B- L'usage des voies de fait
Dans cette hypothèse, l'obéissance est obtenue
non plus par le contournement d'une institution légale, mais par des
pressions directes sur la personne de celui de qui on veut obtenir
l'exécution d'ordre. Il n'y a pas de prétexte ici car le donneur
d'ordre s'appuie sur un rapport de force ou de notoriété. On
verra que le trafic d'influence (1) et la menace sont les plus
fréquents (2).
1- Le trafic d'influence
L'influence est un terme générique qui renvoie
à tout moyen employé par le donneur d'ordre pour contraindre son
préposé ou son subordonné à céder à
ses caprices. Notre code pénal l'a incriminée sous
l'étiquette de trafic d'influence ou encore même de menace.
Prévu à l'article 161 du code pénal
camerounais, le trafic d'influence se distingue de la corruption en ce qu'il
fait intervenir un intermédiaire dont l'influence réelle ou
supposée doit permettre d'obtenir des avantages ou décisions
d'une personne chargée de quelque responsabilité. Cette
incrimination qui se matérialise dans le fait de se décider ou
d'agréer don, offre, promesse vise à promouvoir tant
l'impartialité et la légalité que la lucidité des
décisions que les agents des administrations privées ou publiques
prennent.
Le trafic d'influence est le fait, pour une personne
dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une
mission de service public, de solliciter ou d'agréer des offres, dons ou
promesses, pour abuser d'une influence réelle ou supposée dans le
but de faire obtenir, d'une autorité ou d'une administration publique,
des distinctions, des emplois, des marchés ou tout autre décision
favorable. Dans ce cas il s'agit du trafic passif d'influence, même si
l'expression n'est pas citée clairement dans le Code pénal. Quant
au trafic actif d'influence, il s'agit cette fois du particulier qui propose ou
cède aux sollicitations de cette personne publique dans le but d'obtenir
les faveurs précitées.
~~ohéita!aance en dtolt pénal cametowaaL :
étude de lajutL6ptude.nce. Page 63
Pour endiguer ce phénomène, la jurisprudence et
la doctrine françaises estiment d'ailleurs que les avantages
éventuellement consentis ou promis n'ont même pas besoin de donner
lieu à la favorisation par influence du demandeur pour être
constitutifs de l'infraction. En cela on dit du trafic d'influence qu'il est
une infraction formelle.
L'élément matériel tient à la
nature des choses offertes. La loi vise à cet égard les offres,
promesses ou même menace. Il faut bien relever que l'acte de complaisance
n'est pas directement comme dans le cas de corruption la décision
favorable, mais plutôt le fait de recevoir quelque influence devant agir
sur la lucidité ou sur l'aptitude au jugement de la situation en
présence. Le délit est constitué même si les
démarches n'ont pas été effectivement entreprises pour
faire croire à une influence de celui qui reçoit les «
ordres » ou sollicité des dons ou promesses. Étant
une infraction formelle comme la corruption, il se consomme dès lors que
des manoeuvres sont effectuées, peu importe la régularité
ou l'irrégularité de la faveur obtenue. La tentative de trafic
d'influence ne se punit donc pas puisqu'elle n'a pas lieu d'être.
Le délit ne sera définitivement constitué
que s'il existe un lien de causalité entre l'influence exercée et
le résultat attendu. Les activités matérielles
délictueuses doivent par conséquent être
réalisées en contrepartie de certains agissements dont la teneur
en ce qui concerne le trafic d'influence est d'obtenir de la personne
visée qu'elle abuse de son influence en vue de faire obtenir d'une
autorité privée ou publique un avantage.
Au travers de la corruption, il sera possible de faire
apparaître les points communs entre ces deux incriminations pour ensuite
mieux en dégager les différences, ce qui permettra ainsi de mieux
comprendre l'existence du délit de trafic d'influence, son
utilité et de mieux cerner les contours de cette notion.
Pour caractériser moralement un trafic d'influence, il
faut réussir à prouver que leurs auteurs ont conscience d'abuser
de leur influence illégalement ou de demander d'en abuser, et aussi la
volonté de faire obtenir ou d'obtenir d'une autorité une
décision favorable. L'élément intentionnel est donc
composé de deux détails : le dol général
c'est-à-dire la conscience de se livrer à un trafic illicite qui
peut de ce fait entraîner la responsabilité pénale. Un dol
spécial puisque l'agent auteur du trafic d'influence tend vers un objet
déterminé : une décision en son sens favorable.
~~ohéita!aance en dtolt pénal cametowaaL :
étude de lajutL6ptude.nce. Page 64
Dans le cadre de l'incrimination, il faut noter que le sujet
sur lequel quelque influence est exercée n'est pas obligé de se
plier aux caprices de l'usager et surtout lorsque l'accomplissement aboutira
à la commission d'une infraction. Il faut noter que le salarié ou
même le fonctionnaire n'ont pas à obéir à des ordres
illégaux, et plus encore lorsque ceux-ci viennent des usagers. Donc, le
fonctionnaire ou le salarié qui se serait plié à de telles
exigences, puisque c'est une forme d'obéissance, peut être puni
non pas sans le trafiquant137.
Le trafic d'influence est une infraction très
médiatique mais on ne sait pas vraiment ce qui se cache derrière
cette notion du droit pénal des affaires138. Le trafic
d'influence et la corruption sont des infractions proches. On peut donc se
demander ce qui se cache derrière cette infraction spécifique qui
se rapproche si près de la corruption. En décidant d'associer ces
deux infractions, il apparaît que le trafic d'influence passe au second
plan de sorte qu'il se rapproche plus d'une variété de la
corruption que d'une infraction autonome139.
2- L'emploi de la menace
En ce qui concerne la menace, elle est très
variée. Il faut d'abord entendre par menace, quelque moyen de pression
employé pour persuader un individu, ou pour tout simplement le
contraindre. Elle peut aller de la simple contrainte à l'emploi d'autres
moyens suffisamment dissuasifs. En France, la Cour de Cassation a défini
la menace en ces termes et du coup, l'incrimination a été
conséquente. Ainsi, un patron a été condamné
à trois ans d'emprisonnement pour avoir de façon assez violente
réitéré son ordre d'écrire des diffamations sur
l'entreprise concurrente voisine140.
137 Cass.crim arrêt n°22 du 25 février 1998.
En l'espèce un employé de direction a été
sommé par l'épouse de son supérieur hiérarchique de
lui révéler les concubines de son époux sinon, elle irait
voir le chef d'entreprise avec qui elle a de bonnes relations pour qu'il soit
remercié. Pris de panique, il révèle les identités
et la femme obtient le divorce. Elle est plus tard poursuivie pour trafic
d'influence et condamnée à 3 ans fermes de prison et des dommages
et intérêts.
138 DJILA (R), cours de droit pénal des affaires,
2007-2008. Inédit.
139 Sur le champ de la sanction, le code pénal
camerounais nous renvoie aux dispositions de l'article 160 (contrainte de
fonctionnaire) qui punit d'un emprisonnement de 2 à 10 ans et d'une
amende de 20.000 à 1.000.000 FCFA.
140 Cass.crim 28 avril 1866, DP 1866, I, 356.
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Dans le contexte jurisprudentiel camerounais par contre, la
définition est un peu plus accentuée sur la dangerosité de
la pression exercée sur le sujet. L'article 81 dispose que la
responsabilité pénale ne peut résulter du fait d'un
individu soumis à une menace imminente et non autrement évitable
de mort ou de blessures graves. Donc, s'il faut se tenir à ce
libellé, le juge camerounais ne condamnerait pas cet employeur au
même titre que l'a fait le juge suprême français puisque
l'exigence de rédaction de diffamation ne présentait en soi
aucune menace imminente.
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