1.2. Nouvelles théories de la croissance
La littérature d'obédience économique
fait remonter les origines de la croissance économique à la
première révolution industrielle. HODONOU (2009) dressait la
genèse de l'évolution des théories de la croissance
économique. Initié en 1776 par la vision optimiste d'Adam SMITH
(la division du travail comme source de productivité), le thème
de la croissance réapparaîtra au 19è
siècle dans les travaux de MALTHUS (1798), RICARDO (1817) et MARX
(1867). Il faudra cependant attendre le 20è siècle et
les années 50 pour que les modèles théoriques de la
croissance connaissent un véritable succès. Les modèles
post-keynésiens (HARROD-DOMAR) et néoclassiques (SOLOW) ont
introduit un véritable débat sur la question de la croissance
équilibrée. Depuis les années 70-80, la croissance a connu
un nouvel essor sous l'impulsion des théoriciens de la régulation
et de la croissance endogène. Le modèle de SOLOW n'expliquait pas
la croissance, il signalait simplement que grâce au progrès
technique, la croissance peut perdurer. Pour les théoriciens de la
croissance endogène, le progrès technique ne tombe pas du ciel.
Ces théoriciens sont ROMER (1986), LUCAS (1988), et BARRO (1990). La
croissance est ainsi assimilée à un phénomène
auto-entretenu par accumulation de quatre facteurs principaux : la technologie,
le capital physique, le capital humain et le capital public. Le rythme
d'accumulation de ces variables dépend des décisions
économiques des agents, c'est pourquoi on parle de théories de la
croissance endogène.
Cependant, avec les difficultés rencontrées par
les Pays en Développement (PED) pour réaliser une croissance
soutenue et durable, de nouvelles « voies » théoriques se sont
révélées. Cet apport théorique récent est
centré sur les différentes formes de capitaux nécessaires
au développement économique durable. Sachant qu'il ne peut y
avoir développement sans croissance économique soutenue, ces
approches normatives peuvent être assimilées à la recherche
des facteurs fondamentaux de croissance. Dans une publication de la FAO, WARNER
(2000) rapporte les cinq formes du capital citées par CARNEY (1998). En
fait, dans
9
Implementing the sustainable livelihoods approach en
1998, CARNEY analysait les formes de capitaux requises pour un
développement durable en retenant les capitaux naturel, physique,
financier, humain et social. Une année plus tard, dans Sustainable
livelihoods: Lessons from early experience (ASHLEY et CARNEY, 1999), on
peut lire : « La durabilité des moyens d'existence
dépend de plusieurs dimensions-environnementale, économique,
sociale et institutionnelle ». Dans Cents and Sociability :
Household Income and Social Capital in Rural Tanzania, NARAYAN et
PRITCHETT (1999) soulignent cinq types de capitaux qui sont supposés
retenir l'attention des acteurs et des analystes des stratégies de
développement. Ce sont : le capital physique, le capital humain, le
capital naturel, le capital institutionnel et le capital social.
Cette étude, pour des questions de concordance
empirique, se situe plus dans la même lignée que NARAYAN et
PRITCHETT (1999). La seule variante qu'elle apporte, est de ne
considérer que le capital humain, le capital naturel, le capital
institutionnel et le capital social. L'échantillon étant
constitué de personnes pauvres et vulnérables, le capital
physique10 de ces personnes est susceptible d'être
quasi-inexistant.
1.2.1. Le capital humain
Il a été mis en évidence par deux
économistes de l'Ecole de Chicago, Theodor SCHULTZ et Gary BECKER, et
est au centre des études menées par LUCAS (Prix Nobel en 1995).
Le capital humain désigne l'ensemble des capacités apprises par
les individus et qui accroissent leur efficacité productive. Chaque
individu est en effet, propriétaire d'un certain nombre de
compétences, qu'il valorise en les vendant sur le marché du
travail. Cette vision n'épuise pas l'analyse des processus de
détermination du salaire individuel sur le marché du travail,
mais elle est très puissante lorsqu'il s'agit d'analyser des processus
plus globaux et de long terme. Dans ce schéma, l'éducation est un
investissement dont l'individu attend un certain retour. Il est alors naturel
de souligner que la tendance plus que séculaire dans les pays
occidentaux à un allongement de la durée moyenne de la
scolarité est une cause non négligeable de la croissance. BECKER
définit le capital humain comme un stock de ressources productives
incorporées aux individus eux-mêmes, constitué
d'éléments aussi divers que le niveau d'éducation, de
formation et d'expérience professionnelle, l'état de santé
ou la connaissance du système économique. Toute forme
d'activité susceptible d'affecter ce stock (poursuivre ses
études, se soigner, etc.) est définie comme un investissement.
L'hypothèse fondamentale de Becker est que les inégalités
de salaires reflètent les productivités différentes des
salariés. Ces dernières sont elles-mêmes
10 Ensemble des équipements issus d'un
investissement préalable et qui entrent dans le processus
d'élevage.
10
dues à une détention inégale de capital
humain. Un investissement en capital humain trouve donc une compensation dans
le flux de revenus futurs qu'il engendre. L'analyse de la formation du capital
humain passe par l'étude d'un choix inter temporel : l'individu
détermine le montant et la nature des investissements qu'il doit
effectuer pour maximiser son revenu ou son utilité inter temporels. La
durée de vie de l'investissement, sa spécificité, sa
liquidité, le risque associé sont alors autant de
déterminants du taux de rendement de l'investissement en capital
humain.
Sur la base de cette théorie, le capital humain dans
cette recherche fait référence au niveau d'éducation et
à l'expérience professionnelle des bénéficiaires
des interventions HIT. Cependant, il a été opéré
comme choix de considérer également le genre et l'âge des
bénéficiaires comme actifs du capital humain. En effet, dans la
société burkinabè, le fait d'être une femme ou un
homme définit le degré d'accès à telle ou telle
autre ressource, le degré d'accès à l'éducation.
Certes, le genre est généralement considéré comme
une variable démographique, mais de façon intrinsèque, la
féminité en Afrique engendre des discriminations, qu'il serait
intéressant d'analyser sous l'angle du capital humain. En outre, au
Burkina Faso et plus précisément en milieu rural, l'âge
plus ou moins avancé des agents économiques leur confère
certains avantages pouvant être utilisés dans les processus de
production.
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