2.3. De la portée macroéconomique et
microéconomique de
l'élevage
L'élevage constitue un pan important de l'économie
burkinabè en ce sens qu'il contribue
conséquemment à la formation des agrégats
macroéconomiques. En effet, selon les statistiques de la balance des
paiements, les exportations de produits d'élevage en 2009 sont
estimées à 60,3 milliards de FCFA, dont 52,2% pour le
bétail et la volaille sur pied, 42,9% pour les cuirs et peaux, et 4,9%
pour la viande et les abats. Le montant des exportations a presque
doublé entre 2001 et 2009 ; mais il a enregistré une baisse
significative (-9,3 milliards de FCFA) en 2003 avant de reprendre la tendance
à la hausse à partir de 2004 jusqu'en 2009. En 2009, les
exportations de produits d'élevage ont représenté 14,2%
des exportations totales du pays. Sur la période de 2001 à 2009,
la part contributive des produits composés d'animaux vivants, de
24 Journal L'express du Faso N°3613 du lundi 23
décembre 2013.
25 Banque Mondiale, 23 avril 2014.
20
viandes et de cuirs et peaux, a varié entre 12,9% et
20,1%. De 2001 à 2007, les produits de l'élevage constituaient le
deuxième produit d'exportation après le coton. Depuis 2008, avec
l'ouverture d'importantes mines d'or (Semafo, Inata, Essakane), les produits
d'élevage occupent désormais la troisième place dans les
exportations du pays après l'or et le coton. Cependant, la balance
commerciale des produits d'élevage est demeurée
excédentaire entre 2001 et 2009 et s'est régulièrement
améliorée au cours de la période 2004-2009.
L'excédent commercial de produits d'élevage s'est situé
à 52,9 milliards de FCFA en 2009 et l'excédent commercial annuel
moyen de la période étudiée est de 34,9 milliards de CFA.
Ce qui traduit une contribution très appréciable de
l'élevage à la réduction du déficit commercial du
pays. En 2009, la contribution du sous-secteur de l'élevage à la
réduction du déficit commercial du Burkina Faso est
estimée à 18,9% (en tenant compte des importations d'intrants
utilisés dans ce sous-secteur); elle est estimée à 12%
pour toute la période 2001-200926.
Sur le plan microéconomique, la littérature
consacrée à l'importance de l'élevage dans les pays en
voie de développement fait ressortir une relation entre élevage
et lutte contre la pauvreté.
ROTA et SIDAHMED (2010) ont dressé une liste de
rôles que joue l'élevage dans le milieu rural au niveau des pays
pauvres. Pour ce faire, ils se sont basés sur les expériences du
Fonds International pour le Développement de l'Agriculture (IFAD) en
matière d'accompagnement des ruraux. Selon eux, l'élevage est un
actif non négligeable qui joue un rôle crucial dans la
réduction de la pauvreté en milieu rural, avec un effet
considérable sur :
y' la sécurité alimentaire :
l'élevage est une importante source de nourriture, de revenus et de
facteurs de production pour les communautés pauvres et
marginalisées ;
y' les aspects nutritionnels :
l'élevage offre aux ménages pauvres de la nourriture riche en
nutriments qui, même en quantité limitée, sont
particulièrement bénéfiques à l'évolution
normale des grossesses et à la croissance tant physique que
psychologique des enfants ;
y' la santé de la communauté :
dans bien de régions pauvres, les produits de l'élevage sont
utilisés pour traiter les maladies et problèmes de santé.
L'animal comme moyen de transport est vital pour les groupes
marginalisés afin de rallier les centres de soins. Les revenus
générés par l'élevage sont souvent alloués
à la prise en charge médicale du
26 MRA Burkina Faso et PNUD, novembre 2011,
Contribution de l'élevage à l'économie et à la
lutte contre la pauvreté, les déterminants de son
développement.
