B- La permission liée à l'atteinte
à la justice
L'administration d'une bonne justice passe par le concours
d'autres personnes qui, sans directement ou vraiment avoir pris part à
la réalisation du forfait, peuvent par leur connaissance de certains
éléments apporter une contribution considérable pour la
manifestation de la vérité. Mais le législateur laisse
passer inaperçus certains comportements qui obstruent la justice en les
couvrant d'immunité.
Le cas du recel vient de l'article 100 alinéa 1 et 2 du
code pénal50 ; ce recel concerne tant le recel des biens que
des personnes et n'est point applicable entre époux. C'est le lien de
mariage qui la sous-tend. Certainement à cause de l'extension trop large
de la famille africaine, le législateur a bien voulu la limiter aux
seuls époux ; contrairement au droit français qui va au
delà51.
Pour la violation des correspondances, l'article 300
alinéa 2 accorde l'immunité aux époux, et aux parents sur
leur enfant mineur de 21ans non émancipé. Ce qui implique que du
moment où deux personnes sont mariées, elles n'ont plus
d'intimité propre justifiant que les correspondances ne puissent
être lues sans autorisation préalable. Il en est de même des
parents au sujet de leur enfant mineur.
Selon l'article 172 du CP, ne peut être punie toute
personne qui s'abstient d'apporter aux autorités judiciaires ou de
police la preuve de l'innocence d'une personne incarcérée si le
geste attendu devait conduire à accuser entre autres lui-même, son
conjoint ou ascendants et descendants.
De tout ce qui précède, nous pouvons constater
que la responsabilité pénale de l'agent n'est point
entamée tout simplement parce que la loi le protège. La seule
question qui nous vient à l'esprit instantanément est celle de
savoir pourquoi. La réponse est simple : la loi l'y autorise, d'une
manière ou d'une autre.
A côté de toutes ces incompatibilités
relevées par le législateur, il en est une qui est restée
dans le débat de la Doctrine : le viol. Selon l'article 296 du CP, c'est
le
50 « Est receleur celui qui, après la commission
d'un crime ou d'un délit, soustrait le malfaiteur ou ses complices
à l'arrestation ou aux recherches ou qui détient, ou dispose des
choses enlevées, détournées ou obtenues à l'aide de
l'infraction ». Son alinéa 2 dispose que cette disposition ne
s'applique pas entre époux.
51 Il y a en France une nouvelle immunité
familiale qui a été instituée, par la loi du 22 juillet
1996 relative au terrorisme, pour le délit d'aide au séjour
irrégulier d'un étranger prévu par l'article 21 de
l'ordonnance du 2 novembre 1945 au profit des ascendants et descendants et du
conjoint de l'étranger en situation irrégulière
~~ohéita!aance en dtolt pénal cametowaaL :
étude de lajutL6ptude.nce. Page 23
fait d'avoir des relations sexuelles avec une femme,
même pubère, non consentante en usant de violences physiques ou de
menaces. Or, les rapports sexuels au sein du mariage sont une obligation pour
les conjoints si bien que quelques manquements peuvent entraîner le
divorce. Mais l'absence ou le sursis des relations sexuelles peuvent être
motivés par une maladie de l'un des conjoints ou son
indisponibilité.
Non loin, nous retrouvons les immunités politiques.
Instituées pour permettre le bon fonctionnement des institutions, les
immunités politiques concernent le chef de l'Etat et les parlementaires.
Les dispositions relatives à la Haute Cour de Justice sont probablement
de toutes les dispositions constitutionnelles depuis 1960 celles qui ont fait
l'objet de la plus faible sollicitude du constituant, un peu comme pour
signifier l'utilité simplement décorative, la personne du chef
étant aperçue comme naturellement immunisée par rapport
aux actes qu'elle pose. C'est à cette aune qu'il faut considérer
la retouche de l'article 53 de la Constitution relatif à cette
juridiction qui n'a jamais fonctionné52. En application de
l'article 53 dans son alinéa 3 de la Constitution révisée
de 200853, « les actes accomplis par le Président de
la république en application des articles 5, 8, 9 et 10 ci-dessus, sont
couverts par l'immunité et ne sauraient engager sa responsabilité
à l'issue de son mandat ». Le président de la
République est pénalement irresponsable pour les actes accomplis
dans l'exercice de ses fonctions et bénéficie donc d'une
immunité absolue, sauf en cas de haute trahison. Cette nouvelle
disposition qui couvre la palette des prérogatives
présidentielles méritera d'être sérieusement
examinée quant à son champ matériel d'application et quant
à ses implications, ce d'autant plus que l'exposé des motifs du
projet de révision ne comporte aucune explication
circonstanciée54.
Les parlementaires sont quant à eux couverts par
l'immunité de la même Constitution qui les déclare
irresponsables pour les opinions ou votes émis dans l'exercice de leurs
fonctions : ce qui permet de s'injurier mutuellement en séance publique
pour la défense d'idées décentes sans risque d'être
trainés en justice55.
52 OLINGA (A. D.), « La révision
constitutionnelle du 14 avril 2008 », Yaoundé, mai 2008, p.21.
53 Loi n°2008/001 du 14 avril 2008 modifiant
et complétant certaines dispositions de la loi n°96/06 du 18
janvier 1996 portant révision de la Constitution du 02 juin 1972.
54 OLINGA (A. D.), op.cit. p. 22.
55 Les ministres quant à eux ne
bénéficient d'aucune immunité
~~ohéita!aance en dtolt pénal cametowaaL :
étude de lajutL6ptude.nce. Page 24
Les immunités diplomatiques ont quant à elles
une portée générale. Cette immunité est
accordée aux représentants des Etats étrangers au
Cameroun, et aussi aux représentants camerounais à l'Etranger.
Ainsi, les diplomates sont à l'abri des pressions de l'Etat hôte
et ne peuvent être poursuivis par les autorités de celui-ci pour
des infractions même graves qu'ils ont pu commettre sur son territoire.
L'unique sanction possible est le retrait de leur accréditation, en les
déclarant « personae non grata »56 et
exiger son rappel par l'Etat qu'il représente. Ils peuvent toutefois
être poursuivis par les autorités de leur propre Etat. Pour ainsi
dire, même si on bénéficie d'une immunité, la
responsabilité peut toujours selon les cas être remise en
cause.
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