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Les tensions entre l'union africaine et la cour pénale internationale à  l'occasion de la poursuite des chefs d'état africains

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par Stephanie Laure Anguezomo Ella
Université de Limoges - Master 2 2015
  

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Section II/- Les facteurs expliquant l'intensité de l'action de la CPI en Afrique

La posture actuelle de l'Union Africaine envers la CPI est certes justifiée, mais doit être mise en balance. Selon l'article 12 du Statut, la compétence de la Cour ne s'impose qu'aux États parties au Statut lorsque les crimes ont été commis sur leur territoire ou par un ressortissant d'un État partie. Mais pour que cette compétence soit mise en oeuvre, la Cour doit d'une part être saisie d'une situation par un État partie, par le Conseil de sécurité ou à l'initiative du procureur (Paragraphe I) et d'autre part constater au préalable l'inaction des instances judiciaires dans la répression des crimes internationaux (Paragraphe II).

Paragraphe I/ L'incidence des modes de saisine de la Cour

Le Statut de Rome autorise la saisine de la CPI par le biais de trois (3) modes. L'article 13 du Statut précise que la Cour ne peut exercer sa compétence que si elle a été saisie d'une situation par un État partie (article 13-a), du fait du déferrement d'une situation par le Conseil de Sécurité (article 13b), ou de la propre initiative du procureur d'ouvrir une enquête sur une situation donnée (article 13c). Cette présentation complète des modes de saisine de la Cour, nous permettra de comprendre la

25 La Voix de la Libye, La Russie réitère au Conseil de Sécurité sa demande d'une enquete sur les victimes civiles de l'OTAN en Libye, 28 décembre 2011, http://www.egaliteetreconciliation.fr/La-Russie-reitere-au-Conseil-de-Securite-sa-demande-d-une-enquete-sur-les-victimes-civiles-de-l-9728.html (consulté le 06/12/2016)

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pertinence de la critique de l'UA selon laquelle la CPI serait une Cour contre les africains, en recherchant lequel de ces modes est le plus imputable à la CPI26.

A) La saisine de la Cour par un État partie

L'exercice de la compétence de la Cour est limité comme le précise l'article 13-a du Statut de Rome à : « une situation dans laquelle un ou plusieurs de ces crimes (visé à l'article 5) paraissent avoir été commis est déférée au Procureur (...) comme prévu à l'article 14 ». Parmi les 8 situations africaines sous enquêtes, 4 États avaient saisi la Cour pour enquêter sur des crimes relevant de sa compétence. Il s'agit de l'Ouganda, de la République démocratique du Congo, de la République Centrafricaine, du Mali. L'Union des Comores pourrait également être ajoutée parmi les États ayant saisis la Cour puisqu'elle a le 5 juillet 2003 déferré la situation sur le raid israélien. La Côte d'ivoire quant à elle, fera une déclaration de reconnaissance de la compétence de la Cour27, sur fondement de l'article 12-3 par le biais d'une lettre d'acceptation de la compétence de la Cour. Peut-on assimiler cette reconnaissance à une saisine de la Cour par un État partie ?

Selon la doctrine, l'assimilation d'un renvoi étatique à une déclaration de reconnaissance de compétence est en théorie contestable, en raison du fait qu'elle est prévue pour les États non parties et que la procédure qu'une telle reconnaissance entraîne est celle d'une saisine à l'initiative du Procureur28. Ce qui soustrait le cas ivoirien à la saisine par un État partie. Les États africains sont responsables de ce tropisme29 africain en ce sens que l'initiative de saisir la CPI pour connaître de crimes graves commis sur leurs territoires venaient nécessairement d'eux de par une volonté de voir agir la Cour par une répression effective et indépendante là les institutions judiciaires nationales ont manqués d'intervenir. Ce renvoi étatique suppose que les États africains sur le territoire duquel les crimes ont été commis, ont donné leur consentement à la Cour.

