fait qu'il était sensé percevoir et refléter les aspirations du peuple. Bien qu'étant un parti unique, le RPT professait qu'il était un parti démocratique71(*) c'est-à-dire un gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple comme il ressort de ce passage : « A l'analyse de la situation togolaise, force est de reconnaitre, qu'à l'heure actuelle, une seule formation politique est souhaitable au Togo. Cela est conforme au principe d'Union et de Solidarité nationale, et compatible avec la démocratie si, comme nous le ferons, le RPT est le haut lieu d'un dialogue libre et sincère. »72(*) C'est pourquoi à travers sa structure, il se met en contact avec le peuple de façon à percevoir et à traduire ses aspirations les plus légitimes. L'existence de cellules de base traduit la volonté d'établir un contact permanent avec la population et de lui permettre de s'exprimer directement. Les comités du RPT ont une base géographique (quartier, village, canton...) comme l'indique l'organigramme structurel (page 50). A la base les cellules de quartier devaient être choisies démocratiquement, de façon à être l'émanation de la volonté de la population. Les organes directeurs, au sommet, devaient à leur tour découler des organes inférieurs de sorte que théoriquement, ils soient représentatifs de la base. Mais on ne peut affirmer avec certitude ni que toutes ces structures soient toujours en place ; ni qu'étant en place, elles soient d'inspiration démocratique. Mais une chose est claire ces structures reflètent la volonté des dirigeants que le parti soit en constante liaison avec le peuple. Il était à craindre que les organes directeurs ne se détachent de la base. Et dans le souci d'associer la base aux décisions, un mécanisme de courant ascendant a été établi mais qui malheureusement n'a consisté pour les dirigeants qu'à tenir épisodiquement des discours politiques dans le souci de politiser les masses. Les barons retournaient chacun dans sa base pour vulgariser et faire valoir le bien fondé des mesures prises afin de susciter l'adhésion populaire. Le parti est à partir de ce moment devenu un instrument aux mains du gouvernement et une administration chargée de transmettre les ordres du gouvernement. Au départ il exprimait les aspirations du peuple ce qui justifie les manifestations de soutien mais il s'est mis ensuite à vivre une vie indépendante. La réalité première qui était le peuple a cédé la place au parti. A ce moment le peuple a vu ses désirs (aspirations) entravés par des institutions déficientes et détournées de leurs buts par quelques individus. Après l'intervention militaire de 1963, la gestion des affaires fut confiée à Nicolas Grunitzky et Antoine Méatchi. Mais le pays fut à nouveau plongé dans une crise de prééminence de personnes accentuée par les rebondissements des acteurs politiques déchus par le coup d'Etat de 1963, entraînant un second, celui de 1967. Les nouveaux responsables politiques à partir de 1967 décidèrent la dissolution des partis politiques optèrent pour la solution du parti unique. Ce choix a été considéré avec scepticisme par certains. Malgré tout, on a constaté une certaine ferveur car celui-ci s'était déclaré au service d'une cause qui le légitime : l'unité nationale que les précédents régimes n'avaient pu réussir. Certes, cette option à reçu l'adhésion d'une partie de la population mais il serait faux de croire qu'il ait fait l'unanimité. Ceci justifie la quête de l'assise populaire et la politique de réconciliation nationale que le parti a entrepris et qui sont le reflet d'une certaine fragilité. Les rivalités éminemment politiques et régionalistes vont-ils pouvoir se dissoudre ou se fondre dans un seul et même parti ? Le RPT va-t-il pouvoir fédérer toutes les forces contradictoires du pays ? Le RPT va toujours clamer l'unité nationale comme son cheval de bataille. Qu'en est-il de cette unité tout au long de son existence ? C'est à ces questions que tente de répondre la deuxième partie. En somme la période de 1946 à 1969 a été marquée par la naissance des partis politiques puis par les premiers pas des Togolais sur le chemin de la démocratie. Elle a aussi vu naître les démons de la haine et des règlements de comptes dont les Togolais n'ont pas pu se débarrasser si tôt et qui eurent des répercutions profondes sur la suite de l'histoire. Les dirigeants étaient certes animés de bonne volonté et plein de bonnes visions pour leur peuple si on considère les discours73(*). Mais les comportements ont été entre temps en total désaccord avec ces discours. Ceci est l'une des réalités en politique : les actes et comportements ne correspondent pas souvent aux discours. La liberté au nom de laquelle et pour laquelle ils se sont battus aux côtés de leur peuple fut compromise par les violences. Les violences politiques ont jeté d'une part un discrédit sur le multipartisme en établissant l'équation multipartisme = violences politiques. D'autre part, elles ont légitimé le choix du parti unique comme la solution unique pour mettre fin aux divisions et favoriser l'unité. Mais l'institution du parti unique (le PUT) n'a pu mettre un terme à ces violences. Au contraire, celles-ci furent exacerbées par les autorités qui en panne de crédibilité cherchaient à consolider leur pouvoir. En 1963 et 1967, deux coups de force intervinrent pour arrêter ce qu'on considérait comme étant des dérives, sans pour autant éloigner la tentation unitaire. En 1969 les gouvernants optèrent à nouveau pour le parti unique et créèrent le RPT. Le premier parti unique était apparu comme un moyen pour les tenants du pouvoir d'alors d'assouvir leur désidérata politique qui était de gérer le pouvoir sans partage. Qu'en fut-il du second et d'ailleurs le plus connu ? * 69.Exemple : L'Union des ressortissants de la circonscription d'Aného (URCA), l'Union des ressortissants de la circonscription de Vo (URCIVO), l'Amicale des stagiaires, élèves et étudiants de la préfecture des Lacs (ASERLACS), l'Amicale des élèves et étudiants de la Kozah (AMELKO), l'Amicale des élèves et étudiants de la circonscription administrative d'Amlamé (AMECAA) etc. furent particulièrement dynamiques. * 70 Programme et statuts du RPT, Lomé, Editogo, 1970, p.10 * 71 Ceci n'est pas une particularité du RPT tout les partis uniques en Afrique se sont proclamés démocratiques puisque disent-ils, ils prônent en leur sein le dialogue, la critique et la contestation constructive et surtout parce qu'ils pratiquent le suffrage universel. Est-ce par peur d'être traité de dictature ? * 72 Programme et statuts du RPT, Lomé, Editogo, 1970, p.13 * 73 Les discours politiques sur l'unité nationale au Togo ont fait l'objet d'une communication pendant la XIVe édition des journées scientifiques internationales de Lomé (JSIL 2010) du 25 au 29 octobre 2010 ; « avril 1960 - avril 2010, cinquante ans de discours sur l'unité nationale au Togo : les leçons d'une politique toujours d'actualité » présentée par Joseph Koffi Nuteté Tsigbe, département d'histoire et d'archéologie/UL. Cette communication avait pour objectif d'amener tout citoyen à se demander ce qui a été réellement fait en matière d'unité nationale au Togo, au delà de cette considération simpliste, l'auteur de la communication, qui s'inscrit dans le nouveau paradigme en histoire, sur « vivre et enseigner la nation », vise à décrypter les discours politique sur l'unité nationale au Togo en vue de faire un bilan cinquante ans après et tirer ainsi les principales leçons qui s'imposent, Actes des Journées scientifiques internationales de Lomé XIVe édition (JSIL 2010) 25-29 octobre 2010 sur le thème « la contribution de la recherche scientifique et technologique à la réduction de la pauvreté en Afrique sub-saharienne », Lomé. |
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