2.4. Rôle de la capitalisation animale dans la
lutte contre la
pauvreté
Dans les pays en développement, il y a des projets qui
oeuvrent dans le domaine de la capitalisation animale et sont appelés
projets Heifer-In-Trust (HIT). Ces projets ont pour objectifs de
protéger et d'accroître les recettes des exploitants à
faible revenu en leur permettant de se procurer des femelles relativement
coûteuses à travers un accord de prêt «en nature»
(AFFIFI-AFFAT, 1998). D'une manière générale, le
mode opératoire est de distribuer aux populations cibles des animaux
d'élevage en bas âge (génisses, veaux, poulets, moutons,
chèvres, etc.) (LANKOANDE et SUMBERG, 2013). Le bétail ainsi
transféré a le potentiel, à l'échéance, de
se reproduire pour constituer des effectifs plus importants. A cette
étape, le remboursement peut se faire soit vers le projet HIT donateur,
soit directement vers une autre personne cible, constituant ainsi une boucle de
capitalisation continue. Le bétail constitue un capital sur
pied28. Aussi, le fait de doter une personne d'une ou de plusieurs
têtes de bétail constitue-t-il une capitalisation ; d'où le
terme capitalisation animale qui fait référence à la
constitution d'un capital animal de départ au profit d'une personne
pauvre ou vulnérable dans l'optique que cette personne arrive à
faire fructifier ce capital. L'on peut donc considérer les transferts
d'animaux aux populations cibles comme étant des filets sociaux de
sécurité informels et privés.
En 2005, des chercheurs du Centre d'Evaluation de
l'Université du Michigan Ouest, ont commencé à
étudier l'impact du schéma HIT sur les communautés pauvres
du monde. Sur une période de 5 ans, le Dr. Michael SCRIVEN29
et son équipe ont visité plus de 139 projets HIT dans 20 pays, et
interviewé plus de 5000 bénéficiaires de ces projets.
Cette étude a montré des effets positifs sur la nutrition,
l'agriculture, les revenus, l'accès aux soins de santé et sur la
gestion du bétail.
Plus spécifiquement, en Afrique, les projets HIT ont
été le plus menés dans l'est et le sud du continent comme
au Rwanda, au Kenya, en Ethiopie, en Afrique du Sud, etc. Au Rwanda où
la Fondation Heifer International30 intervient depuis de nombreuses
années, une étude menée en 2011 sur 406 ménages
ruraux concernés par les transferts de vaches laitières et de
chèvres a montré des résultats probants. En effet, les
ménages ayant reçu chacun une vache laitière ont
28Actes de l'atelier CIRAD (Centre de
Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le
Développement), Montpellier, les 11 et 12 septembre 2003.
29 Evaluateur et Directeur adjoint du Centre
d'Evaluation de l'Université du Michigan Ouest.
30 Fondation américaine créée
en 1944 par Dan WEST et pionnière en matière de capitalisation
animale sur le plan international.
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vu leur consommation mensuelle de lait augmenter de 9,15
litres par personne, pendant que les familles ayant reçu des
chèvres ont vu leur consommation mensuelle de viande croître de
0,20 kilogramme par personne. De plus, dans l'un ou l'autre des cas, les
enfants des familles considérées ont vu leurs poids et leurs
tailles évoluer normalement, le lait et la viande contenant les
éléments nutritifs nécessaires à leur
développement physique (PIMKINA et al., 2013). En Ethiopie, le
modèle HIT mis en place par l'ONG Farm-Africa a permis aux
bénéficiaires de bétail de multiplier approximativement
par 10 aussi bien leurs revenus annuels (de 93 à 995 dollars) que la
valeur de leurs troupeaux (de 156 à 918 dollars) (PEACOCK, 2008, citant
LAKER et OMORE (2004)). En ce qui concerne la Tanzanie, pays dans lequel les
interventions de capitalisation animale sont multilatérales (ONG,
églises, gouvernement), les résultats de l'action HIT sont
encourageants. Après 3 à 6 ans, certaines familles
précédemment touchées par la pauvreté ont pu en
sortir ; d'autres ont amélioré leurs lieux d'habitation, agrandi
leurs exploitations agricoles, acheté des vaches supplémentaires
et envoyé leurs enfants à l'école secondaire. D'autres
rapports sur le sujet ajoutent que les relations entre maris et femmes se sont
renforcées, les femmes ont vu leurs rôles économique et
politique s'affermir, et il y a eu création d'emplois pour les pauvres
(BAYER et KAPUNDA, 2006).
En substance, la capitalisation animale est le fait de projets
HIT en direction des pauvres et vulnérables, et elle est
également un filet social informel et privé. Les actions de
capitalisation animale ont connu des effets positifs considérables sur
les conditions de vie des ménages cibles dans les pays en
développement en général, et en Afrique en particulier. En
conséquence, le transfert de bétail aux populations pauvres et
vulnérables, serait plus approprié pour un impact positif durable
sur les populations. Mais qui sont les acteurs de la capitalisation animale au
Burkina Faso ?
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