Pour introduire la discussion et pour soulever certains
éléments concernant les représentations des enseignants
à propos de l'exercice de leur métier, une première
question concernant les raisons et les causes d'un changement d'approche
pédagogique et d'une réforme curriculaire a été
avancée. Les réponses ainsi que la discussion engagée
peuvent être résumées dans les points
ci-dessous20 :
*/ Certains enseignants disent qu'ils sont au courant des
prescrits de la réforme mais n'y adhèrent pas car pour eux, elle
ne répond pas aux vrais besoins actuels du système
éducatif.
D'autres attendent qu'on les informe et qu'on les forme pour
y adhérer. Ils pensent que du moment que les responsables ont
adoptés ce changement, cela veut dire qu'il est bien et qu'il faut
seulement leur montrer comment faire pour changer leurs pratiques.
*/ Pour certains enseignants, avec une majorité du
secondaire collégial, le problème de l'enseignement a pour cause
:
- les conditions du travail : effectif élevé,
programme chargé, absence d'une évaluation externe au brevet,
niveau faible des élèves...
- l'éducation des élèves : ils pensent
que les élèves ne sont plus éduqués du fait qu'ils
ne respectent plus personnes et qu'actuellement l'école leur donne
beaucoup de droits. Il est primordial de chercher comment les éduquer
afin qu'ils commencent à respecter l'école.
19 Nous avons traduits ces données de l'arabe en
français tout en essayant de refléter les expressions
utilisées.
20 Dans les groupes interviewés, il y avait des
enseignants qui avançaient leurs points de vue et d'autres qui se sont
contentés
de présenter leurs accords avec l'un ou l'autre
enseignant sans apporter d'autres arguments.
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«Même certains parents ne savent plus quoi
faire et ils nous demandent de faire notre travail, celui de les éduquer
» dit une enseignante du secondaire collégien.
*/ Pour d'autres, la PPO, fait travailler beaucoup les
enseignants, par le biais des fiches de préparations et la recherche des
objectifs opérationnels. Ils sont pour un changement d'approche
pédagogiques mais en parallèle d'un changement dans les
conditions de travail. Toutefois, ils pensent que tant qu'on ne s'occupe pas de
l'éducation des élèves, aucune démarche
pédagogique ne fonctionnera correctement.
Des différences sont à enregistrer pour cette
première question, entre les enseignants du secondaire qualifiant et
ceux du collégial. Elles résident dans l'importance
accordée à « l'éducation» des
élèves par ceux du lycée collégial et par la «
charge » du programme pour ceux du secondaire qualifiant.
Pour la deuxième question, concernant ce que
l'enseignant doit changer dans ses pratiques selon la réforme, les
réponses n'ont pas été très claires dans les
expressions des enseignants. Toutefois, nous pouvons enregistrer les
éléments suivants :
- Certains enseignants ont commencé à changer
leurs pratiques et à s'intéresser aux élèves. Cela
en travaillant plus par groupe et en leur donnant le plus souvent la parole en
classe, aussi, en leur laissant le temps pour écrire leur analyse et
leur conclusion sur des brouillons avant de noter les réponses correctes
sur les cahiers.
- D'autres enseignants ont dit qu'il n'y a rien à
changer actuellement dans leurs pratiques. Ils travaillent bien et font leurs
cours correctement. Ils consacrent du temps pour expliquer et répondre
aux questions des élèves.
« J'explique le cours plusieurs fois tout en posant
des questions pour voir s'ils ont compris. Il y en a des élèves
qui donnent de bon résultat, qui sont excellents et qui arrivent
à communiquer avec toi, mais pour un groupe, c'est la catastrophe... Je
ne suis pas responsable des élèves qui ne veulent pas travailler
ou qui sont faibles et qui ont beaucoup de lacunes(...) Il faut revoir ce qui
se passe au niveau primaire et secondaire collégien. Moi, j'ai un
programme à faire et à terminer avant l'examen du bac.»
(Enseignant du secondaire qualifiant).
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« Je leur donne le document, je le fais lire par deux
ou trois élèves avant de ne le lire moi-même, j'explique
les mots difficiles, j'explique les questions, je laisse le temps pour les
faire. J'explique les réponses correctes, je leur dicte le
résumé, car ils ne savent pas faire des phrases correctes. Quand
je demande s'ils ont compris, tous disent oui (...) Au contrôle continu,
certains ont des vingt, ce qui montre qu'ils ont bien compris et bien appris,
d'autres arrivent à peine à la moyenne, sans parler de ceux qui
méritent des zéros. Vraiment c'est décevant, car tu fais
tout ton possible et ce n'est qu'une minorité qui communique avec toi.
Je ne sais en quoi je dois changer mes pratiques. Ce sont les
élèves qui ne veulent rien faire, certains n'apportent même
pas le cahier, ou n'écrivent même pas leur cours. Que faire dans
ce cas ? Et en plus on nous demande de ne pas les punir, et de ne pas les
priver des cours (en les faisant sortir de la classe)... Actuellement, du fait
qu'on n'a plus l'examen à la fin de l'année, les
élèves ne s'intéressent plus à la matière.
Vraiment il ne reste plus rien à faire dans ce travail ».
(Enseignant du secondaire collégien)
- Certains enseignants du secondaire collégien qui
sont satisfaits de leurs pratiques, se réfèrent à
l'éducation qu'ils ont reçue que ce soit dans le cadre de leur
famille ou à l'école comme référence. Ils sont pour
un retour à la sanction des élèves. Ils pensent que
l'élève n'a plus « peur » de l'enseignant et ne le
respecte plus. Sans examen final, sans sanction, l'enseignant ne trouve
aucun moyen pour faire travailler les élèves dit une
enseignante. L'absence de cette éducation selon une majorité est
l'une des causes principales de l'échec scolaire.
- Seule une enseignante du lycée qualifiant a
expliqué le changement de ses pratiques par le fait qu'elle
s'intéresse maintenant plus à l'élève et à
faire le rapport entre ce qui est enseigné et la vie courante. Elle sent
que ses élèves, plus spécialement les filles, du fait
qu'elles ne ratent aucun cours, qu'elles ont commencé à aimer sa
matière. Cependant, ce changement a eu des répercussions sur la
réalisation du programme et elle n'arrive pas à le terminer.
Cet entretien collectif, reste incomplet. Il ne nous permet
pas de clarifier certains points sur l'apprentissage de l'élève.
Il reflète plus la vision de l'enseignant sur l'exercice de son
métier et sur son enseignement. En outre, une majorité des
enseignants a parlé de l'importance que l'enseignant doit donner
à l'élève, tout en s'occupant de lui et en le
plaçant
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au coeur de l'action éducative. Cependant, les constats
et les explications avancées sur leurs pratiques soulèvent
certaines questions. C'est quoi pour eux placer l'enseignant au coeur de
l'action éducative ? C'est quoi s'occuper plus de l'apprenant ? Des
questions que nous avons essayé de mieux approcher dans l'entretien
individuel semi-directif.
Ce dernier devrait nous permettre de mettre en
évidence d'autres éléments concernant les
représentations recherchées dans le cadre de ce travail.