Les tensions entre l'union africaine et la cour pénale internationale à l'occasion de la poursuite des chefs d'état africains( Télécharger le fichier original )par Stephanie Laure Anguezomo Ella Université de Limoges - Master 2 2015 |
Section II/ L'élargissement du champ d'action de la CourPour mettre fin au discrédit dont elle subit de la part de tous les États africains par le biais de l'UA, la CPI doit pouvoir démontrer qu'elle n'est pas une Cour contre les Africains ni une Cour au service 155AFP, Au Kenya, assassinat d'un témoin-clé du procès du vice-président à la CPI, 6 janvier 2015, http://www.lemonde.fr/afrique/article/2015/01/06/au-kenya-assassinat-d-un-temoin-cle-du-proces-du-vice-president-a-la-cpi_4550223_3212.html, ( consulté le 24/06/2016) 156FIDH, Clôture de l'affaire Ruto et Sang devant la CPI: La subornation de témoins signifie que l'impunité prévaut à nouveau sur la justice, 5 avril 2016, https://www.fidh.org/fr/regions/afrique/kenya/cloture-de-l-affaire-ruto-et-sang-devant-la-cpi-la-subornation-de, (consulté le 24/06/2016) Page 71 | 97 des puissances dominantes. Pour ce faire, la Cour doit élargir la portée de son action en se limitant pas aux seules exactions commises sur le continent africain mais en répondant également aux préoccupations tant des États africains que de la société civile africaine en poursuivant les responsables des crimes commis ailleurs que sur le continent africain. L'une des réponses juridiques sur l'absence d'intervention de la Cour dans des situations dans lesquelles des crimes relevant de la compétence de la Cour auraient été commis est que ces États ne sont pas signataire du Statut de Rome. A moins que le CS déferre la situation de cet État à la CPI, celle-ci est techniquement dans l'incapacité juridique de s'en saisir. Toutefois, cet argument même juridiquement pertinent n'est plus guère acceptable en raison de la conjoncture actuelle de la justice pénale internationale et de la nécessité de lutte contre l'impunité des crimes internationaux à travers le monde. Il devient ainsi plus que nécessaire que cet obstacle juridique de lutte contre l'impunité n'en soit plus un et pour ce faire, la CPI, l'ONU et toutes les organisations internationales de défense des droits de l'homme doivent oeuvrer pour une ratification totale du Statut de Rome (Paragraphe I). Cette dernière ne rendrait l'action de la Cour plus efficace que si celle-ci gagnait en autonomie vis-à-vis du CS de l'ONU (Paragraphe II). Paragraphe I) La ratification globale du Statut de RomeL'action de la CPI serait des plus légitimes que si tous les États se sentaient concernés. Une juridiction universelle comme celle-ci ne peut l'être véritablement si la justice s'appliquait de la même façon à tous les responsables de crimes. C'est ainsi que Christian WENAWESER, ancien président de l'Assemblée des États parties au Statut de Rome lors de la Conférence de révision du Statut de la CPI en 2010 déclara : « Si l'on veut véritablement éviter que l'impunité existe où que ce soit dans le monde, une participation universelle au système du Statut de Rome est incontournable.157». Comme l'a si bien rappelé Koffi ANNAN, ancien secrétaire général des Nations Unis, c'est la culture de l'impunité qui est condamnée, pas l'Afrique158, mais cette impunité n'est pas exclusive au seul continent africain car, si c'était le cas, cela ne ferait que freiner le développement de la justice pénale internationale. La communauté internationale doit faire en sorte que les États encore non parties 157CPI, ASSEMBLÉE DES ÉTATS PARTIES AU STATUT DE ROME DE LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE, Séminaire sur la Cour Pénale Internationale, Conférence de révision: Les Grands Défis de la Justice Pénale Internationale, Nations Unies, New York 30 Avril 2010, https://asp.icc-cpi.int/iccdocs/asp_docs/Publications/ASP-PUB-NY-Sem2010-FRA.pdf, (consulté le 12/12/2015) 158JEUNE AFRIQUE, Kofi Anan : un retrait de la CPI serait une honte pour les pays africains, 8 Octobre 2013, http://www.jeuneafrique.com/168013/politique/kofi-annan-un-retrait-de-la-cpi-serait-une-honte-pour-les-pays-africains/ (consulté le 8/10/2015) Page 72 | 97 adhèrent à ce consens historique afin de promouvoir la nécessité de réprimer les auteurs de crimes qui heurtent la conscience humaine et de rendre justice à ces communautés meurtries et affectées. La justice internationale actuelle ne doit plus être perçue comme un moyen de favoriser certains États, mais elle doit au contraire participer à la restauration de la paix dans certains États et à contribuer à l'État de droit. Il faut donc que l'ONU et les autres organismes internationaux encouragent les États non signataires et plus particulièrement les États-Unis, la Russie, la Chine, qui sont des États influents et puissants dont l'adhésion au Statut ne ferait que renforcer la CPI. L'efficacité de la mission de la Cour repose sur le plein appui de la communauté internationale et donc de l'ensemble des États qui marquent leur engagement indéfectible à la lutte contre l'impunité. Pour parvenir à cette ratification universelle, des mesures adéquates doivent être prises. Bien que ce soit en pratique difficile, il n'est pas question de donner à un État ce qu'il veut pour le faire adhérer mais d'identifier les obstacles à son adhésion pour assurer une meilleure application du Statut. La CPI est impuissante car elle ne peut contraindre les États non parties. Il revient donc au CS (voir l'ONU) d'inciter à cette universalité. Cette ratification universelle du Statut répond parfaitement à la revendication de l'UA qui a considéré et considère toujours, que l'architecture de la justice internationale est biaisée en raison du fait qu'elle ne s'applique que dans une région du monde. Tous les États doivent savoir qu'à des crimes commis il faut rendre des comptes, mais cela ne se fera pas si certains, parce qu'ils ne sont pas parties au Statut, peuvent librement échapper à la justice. |
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