Les enseignants interviewés ont une expérience
professionnelle de plusieurs années (de plus de 14 ans). Selon Huberman
(1989), pour construire un discours appuyé sur sa pratique, il faut
une maîtrise professionnelle et une expérience (in Rouiller,
2005). Nous pouvons considérer alors, le discours des enseignants
interviewés, comme un discours appuyé qui peut être objet
d'analyse.
Ces enseignants n'ont reçu aucune formation continue
depuis leur formation initiale dans les centres de formation (école
normale supérieure des professeurs pour le lycée qualifiant et
centre pédagogique régional pour le lycée
collégial). Durant cette formation, ils ont eu des cours
théoriques, ils ont fait des observations de classe et ils ont
essayé de donner des cours sous l'encadrement d'enseignants experts,
à qui ils assistaient. Toutefois, ils avancent que c'est le travail sur
le terrain qui leur a permis de mieux « apprendre » leur
métier.
Ces renseignements ont été demandés dans
l'intention d'entamer la discussion et de mieux connaître les
enseignants. Ils nous ont permis aussi, de relever quelques informations sur
leur formation initiale. Une formation que nous pouvons supposer faite selon
les modèles les plus classiques du métier de l'enseignant (Paquay
& Dezutter, 2003).
L'analyse des entretiens avec chacun de ces quatre
enseignants est présentée ci-dessous, selon la succession des
questions posées durant l'entretien :
* Les quatre personnes interviewées ont exprimé
leur besoin au changement dans le système éducatif, mais pas
forcément au niveau de l'approche pédagogique. Sauf pour une
enseignante du lycée qualifiant qui pense que la pédagogie par
objectif a échoué car elle ne s'intéresse pas à
l'élève : « l'élève était hors de
l'action éducative ». Aussi fait-elle travailler beaucoup les
enseignants par le biais des objectifs opérationnels à
élaborer dans les fiches
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de préparations de leçons. C'était
fatiguant pour les professeurs. Maintenant on est plus libre et on peut
s'intéresser à l'élève et s'occuper de lui.
»
Pour les quatre, les conditions de travail (effectif
élevé -40 élèves par classe-, programme
chargé) nuisent au rendement de l'enseignement de l'enseignant. Un
changement de ces conditions est primordial, avant de changer la
pédagogie. Un enseignant du secondaire qualifiant a ajouté :
« certains trouvent encore des difficultés avec la PPO alors
qu'on leur demande actuellement une autre nouvelle approche. Il fallait
travailler d'abord par la PPO avant de passer à l'APC ».
Les enseignants du lycée qualifiant (P1 et P2) ont
ajouté que le changement s'impose surtout pour les adolescents. Ces
derniers, vu que l'école ne conduit pas directement à un travail,
comme avant, vu qu'ils observent qu'il y a beaucoup de chômeurs
diplômés, il faut chercher à leur donner un sens à
l'école. « Maintenant, j'essaie plus de faire le lien entre ce
qu'ils étudient et leur vie actuelle » explique l'enseignante
P1. L'autre enseignant P2, pense qu'actuellement, avec la mondialisation et la
globalisation, des changements dans notre enseignement doivent s'amorcer, entre
autre, les objectifs de l'école.
Pour ceux du lycée collégial, ils ne voient pas
exactement en quoi ce changement peut être bénéfique pour
les élèves, si ce n'est de leur attribuer plus de droits qu'ils
n'en ont.
À partir des réponses des quatre enseignants,
nous pouvons avancer l'hypothèse suivante : l'élève
n'était pas au centre de l'action éducative et ce n'est qu'avec
la réforme actuelle qu'on commence à s'intéresser à
lui. Une question s'impose d'elle-même, l'ancienne réforme
curriculaire avec l'approche pédagogique par objectifs a-t-elle atteint
ses finalités ou non ? Avec quelle approche pédagogique
travaillent les enseignants actuellement ?
*Pour les quatre enseignants, les préparations de
cours se font à partir du contenu des manuels scolaire certifiés
par le ministère de l'éducation. Ceux du secondaire qualifiant,
ont recours aussi à des livres spécialisées. «
C'est le programme et on doit le faire. Parfois on a recours à
d'autres livres dans le but de simplifier ou d'expliquer un document
présent dans le manuel » répond l'enseignant P2.