L'article 13-a du Statut de Rome offre à tout État « partie » et pas uniquement à l'État sur le territoire duquel les crimes ont été commis, la possibilité de saisir la Cour pour une situation dans laquelle un ou plusieurs crimes sont présumés avoir été commis. En l'absence de précision du texte,

26Jacques B. MBOKANI, La Cour pénale internationale: Une cour contre les africains ou une cour attentive à la souffrance des victimes africaines?, Revue québécoise de droit international, 2013

27CPI, Déclaration de reconnaissance de la compétence de la Cour Pénale Internationale, République de Côte d'ivoire,18 avril 2003, https://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/CBE1F16B-5712-4452-87E7-4FDDE5DD70D9/279779/ICDE1.pdf, (consulté le 20/11/2015)

28Jacques B. MBOKANI, La Cour pénale internationale: Une cour contre les africains ou une cour attentive à la souffrance des victimes africaines?, Revue québécoise de droit international, 2013

29Fridolin M. FOKOU, Union Africaine et Cour Pénale Internationale : De la collusion à la collision, Note d'analyse politique n°23, Janvier 2015

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on présume qu'il n'est pas nécessaire qu'il existe un lien entre les crimes et l'État qui saisit la Cour. Cette saisine fait donc échec aux griefs de l'UA qui ne peut se reposer que sur le renvoi du CS pour la situation concernant un État non partie.

B) La saisine par le renvoi du Conseil de Sécurité

L'article 13-b du Statut prévoit l'hypothèse où : « (...) une situation dans laquelle un ou plusieurs crimes paraissent avoir été commis est déférée au Procureur par le Conseil de Sécurité agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies ». Deux situations ont été jusqu'à lors renvoyées par le CS à la Cour : celle de la Libye par la résolution 1970 et celle du Darfour (au Soudan) par la résolution 1590. La particularité du renvoi par le CS, conformément à cette disposition, réside dans le fait qu'il peut s'étendre à des États non parties.

Cette faculté reconnue au CS de saisir la CPI n'intervient que dans le cadre d'une menace contre la paix, d'une rupture de la paix en vertu du Chapitre VII et repose essentiellement sur le vote des cinq membres permanents du CS, sans que l'un d'eux ne s'abstienne ou ne s'oppose au vote. La difficulté souvent exposée par les dirigeants africains est que les prises de position du CS peuvent diriger la Cour dans son action judiciaire. Par exemple, la CPI ne pourra certainement jamais décider de poursuivre ou d'accepter de le faire en cas de renvoi, une personnalité américaine quand bien même celle-ci aurait commis les crimes prévus par le Statut parce qu'il suffirait aux États Unies d'user du droit de Veto au sein du CS pour empêcher les poursuites. La situation serait identique dans le cas où une personnalité étatique, le cas échéant africaine, qui servirait les intérêts des États puissants. La CPI s'analyserait donc comme une Cour des pays ou dirigeants insoumis (cas de Laurent GBAGBO).

C'est en cela que l'Union Africaine conteste la légitimité du pouvoir accordé au CS car en réalité, les 5 membres permanents ( États puissants ) ont l'opportunité de décider de soustraire la situation d'un pays de la portée du procureur (comme ça avait le cas de la Syrie en raison d'une division de la communauté internationale sur la solution politique à y apporter30) ou au contraire d'influencer pour qu'une situation ou plus précisément qu'un cas particulier de cette situation fasse l'objet d'enquête. Dans ce cas de figure, on ne se situe plus sur le terrain juridique puisque la mise en oeuvre de la puissance d'un État (les 5 membres permanents) écarte lamentablement l'application du droit au détriment des États faibles, que sont ici les États africains.

Enfin, ce pouvoir de déférer la situation d'un État non partie par le CS est plus que contestable en ce sens aucun des cinq ne sera un jour inquiété des poursuites alors que ce sont les mêmes qui ont

30Jacques B. MBOKANI, La Cour pénale internationale: Une cour contre les africains ou une cour attentive à la souffrance des victimes africaines?, Revue québécoise de droit international, 2013

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refusé de ratifier le Statut, mais dictent selon l'UA à la CPI, les personnalités à poursuivre ou non. Ce mode de renvoi est celui qui va contribuer à alimenter les tensions entre l'UA et la CPI qui apparaît être une Cour au service des États puissant et donc un outil d'impérialisme. Nous tacherons d'y revenir en profondeur dans les prochaines lignes.