21
ménage. La détention de bétail peut aider
les familles pauvres à mieux résister aux effets
dévastateurs du VIH/SIDA ;
y' l'identité socio-culturelle : pour
de nombreuses communautés pauvres et marginalisées, le
bétail représente un gage d'identité et d'interface vitale
avec l'environnement social ;
y' le renforcement du statut social et
parité dans le genre : l'élevage est principalement une
activité familiale et donne aux femmes, aux personnes âgées
et aux jeunes un rôle plus important dans l'économie du
ménage ;
y' les facteurs de production : le
bétail fournit l'engrais et la force de travail pour l'agriculture ;
y' la gestion des risques sociaux : les
systèmes d'élevage durable permettent aux
communautés de mieux gérer les risques sociaux et
de faire face aux difficultés ;
y' l'accès aux services : le
bétail induit la prestation de services de base aux pauvres des zones
rurales, tels que le système financier rural, l'éducation en
matière de santé, etc. ;
y' les relations de marché : pour les
ménages pauvres et les groupes marginalisés, les produits de
l'élevage sont des actifs leur permettant d'accéder aux
réseaux de commerce à différents niveaux. Ce qui est
important pour leur assurer des moyens de subsistance ;
y' l'actif social et financier : le
bétail est une source de revenus, d'épargne et d'assurance. Et il
permet à ses détenteurs de participer à la vie sociale
;
y' l'actif humain : l'élevage est
connu et pratiqué par les communautés rurales qui ont acquis ces
connaissances de leurs ancêtres.
L'Institut International de Recherche sur l'Elevage
(ILRI)27, quant à lui, analyse l'importance de la
détention de bétail par rapport aux chemins de sortie de la
pauvreté. Ces chemins sont :
y' la sécurisation des actifs et la
réduction de la vulnérabilité : le bétail joue un
rôle crucial dans les économies rurales de bien de pays en
développement en facilitant l'accumulation du capital (physique,
financier, humain, social et naturel) et la sortie des ménages de la
pauvreté. En plus de permettre aux ménages pauvres (et souvent
aux femmes) d'accumuler des actifs, le bétail joue plusieurs rôles
et fournit des services
27 ILRI, 2008.
22
stratégiques, y compris l'épargne, la
sécurité de revenus, la fourniture en produits comme le lait, la
viande, les oeufs, le fumier et la traction ;
V' l'amélioration durable de la productivité
à travers : l'augmentation de la quantité et de
la qualité de la fourniture d'aliments pour le
bétail par l'utilisation de sources locales et bon marché ;
l'augmentation de la productivité des petits éleveurs via la
promotion de l'utilisation de races locales ; le développement de
systèmes anti-endémiques pour protéger les animaux des
maladies infectieuses ;
V' l'amélioration des opportunités de
marché : parce que les chaînes de commercialisation du
bétail sont longues et complexes, elles offrent de multiples
opportunités aux pauvres en termes d'accès aux intrants
(nourritures animales), d'écoulement de la production (viande, lait,
peaux, fumier, etc.).
D'autres auteurs ont mené une réflexion sur
l'efficacité comparée du bétail, selon que le
ménage pauvre soit détenteur de gros ou de petit bétail.
En effet, selon LANKOANDE et SUMBERG (2013) le petit élevage (poules,
chèvres et moutons) est particulièrement important pour les
femmes, même celles pauvres ; celles-ci contrôlent souvent la prise
de décision en ce qui concerne la vente du petit bétail. Cela
s'explique par la faible valeur financière du petit bétail par
rapport au gros bétail, ce qui ne suscite pas l'intérêt des
hommes. De plus, le petit bétail peut être rapidement converti en
argent, et est donc primordial dans l'autonomisation économique des
femmes et dans la réalisation des projets d'actifs (DE HAAN, PEACOCK,
cités par LANKOANDE et SUMBERG, p.3, 2013). Au Burkina Faso, le cheptel
d'élevage est accumulé selon une stratégie pyramidale qui
place la volaille et les petits ruminants à la base (NIANOGO et SOMDA,
cité par SOMDA, 2005); le petit élevage est présent et
constitue donc le socle pour une accumulation des ressources animales dans les
ménages pauvres dans le pays.
En conclusion, d'une part sur le plan macroéconomique,
le sous-secteur de l'élevage contribue substantiellement à la
réduction du déficit commercial. D'autre part, au niveau des
ménages, l'élevage joue plusieurs rôles comme le
renforcement du statut des femmes, l'amélioration des conditions de vie
et la rupture de la transmission intergénérationnelle de la
pauvreté à travers la scolarisation des enfants. Il serait alors
judicieux d'orienter les populations pauvres et vulnérables vers
l'élevage, en leur transférant des animaux, dans l'optique
d'accroître leur résilience.
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