Chapitre II : Les Solutions envisageables aux
tensions
Malgré les incohérences constatées entre
les principes fondamentaux de la CPI (autonomie, impartialité et
indépendance) et la réalité de leur application, il n'en
demeure pas moins que la CPI est une institution dont l'existence est
indispensable pour assurer le respect des valeurs communes à savoir la
répression des crimes affectant la communauté internationale. Les
tensions actuelles entre cette institution judiciaires et l'UA font ressortir
les obstacles techniques, juridiques et politiques auxquels des solutions
appropriées devraient être trouvées afin de ne pas causer
la fin de la seule institution au monde qui se tient en garde-fou de la morale
internationale. Ces tensions avec l'UA nous ont permis de nous apercevoir que
la CPI était, à bien des égards, soumise aux grandes
puissances tant financièrement que politiquement, ce qui avait donc pour
conséquence d'influer directement ou indirectement sur le cours des
procédures devant elle. La carte géographique des poursuites
menées par le procureur laisse penser à une iniquité,
à une différence de traitements entre les auteurs d'exactions
commises en principalement en Afrique et ailleurs. Vis-à-vis de la CPI,
les grandes puissances ont tendance à se montrer « au-dessus de la
loi » et à faire appliquer par cette Cour une justice des
vainqueurs ou une justice dominante sur les chefs d'État qui ne
serviraient pas leur intérêt. En cela, la Cour apparaît
même malgré les arguments juridiques que l'on pourrait
évoquer comme un instrument dirigé par les puissances dominantes.
Les cas de la Cote d'ivoire, du Soudan avec El BECHIR ou même de la Libye
l'illustrent parfaitement.
De plus, l'immixtion active et passive du CS confirme cette
omniprésence des grandes puissances dans le fonctionnement de la CPI. En
effet, dans certaines situations ou certaines affaires le CS s'est
montré à l'égard des États africains et de l'UA en
particulier, comme insensible aux doléances africaines. Cette attitude
du CS a renforcé le sentiment d'humiliation comme le soutient la plupart
des chefs d'État africains. Les pouvoirs octroyés à cet
organe de l'ONU dans le Statut de Rome souffre de partialité en ce sens
que d'une part elle n'a jamais déféré une situation
concernant un État non partie ayant commis des crimes relevant de la
compétence de la Cour sur le territoire, pour des raisons qui sont plus
que claires : la puissance d'un État l'exempte de toute justice. Tous
ces éléments ont nourri le sentiment d'injustice qu'exprime
actuellement l'UA.
145Ibid
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Cependant malgré ces différends entre la CPI et
l'UA et les difficultés rencontrées par cette Cour, son existence
est primordiale car même si elle est critiquée elle permet et
permettra de faire appliquer le droit pénal international lorsque les
États ne seront pas disposés à le faire. Elle est une
justice dissuasive, nécessaire et efficace même
inéquitable. Grâce à la CPI et aux autres juridictions
pénales internationales, l'on s'entonnerait de voir de tels
atrocités se répétées à l'avenir sur le
continent africain ou ailleurs. Mais au vu de la présentation actuelle
de la justice internationale, cette justice semble n'être dissuasive que
pour une partie du globe puisque les autres États ou sont commis
d'autres crimes aussi atroces sont-ils ne sont pas traduits en justice devant
cette Cour.
Ainsi, l'on proposera pour assurer l'efficacité de la
CPI, sa pérennité et l'avenir de relations meilleurs avec les
Etats africains, qu'une action commune soit menée afin de permettre aux
instances judiciaires nationales d'être en mesure d'agir en application
du principe de la complémentarité et qu'une solution soit
trouvée afin de permettre à la Cour d'intervenir un peu plus
ailleurs qu'en Afrique. Cela qui nous conduira à mettre en exergue d'une
part la nécessité d'un renforcement des capacités des
institutions judiciaires nationales (Section I) et d'autre
part l'élargissement du champ d'action de la Cour (Section
II).
Section I/ Le renforcement des capacités des
institutions judiciaires nationales
Certains chefs d'État africains comme des commentateurs
soutiennent que, la Cour légitime son action en Afrique en s'appuyant
sur les faiblesses africaines tant politiques qu'économiques. Mais l'un
des points qui justifient juridiquement l'intervention de la Cour repose sur la
faiblesse judiciaire des juridictions nationales en raison du fait que certains
systèmes judiciaires sont marqués par la corruption, la
partialité, le défaut du mécanisme de protection des
témoins et bien d'autres. Mais l'UA dans ses décisions (de non
coopération, de retrait...) ne prend pas en compte ces
éléments alors que c'est justement cet aspect de la justice
nationale qu'il faut résoudre pour permettre une répression
effective des auteurs de crimes graves.
Il n'en demeure pas moins que la CPI a fait de cette faiblesse
judiciaire, sa justification suprême pour intervenir lorsque la situation
se présente en Afrique faisant ainsi une application variable de la
règle de la complémentarité. Sachant que cette
variabilité du principe de la complémentarité n'est pas
neutre dans les conflits avec les États africains, la CPI doit trouver
un moyen de renforcer les
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tribunaux africains (Paragraphe I) afin
d'améliorer la coopération avec les États africains
(Paragraphe II).
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