PARAGRAPHE II : L'instigation
L'instigateur, du latin « instigare », est
celui qui anime un autre à faire quelque chose. C'est celui qui incite,
qui pousse à faire quelque chose. En fait l'instigateur est celui qui a
l'idée et qui entraîne d'autres personnes à réaliser
cette idée, c'est le « cerveau » de
l'opération. Dans la plupart des législations
étrangères, l'instigateur d'une infraction est puni comme auteur
principal. Il en est ainsi par exemple dans le code pénal finlandais
où « celui qui aura amené autrui à commettre une
infraction sera puni, en tant qu'instigateur, comme s'il était l'auteur
principal ». C'est également le cas au Portugal ou en Chine.
Cette qualification d'auteur principal peut paraître étrange car
par définition l'instigateur n'est pas celui qui commet
matériellement l'acte mais celui qui l'initie. En droit pénal
camerounais, l'auteur principal est la personne à qui peut être
imputée la commission d'une infraction pour en avoir personnellement
réalisé les éléments constitutifs,
c'est-à-dire l'élément matériel et
l'élément moral. Or l'instigateur ne réalise que
l'élément moral, donc il est l'auteur moral, immédiat.
Celui qui réalise l'élément matériel obéit
et exécute ses instructions : il est l'auteur direct, médiat. En
définitive, chacun a de toute façon sa part de
responsabilité dans le processus de réalisation de l'infraction
même si les rôles sont situés à des étapes et
formes différentes. L'instigation peut être prise sous l'angle de
la criminalité (A). Au sein de la famille, des cas
particuliers d'obéissance forcée sont à observer
(B).
~~ohéita!aance en dtolt pénal
cametowaaL : étude de lajutL6ptude.nce. Page 66
A- Les cas d'incitation à la
criminalité
Il est des gens dont le travail est de planifier uniquement
des crimes dont la commission leur profite d'une manière ou d'une autre.
En général, ces incitateurs ou instigateurs sont plus
intelligents que leurs hommes de mains, ou du moins ont une ascendance sur ces
derniers. C'est ainsi que dans les gangs on a toujours un chef à qui on
doit respect et obéissance. Alors, ESSO MOUSSOMBO âgé de 29
ans avait mis sur pied un gang constitué de deux mineurs les
nommés AWAH Randy ZOU et MOA Erick respectivement âges de dix-huit
et seize ans. Il en était cependant le chef. Dans la nuit du 24 avril
2009, il a pris la peine de leur distribuer du chanvre indien avant de leur
remettre le plan d'action qui consistait à braquer la boutique de NGAKE
Guy sise au quartier Bépanda. Le chanvre leur était donné,
selon lui, pour lui obéir et exécuter le plan « sans
sentiment »141. Egalement, AWOUNKENG Henri par ailleurs
maitre du jeune CHAMOKOUEG, l'utilisait comme homme de main pour ses coups de
vol. En effet, en 2000, alors que MOUBE FOSSO se trouvait dans sa chambre, il a
entendu des bruits provenant de son magasin. Il ouvre la porte et
aperçoit CHAMOKOUEG sortir du magasin en courant.
Appréhendé, on s'est rendu compte qu'il s'y était
introduit sur instruction de son maître, qui la veille avait livré
des pièces détachées à la victime et voulait les
reprendre frauduleusement142.
Et même si ce ne sont pas des substances qui sont
utilisées, l'usage de la violence peut prévaloir afin de
contraindre le sujet à passer à l'acte : DAVID PIERRE,
après une fugue de suite de maltraitance par le mari de sa mère,
intègre un gang dans une banlieue marseillaise en avril 1991. Ici, le
chef de gang lui ordonne de dévaliser un distributeur automatique, ce
qu'il refuse énergiquement de faire. Pour l'y amener, le chef de gang
nommé « el fuero » menace de le tuer même s'il
quittait le groupe. Apeuré, il cède. La Chambre Criminelle de la
Cour de Cassation argue que DAVID est un criminel en puissance et dont cette
menace n'a fait que réveiller le délinquant qui dormait en lui :
partant de la fugue à la commission de l'infraction, il aurait pu
tout
141 T.P.I. Ndokoti, jugement n°11/cor du 10 janvier 2002
: affaire MP et NGAKE Guy c/ ESSO MOUSSOMBO, AWAH Randy ZOU, MOA Erick.
Inédit.
142 T.G.I.de la MIFI, jugement n°36/crim du 20 novembre
2000. Affaire MP et MOUBE FOSSO TCHACHI Jean Guy c/ CHAMOKOUEG Eric.
Inédit.
~~ohéita!aance en dtolt pénal cametowaaL :
étude de lajutL6ptude.nce. Page 67
simplement se rendre à la police pour dénoncer
soit les maltraitances de son beau-père, soit les menaces de mort du
chef de gang143.
L'incitation à la délinquance se trouve aussi au
sein de la famille et est l'apanage de l'autorité parentale
détenue par n'importe quel membre de la famille qui a quelque influence
sur le sujet. Cette soumission est la conséquence directe de la crainte
révérencielle.
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