Activités de reconstruction économique et sociale pour l'autonomisation de la femme à Bangui et ses environs.( Télécharger le fichier original )par Ulrich Martial Bienvenu SANDY Université de Bangui - Master 2 en Action Humanitaire et Développement 2015 |
III.3. Les facteurs de blocage à l'autonomisation de la femme et les liens avec l'inégalité et l'iniquité du genre.Les comportements socioculturels sont au centre de bien des obstacles à l'autonomisation économique des femmes, car ils créent des attentes négatives aux domaines de travail « naturels » des hommes et des femmes et encouragent la discrimination entre les sexes. Les stéréotypes voulant que l'homme soit le principal soutien de famille limitent les possibilités des femmes de se joindre à la population active ou de choisir une vocation à fort potentiel économique. Ils limitent aussi les efforts de la reconstruction socioéconomique du pays du fait que les femmes n'arrivent toujours pas à libérer tout le potentiel qui est en elles en vue de participer au processus. Les principaux problèmes du genre en Centrafrique sont regroupés en quatre catégories, à savoir : i) le faible taux de scolarisation des filles et le manque de leur participation au programme de formation ; ii) les tabous et préjugés socioculturels qui ont des répercussions sur la capacité des femmes à entreprendre comme les hommes ; iii) l'inaccessibilité physique et financière au droit et à la défense des groupes sociaux vulnérables et iv) la faible représentation des femmes dans les juridictions de droit moderne et leur insuffisance dans les juridictions de droit coutumier. a. Les pesanteurs culturelles Dans la société centrafricaine, les valeurs culturelles sont basées sur les coutumes traditionnelles et accordent malheureusement beaucoup plus d'importance à la femme en tant que mère, épouse et femme au foyer. Dès leur jeune âge, on apprend aux garçons une éducation faisant de lui un être supérieur aux filles. Cette perception sociale de la femme a des conséquences importantes sur son épanouissement social et sur sa participation effective au processus du développement. Malgré une espérance de vie moyenne plus élevée que celle des hommes, les femmes centrafricaines courent plus de risque de décéder entre 15 et 49 ans en raison de la mortalité maternelle qui est due aux mariages précoces, aux complications de l'accouchement et aux nombreuses pratiques traditionnelles au rang desquels figure l'excision. Les tâches domestiques et de soins ainsi que les travaux agricoles à la ferme familiale, qui épuisent leur temps et leur énergie, rythment la vie quotidienne des populations féminines centrafricaines. Le manque de temps est la principale raison de la présence accrue des femmes dans l'économie non structurée, ce qui les pousse à opter pour du travail à domicile, qui ne nécessite aucun déplacement, ou encore un emploi à temps partiel, flexible ou autonome, qui leur permet de choisir leur propre horaire de travail. Il y a lieu ici de mentionner la nécessité de réduire les contraintes de temps et de mobilité qu'elles rencontrent, ou d'en tenir compte, afin de proposer aux femmes des activités à plus fort revenu. Il importe de souligner également que la culture centrafricaine n'est pas habituée des valeurs entrepreneuriales. En effet, un centrafricain, titulaire d'un diplôme en agronomie, en architecture, en génie civile, etc. préfère attendre l'intégration dans la fonction publique alors qu'il est formé, de part son domaine, pour aider l'Etat dans la création d'emploi. Aussi, les parents centrafricains n'inculquent pas à leurs enfants les notions d'initiative entrepreneuriale. Les femmes centrafricaines ne sont donc pas épargnées de cette situation. b. La faible participation des femmes aux organes de prise de décision Au lendemain de la prise de pouvoir du 24 mars 2013, on note une faible participation de la femme centrafricaine dans les organes de prise de décision, contrairement aux quelques avancées observées au début des années suivant le coup d'Etat de 2003 qui a conduit à l'élaboration d'une nouvelle Constitution avec une adhésion à l'égalité de genre et prônant le principe de quota pour la participation des femmes (30%) aux organes de décision (Art 69 de la Constitution de 2004). Pour une gestion pacifique de la crise centrafricaine, l'Union Africaine a proposé aux autorités administratives une approche participative et inclusive en impliquant toutes les couches sociales du pays. On a constaté malheureusement une faible participation des femmes dans les grands foras de résolution de la crise. Leurs revendications sont alors limitées. Sur les 52 participants présents au sommet de Libreville, seulement 06 femmes ont pris part aux assises. Au sommet de Ndjamena, 2 femmes seulement ont participé officiellement. Bien que l'Accord de Ndjamena s'inscrive dans la vision participative et inclusive de l'UA en proposant la constitution d'un Gouvernement d'union nationale et inclusif, on a constaté une diminution du taux de participation des femmes aux organes de prise de décision de 2013 à 2014. Le nombre des femmes membres du Gouvernement est passé de 06 en 2012 à 02 puis à 03 sur 39 membres du Gouvernement Djotodja 1 (07,69%) en 2013. c. Différence