Pour P1, elle a dit : « il m'arrive de ne pas
comprendre facilement certains documents du manuel. Alors je cherche dans
d'autres livres universitaires pour pouvoir l'expliquer aux
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élèves. Comment voulez vous donner un
document aux élèves si moi je ne le comprends pas ? Il faut
arriver à simplifier les documents compliqués et difficiles
».
Aucun de ces enseignants n'a fait référence
à une préparation du cours sur la base de concepts scientifiques
à construire ou en référence aux difficultés des
élèves ou à des obstacles à l'apprentissage de
certains concepts. Les élèves doivent apprendre ce qui est
programmé dans les manuels et les instructions officiels. L'enseignant
essaie de comprendre ce qui existe dans le manuel dans le but de pouvoir
l'expliquer et le simplifier à l'élève.
* Les quatre enseignants jugent l'apprentissage des
élèves sur la base de leurs notes au contrôle continu d'un
côté et d'un autre côté, sur la base de leur
participation en classe ou s'ils arrivent à faire les tâches
demandées.
* La majorité des erreurs commises, d'après ces
enseignants, sont dues à un manque de savoir, de savoir faire,
d'attention, de travail, de motivation et de révision par les
élèves.
Ils ne sont plus motivés et ne font plus d'efforts
ni de recherches. Sur les copies, les élèves ne consacrent pas de
temps à la lecture de la consigne même si je leur fais rappeler
cela à chaque fois. En classe, on travaille l'analyse et en
contrôle, je ne comprends pas pourquoi ils n'arrivent pas à faire
de l'analyse même sur des documents vus en cours. Je vous parle de la
majorité, car seule une minorité fait des efforts pour suivre les
cours. (selon P3)
En génétique, j'explique bien, je leur
montre comment traiter les exercices, je fais passer certains
élèves au tableau pour noter leurs réponses, je les
corrige tout en insistant sur les erreurs à éviter le jour de
l'examen et tout en leur montrant quelques astuces pour s'en sortir en examen,
tu sens qu'ils ont compris, certains même te le disent et te le
confirment, mais une fois une interrogation est faite, c'est la catastrophe
pour un bon nombre d'élèves. Ils ne travaillent pas assez chez
eux. Ils ne donnent pas de l'importance à la matière. Ils
travaillent plus les maths et les physiques. Ils pensent qu'il suffit
d'apprendre par coeur pour répondre en sciences. Mais « ils verront
» le jour de l'examen que les SVT ce n'est pas quelque chose de facile.
(selon P2)
* À la question, à quel type de problème
répond votre contenu ? La réponse semblait évidente pour
les enseignants, c'était aux problèmes figurant sur le manuel. P1
et P4 ont
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ajouté, que parfois ce sont les élèves
qui les posent à partir de documents qu'ils leur proposent. Il arrive
pour P3 que les élèves posent des questions pour tester les
compétences de leur enseignant.
*La majorité des activités, selon P1, sont
réalisées dans le but de faire apprendre aux élèves
un savoir scientifique et de développer chez eux des compétences.
Pour P2 et P3, c'est pour faire le programme et pour les préparer
à l'examen du bac (P2). Pour P4, c'est pour développer certaines
capacités chez eux afin qu'ils commencent à bien raisonner. Mais
aussi pour leur transmettre des connaissances, qu'ils pourront utiliser dans
d'autres niveaux.
