1.2.2. Le capital institutionnel
La théorie du capital institutionnel tire son origine
du débat sur la place à accorder aux institutions dans l'analyse
économique. Avant le 20è siècle, la place des
institutions demeurait encore marginale. COURNOT, par exemple, plaçait
l'intérêt pour les institutions et leur étude en dehors de
l'économie politique. SCHUMPETER considérait que les institutions
étaient une branche de rang inférieur (PAUL, 2011).
Le premier vrai courant de pensée économique sur
les institutions vit le jour aux Etats-Unis au début du
20è siècle. Les principales figures de
l'institutionnalisme américain sont Thorstein VEBLEN (1899), John Rogers
COMMONS (1924) et Wesley Clark MITCHELL (1914, 1937). Ce courant répond
au nom d'Ancienne Economie Institutionnelle11 et avait pour
idée principale que ce sont les institutions et non plus la valeur qui
font l'objet de la science économique. Au sein de ce courant, les
institutions étaient définies d'une part comme « des
habitudes mentales prédominantes, des façons très
répandues de penser les rapports particuliers et les fonctions
particulières de l'individu et de la société »
(VEBLEN, 1899, p. 125). Chez VEBLEN,
11 Traduction de l'anglais Old Institutional
Economics.
11
l'institution concerne tous les hommes. Il considère
que le retard de l'évolution institutionnelle par rapport au
progrès technique et technologique est souvent source de
problèmes économiques et sociaux. Quelques années plus
tard, COMMONS (1934) qualifiera l'institution d' « action collective
en contrôle de l'action individuelle ». Selon PAUL (2011),
l'institutionnalisme américain a introduit dans l'analyse
économique l'idée selon laquelle le comportement est fonction des
croyances et des habitudes. Les théoriciens de ce courant ont
posé les institutions comme unités d'analyse. Ils ont remis en
question la notion d'équilibre en partant du comportement humain. Tout
leur travail s'est mené à travers une approche pluridisciplinaire
(économie, sociologie, philosophie). L'institutionnalisme
américain, par le sentier qu'il a tracé, a permis à
l'économie institutionnelle de « s'enrichir » de nouveaux
développements, toutefois après une longue période morte
(de l'après seconde guerre mondiale jusque dans les années
70)).
Le néo-institutionnalisme ou la Nouvelle Economie
Institutionnelle (NEI) est un courant de la pensée économique
construit à partir d'un retour critique aux travaux des
institutionnalistes américains. Ce retour critique a été
amorcé par COASE (1937) avec son concept de coûts de
transaction12. Plus tard, il écrit « [...] les
coûts de l'échange dépendent des institutions de chaque
pays : son système légal, son système politique, son
système social, son système éducatif, sa culture, etc. En
effet, ce sont les institutions qui gouvernent la performance d'une
économie, et c'est ce qui donne à la « Nouvelle Economie
Institutionnelle» son importance pour les économistes ».
Les néo-institutionnalistes ont une lecture plus individualiste que
leurs prédécesseurs dans leur analyse des institutions. Ils font
le parallèle entre la rationalité limitée de l'individu et
les institutions. Ils pensent qu'entre la société et les
institutions, il existe une relation de causalité à double sens :
la société, par ses coutumes affecte l'apparition des
institutions formelles et les institutions, par l'ensemble de contraintes et
stimulants qu'elles imposent, modèlent la société dans son
ensemble (BAJENARU, cité par PAUL, 2011). Pour les
néo-institutionnalistes, les institutions sont des obligations
normatives. Plus précisément, selon NORTH (cité par PAUL,
2011), « les institutions sont tout (règles, normes,
contraintes, mécanismes d'incitation/désincitation) ce qui
codifie les interactions entre les agents économiques ». Dans
son analyse NORTH fait la distinction entre l'institution et l'organisation
(entité). Pour sa part, OSTROM (1986) entend les institutions comme
« des prescriptions (précisant ce qui est requis, permis ou
interdit) connues et partagées par un ensemble de
12 COASE dans son article « The Nature of the
Firm » paru en 1937, a introduit le concept de coûts de transaction
qui sont l'ensemble des coûts induits par un échange
économique.
12
participants dans l'objectif de rendre leurs relations
interdépendantes répétitives ». Dès lors,
les institutions sont perçues comme des règles qui fournissent
aux agents économiques des avantages économiques.
Dans les années 1990, alors que le
néo-institutionnalisme a réussi à faire rentrer les
institutions dans la théorie économique néoclassique, une
nouvelle notion apparaît dans la littérature. C'est le capital
institutionnel. TREBILCOCK (1996) inaugure cette notion dans « What
make poor countries poor? The role of institutional capital in economic
development». Suite à cet article, de nombreux autres
paraitront, sans lien explicite entre le capital institutionnel et la
théorie néo-institutionnaliste. De plus, la notion de capital
institutionnel ne sera pas définie. C'est dans le but de pallier ce vide
théorique que PAUL (2011) a apporté sa pierre contributive. En
effet, PAUL (2011) fait le lien entre le capital institutionnel, et les
occurrences néo-institutionnelles du terme institution. Il
définit le capital institutionnel comme étant «
l'actif constitué par les institutions écrites ou non
procurant des avantages économiques aux agents économiques.
Il structure les relations entre les individus ou entre les
organisations à travers ses influences incitatives ou
désincitatives. Il peut être considéré comme une
ressource dont la détention peut procurer un certain nombre d'avantages
économiques. Du point de vue de l'agent économique, il assure un
ensemble défini de droits et de devoirs. ».
De ce qui précède, et en se basant sur la
définition du capital institutionnel de PAUL (2011), l'enseignement
suivant est tiré : dans le cadre de cette recherche, le capital
institutionnel correspond à l'actif découlant des critères
de ciblage utilisés par les projets HIT, de leur culture
(expérience) et des mesures d'accompagnement (appuis
vétérinaires, sensibilisation, etc.) qu'ils mettent en place
à l'intention des bénéficiaires de transferts.
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