C) La saisine par le Procureur

L'article 13- c du Statut de Rome prévoit que le procureur peut ouvrir une enquête à l'égard d'un crime visé à l'article 5. Ce mode de saisine à l'initiative du procureur dite saisine « proprio motu » permet à ce dernier d'actionner la répression internationale. Le statut lui reconnaît la possibilité d'ouvrir une enquête et de lancer des poursuites en toute indépendance, autonomie et impartialité. De tels principes ne vont pas pour autant soustraire le procureur des reproches de l'UA en raison des pouvoirs qui lui ont été conférés. A ce jour, deux situations ont été ouvertes par le procureur, il s'agit du Kenya à l'occasion des actes violences commis après les élections de 2007-2008 et de la Côte d'ivoire dans le cadre de la crise post-électorale de 2010-2011.

De par l'article 15 du Statut, le procureur dispose d'une large marge de manoeuvre et d'appréciation dans le choix des poursuites. Cela suppose que le procureur peut engager des poursuites lorsqu'il a connaissance d'une infraction aux termes du Statut de Rome mais que cela n'a aucun caractère obligatoire ou impératif à son égard31. En d'autres termes, même la poursuite d'un fait incriminé par le Statut repose sur le bon vouloir du procureur, ce qui a le mérite de vider le Statut de son essence. Ce dernier veut que chaque fois qu'un crime est constaté, le procureur sur l'existence d'une base raisonnable lance des poursuites. Sauf que par ce pouvoir discrétionnaire conféré au procureur, ce dernier peut décider de ne pas poursuivre un crime même lorsqu'il apparaît « au-delà de tout doute raisonnable »32 clairement relevé de la compétence de la Cour.

Depuis l'entrée en vigueur du Statut en 2002, le fait que les deux seules situations nées à l'initiative du procureur soient africaines appuie le ressenti de l'UA et de certains dirigeants africains, car on viendra à se demander si depuis 2002, il n'y a eu aucun constat d'infractions internationales nécessitant l'intervention du procureur même lorsque les crimes tombent sous l'oubli ou sous l'ignorance dans le cas du renvoi par le Conseil de Sécurité et celui d'un État parti. C'est à croire que le procureur fait un tri géographique des situations dans lesquelles il veut intervenir puisqu'il faudrait

31Mohamed MADI DJABAKATE, Le rôle de la Cour Pénale Internationale en Afrique, l'Harmattan 2014

32Assane KONE, Cour Pénale Internationale : les masques tombent, 16novembre 2013, Notre Nation Journal en ligne au Mali, http://notrenation.com/spip.php?page=imprimir_articulo&id_article=328( consulté le 12/12/2015)

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être aveugle pour ne pas constater que des crimes de même nature sont commis partout ailleurs, mais le procureur ne s'y intéresse pourtant pas. Ce pouvoir qu'on pourrait qualifier « d'arbitraire » conféré au procureur, en plus de celui attribué au Conseil de Sécurité, donne l'impression que le procureur organise lui-même l'impunité des uns et s'accuse par la même occasion, d'avoir des préférences d'agir contre les pays de peu poids comme ceux du continent africain33. Un crime peut-il être perpétré dans un État démocratique comme en France, aux États Unis, en Afrique du Sud ou au Mali sans que cela donne lieu à une enquête du procureur ? A la CPI cela est possible, parce qu'on opère un tri quand on veut mener des enquêtes34.

Toutefois, il est plus aisé aujourd'hui pour l'UA d'incriminer la Cour de son activité trop forte en Afrique quand bien même cette dernière n'a qu'une compétence complémentaire à celle des juridictions nationales. Elle ne peut intervenir qu'en cas d'absence des tribunaux nationaux d'actionner la répression nationale.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon