PARAGRAPHE II : Les limites des faits justificatifs
L'obéissance à l'autorité a toujours
été un fait justificatif en droit pénal camerounais comme
le dit le texte ci-dessus visé. Sous l'égide de ce texte, la
responsabilité pénale de l'auteur de l'acte ne pouvait être
engagée que si « l'ordre est manifestement illégitime
»84. Pour ainsi dire, l'ordre d'une autorité peut
être inopérant (A), faisant resurgir la
responsabilité du donneur d'ordre (B).
A- Le rejet de l'ordre du supérieur ou d'une
autorité publique
La jurisprudence s'étant prononcée dans le sens
de la punition du subordonné civil ayant exécuté un ordre
illégal, il reste à déterminer quand un acte est
manifestement illégal. Tel sera le cas s'il s'agit de porter atteinte
à la vie ou à l'intégrité corporelle, ou de
soumettre une personne à la torture. L'article 132 bis C.P. a
supprimé ce fait justificatif s'agissant de la torture «
l'ordre d'un supérieur ou d'une autorité publique ne peut
être invoqué pour justifier la torture »85.
Ce texte risque de créer des problèmes dans la hiérarchie
militaire, le subordonné étant toujours prompt à
exécuter l'ordre de son supérieur hiérarchique. Ainsi,
aucune excuse n'a été accordée aux gardiens de la paix
BIMOGA Louis Legrand, KAM John Brice et GREDOUBAI Michel. En effet
condamnés pour torture sur les sieurs DJIMAFO Joseph et LEWAT WANDJI,
ces agents de la police avaient suspendu l'un des prévenus sur une sorte
de balançoire et l'ont violenté dans le but de lui faire avouer
le vol d'arme : l'intéressé en
83 C.S. Arrêt N°259/P du 6 juin 1985 :
affaire BONDOUM Gustave c/MP et NKONG Jacques. Inédit.
84 V. Art.83 al.2 C.P.
85 V. Art.132 al.5 C.P.
~~ohéita!aance en dtolt pénal cametowaaL :
étude de lajutL6ptude.nce. Page 38
est mort. Le second a été frappé à
l'aide de morceaux de bois sur la plante des pieds. Trainés en justice,
ils ont argué exécuter l'ordre de leur supérieur
hiérarchique l'officier de police ETOUNDI Marc, chef de poste qui leur a
demandé « d'exploiter les mis en cause ». Ce dernier,
pour sa part, était poursuivi pour complicité en instance ; mais
en appel, la requalification a donné lieu à l'infraction
d'omission de porter secours.86
Dans le même ordre d'idée, le juge de Bafia a
condamné un policier qui avait refusé au gardé à
vue la possibilité de recevoir des soins sur ordre de la
hiérarchie. Qualifiant cet acte de torture, le juge a rejeté
l'argument de l'obéissance hiérarchique au regard de l'article
132 bis C.P.87. Le même juge dans une affaire pareille a
condamné un autre policier pour délit de torture à la
suite d'un refus au gardé à vue de la possibilité de
communiquer avec sa famille sur ordre du chef de poste88
Exceptionnellement, la loi écarte la justification par
l'autorisation de la loi ou le commandement de l'autorité
légitime : tel est le cas en matière de crime contre
l'humanité89.
Il est une exception très particulière
posée par l'article 122-4 du code pénal français. Cet
article dispose que celui qui accomplit un acte régulièrement
commandé par l'autorité légitime ne peut en principe se le
voir imputer en tant que crime ou délit. Ainsi le gardien de prison qui
écroue une personne en vertu d'un mandat d'arrêt ne se verra pas
reprocher d'avoir porté atteinte à la liberté physique de
l`intéressé. Ceci a donné lieu plus tard à la
théorie de l'obéissance passive. Selon cette théorie, un
subordonné doit obéir aveuglément à son
supérieur hiérarchique sans se poser de question sur leur
éventuelle légalité, et qu'en contrepartie, il est
toujours irresponsable en exécutant ces ordres quelque soit
l'illégalité de ceux-ci. Cette théorie conduit à
justifier toutes les infractions commises sur ordre et aboutit à ce que
le commandement de l'autorité légitime soit un fait justificatif
général. Cette théorie trouve une très bonne
86 C.A. du Centre, Arrêt n°09/CRIM du 11
mars 2008 : affaire MP, WANDJI Robert et DJIMAFO Joseph c/ ETOUNDI Marc, KAM
John Brice, BIMOGA Louis Legrand et GREDOUBAI Michel. Précité.
87 T.P.I. Bafia, jugement n°608/cor du 30 juin
1997.
88 T.P.I. Bafia, jugement n°832/cor du 23
novembre 1997, citées par ONANA ETOUNDI (F), « L'impunité
dans le ressort judiciaire du Grand Mbam » in Impunité
en Afrique centrale : Cahier des droits de l'Homme, n°3 février
2000, p.53.
89 Cass.crim. : 23 janvier 1997, Gazette du Palais
1997 relative à l'affaire du sang contaminé : des lots de sang
ont été transfusés aux patients par des infirmiers en
connaissance de cause. Inculpés par la suite, ils ont argués pour
leur défense l'ordre de la hiérarchie. Le juge en a fait fi et
les a condamnés avec la dernière énergie.
~~ohéita!aance en dtolt pénal cametowaaL :
étude de lajutL6ptude.nce. Page 39
place dans l'armée où l'on ne discute pas les
ordres en opposition aux fonctionnaires civils pour qui elle n'est pas
opérante.
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