* Permettre un apprentissage, selon les quatre enseignants,
consiste en une bonne explication du cours avec une vérification de sa
compréhension par les élèves. Aussi, l'enseignant est
appelé à simplifier la connaissance pour qu'elle soit au niveau
des élèves, à contrôler fréquemment,
même oralement, au début de chaque séance les connaissances
des élèves et à faire travailler les élèves
en classe et chez eux. Cela dans le but de les pousser à réviser
leur cours et de les engager dans leur formation (selon P3 et P4). Il est
appelé, selon P1, à être proche et ami avec les
élèves et à répondre aux différentes
questions qu'ils se posent, même si elles sont banales « je leur
demande de poser toutes les questions qu'ils veulent. Quand quelqu'un me dit
qu'il n'a pas compris, je lui parle gentiment en lui demandant ce qu'il n'a pas
compris. Et je reprends le cours même s'il le faut du début. Ou
parfois je demande aux élèves de lui expliquer s'il s'agit de
quelque chose de facile. »
*Concernant l'explication de la finalité -placer
l'élève au coeur de l'action éducative-, à des
enseignants débutants, les enseignants du lycée qualifiant ont
parlé d'un changement dans le rôle de l'enseignant. Celui-ci est
devenu « lourd », l'enseignant étant appelé
actuellement à mieux s'occuper de l'élève, à donner
de l'importance à ce qu'il dit, à l'écouter, à lui
donner des sujets qui sont en relation avec lui, avec son entourage, des sujets
qui le touchent, qui le concernent. Selon P1, l'enseignant ne doit plus
être considéré comme le seul expert du savoir. Les
élèves savent aussi beaucoup de choses. Il faut discuter avec eux
et développer leur confiance en eux-mêmes.
Pour les enseignants du lycée collégial, ils
pensent plus faire travailler les élèves, en les laissant faire,
individuellement ou en groupe, les activités programmées,
écrire le contenu
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du cours, mais il faudrait d'abord maîtriser la classe
et bien contrôler les élèves, sinon le travail deviendra
difficile et parfois même impossible.
* Concernant, les objectifs des activités, leurs
préparations, leurs exploitations ainsi que leurs évaluations,
les conseils avancés reflètent ce que les enseignants ont dit sur
leurs pratiques. Toujours, il y a une référence au contenu du
manuel, au programme à réaliser et aux tâches que les
élèves doivent exécuter. L'importance attribuée
à l'élève se fait à travers le savoir à
transmettre et les connaissances à acquérir.
* Pour les conseils en relation avec les erreurs, les quatre
ont avancé qu'il faut leur donner de l'importance et les corriger en
classe. Selon le type d'erreur et le temps qu'ils ont, le cours peut être
réexpliqué ou d'autres exercices peuvent être
donnés. Une enseignante du lycée collégien a ajouté
« il m'arrive de demander aux bons élèves de faire le
cours aux autres, surtout quand il s'agit d'un cours facile. J'ai
constaté que dans ce cas, ils comprennent mieux et donnent de
l'importance aux concepts. Et dans ce cas, ils se trompent moins en
écrit ».
*À la question comment les élèves
apprennent et quels conseils peut-on leur attribuer pour orienter leurs
apprentissages, les enseignants du secondaire qualifiant ont parlé d'un
travail continu sur la base du cours donné en classe, en premier, et sur
la base du contenu des manuels tout en faisant des exercices et des
problèmes à partir des livres spécialisés. Un
travail individuel est encouragé et reste indispensable à
l'apprentissage de l'élève. Ce qui est donné dans le cours
reste insuffisant pour réussir au lycée selon l'avis de P1.
Pour ceux du lycée collégien. Ils pensent qu'il
suffit de bien travailler le cours donné, de bien le comprendre et de
bien mémoriser les résumés et les définitions pour
apprendre les SVT et pour réussir aux examens.
* Un bon enseignant selon les interviewés, est celui
qui maîtrise en premier sa discipline. C'est aussi celui qui sait se
respecter et qui contrôle ses élèves. Celui qui ne fait pas
appel aux autres pour résoudre ses problèmes. C'est celui aussi
qui sait comment parler avec les élèves, comment les motiver,
comment les pousser à travailler et à évoluer.
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* Un bon élève est un élève qui
est avant tout discipliné, qui assiste à ses cours et s'applique
dans son travail, en réalisant les tâches qui lui sont
attribuées. C'est aussi celui qui travaille chez lui, qui fait des
recherches, qui pose des questions et participe en classe. De tels
élèves sont souvent les premiers de leur classe et
réussissent sans aucune difficulté, selon le point de vue des
enseignants.