de pouvoir économique entre les sexes Des progrès ont été enregistrés en faveur d'égalité entre hommes et femmes, mais un écart économique considérable est encore observé entre les sexes. En effet, les contraintes d'accès à des crédits de création d'entreprise limitent la capacité des femmes à migrer dans les institutions patronales. Sur 105 entreprises, membres de l'UNPC, seulement 7 ont pour propriétaire des femmes et une entreprise seulement a pour propriétaire femme sur les 24 entreprises affiliées au Groupement Interprofessionnel Centrafricain (GICA). En outre, les femmes sont moins nombreuses que les hommes à occuper des postes où elles exercent un leadership économique formel. Cette différence de capacité économique observée entre les sexes résulte de divers obstacles. Les femmes agricoles ont généralement du mal à acquérir les mêmes connaissances et compétences spécialisées que les hommes, pour obtenir des intrants et des services financiers et professionnels équivalents. Il est également reconnu que le manque de pouvoir décisionnel des femmes limite leur choix de décider de leurs propres conditions de vie ou d'influer sur les décisions collectives avec une incidence sur leurs moyens de subsistance, leur mobilité ainsi que leur volonté de stabiliser dans leur communauté de retour après les crises. Ces obstacles reposent sur les attitudes socioculturelles discriminatoires et leurs manifestations, qui peuvent nuire considérablement à la participation des femmes à l'économie et à des activités productives. Les femmes sont majoritaires dans des filières d'activités destinées directement à la consommation des ménages. De telles activités peuvent vite tomber en faillite, s'il y a une mévente ou en cas de difficultés financières ne permettant pas au mari de subvenir aux besoins alimentaires de la journée, les marchandises sont utilisées pour l'alimentation de la maison. Or, bien souvent leur travail dans ces filières n'est ni rémunéré, ni pris en compte, même s'il contribue aux économies nationales et locales. d. Difficultés d'accès au crédit de fonctionnement Il existe des conditions très contraignantes d'accéder à des crédits, par exemple le fait d'avoir une maison bâtie comme garantie d'octroi de crédit. La majorité des commerçantes n'ont pas connaissance de la microfinance. C'est en réponse aux difficultés d'accès au crédit d'affaires que rencontrent les femmes et au déficit d'information sur les conditions de demande en service financier que le Gouvernement centrafricain a élaboré une Stratégie Nationale de Finance Inclusive (SNFI) autour de quatre axes qui prévoit « une plus grande inclusion financière à travers l'offre d'une gamme très variée de services financiers par diverses catégories d'institutions financières aux populations exclues des circuits financiers classiques, particulièrement aux femmes et jeunes économiquement actives »29(*). e. Plafond de verre et autonomisation de la femme Figure 1 : Répartition des travailleurs selon leur statut professionnel et le sexe Apparue aux Etats Unis à la fin de 1970, l'expression Plafond de verre désigne l'ensemble des obstacles que rencontrent les femmes pour accéder à des postes élevés dans les hiérarchies professionnelles. Il reprend une notion présente dans le film d'Elia Kazan (Le Mur invisible 1947) et s'est fait connaître en 1986 à la suite d'un article publié dans le Wall Street Journal. Le «?plafond de verre?» qui entrave leur carrière constitue une réalité indéniable mais qui résiste à toute explication simpliste30(*). Les statistiques révèlent une forte prépondérance masculine aux postes de pouvoir et de décision. En RCA, les chefs des moyennes et grandes entreprises sont à 93?% des hommes. Si le nombre des femmes dans les postes d'encadrement varie beaucoup d'une région à l'autre, elles restent dans tous les cas très minoritaires dans les postes de direction et de décision stratégique. Source31(*) : Bureau Central du Recensement (BCR) Les femmes sont plus nombreuses dans la population active occupant des emplois indépendants et d'aide familiale. Dans l'emploi salarié et comme employeur, elles occupent une proportion trop infime que celle des hommes. En Novembre 2015, elles représentent 28,13% des Ministres (9 femmes sur 32 membres du Gouvernement). Les entretiens avec les Chefs de Service du personnel de différents ministères révèlent qu'une des raisons évoquées pour une faible représentativité des femmes a été les difficultés d'accès dans les villes de province qui limitent la mobilité des femmes. Ce qui fait que tous les postes de responsabilité en province ou presque ne sont occupés que par des hommes. Ce qui suscite un débat, car si l'Etat peut garantir la sécurité des hommes en province, il peut en faire autant pour les femmes. Il s'agit là d'une simple perception basée sur les constructions sociales. * 29 RCA, 2010, Stratégie Nationale pour la Finance Inclusive (SNFI) en RCA 2010 - 2014, Ministère des Finances et du Budget, Bangui, p5 ; * 30 HALPERN C., 2008, « Peut-on en finir avec le plafond de verre ? », Sciences Humaines N° 195 - juillet 2008 * 31 RCA, 2003, Synthèse des résultats du troisième RGPH de la RCA, BCR, 20p. |
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