II.2. Les stratégies de
localisation des entreprises industrielles
Le choix d'une zone d'implantation dépend, comme l'on
vient de le voir d'un grand nombre de facteurs qui ont été dans
leur grande majorité étudiés dans des travaux
académiques. C'est ainsi que l'économie industrielle a
très tôt tenté d'expliquer la localisation des firmes, le
marketing quand-à lui, a cherché l'emplacement idéal des
commerces, la sociologie s'est penchée sur la constitution de
réseaux, etc... Malgré une multitude de travaux, la prise en
compte de la concurrence et de la transnationalisation, en tant que
stratégies de localisation des firmes industrielles, reste encore
marginale.
II.2.1. Les
stratégies de localisation vis-à-vis de la
concurrence
Le nombre d'options par rapport à la concurrence
apparaît limité, puisque seulement deux stratégies de
localisation sont envisageables : la proximité ou
l'évitement (S. Liarte, 2006). Ces deux stratégies permettent
d'atteindre des objectifs différents pouvant être de nature
pacifique ou agressive. Mais, si le nombre de stratégies est
réduit, la situation n'en est pas simple pour autant. Les entreprises de
distribution possèdent rapidement un grand nombre d'unités dans
leur réseau. La situation n'est donc plus binaire (proximité ou
éloignement). Des stratégies mixtes apparaissent puisqu'une
proportion du réseau peut être implantée à
proximité des concurrents alors qu'une autre proportion peut se
retrouver isolée. C'est ainsi qu'un réseau de distribution peut,
par exemple, conduire une stratégie coopérative sur une zone
géographique et une stratégie plus agressive dans une autre.
Enfin, les différents réseaux de distribution se trouvent dans
une situation d'interdépendance (Baumard, 2000) qui intensifie et
accélère les relations concurrentielles. Entrainant donc le fait
que, les implantations des uns vont avoir une influence sur celles des autres.
Ainsi, Les stratégies de localisation des entreprises
industrielles vis-à-vis de la concurrence sont très peu
nombreuses et très simples. Les enseignes peuvent choisir pour chacune
de leurs unités entre un emplacement isolé ou proche de la
concurrence. L'isolement traduisant une volonté d'évitement alors
que la recherche de proximité pouvant être synonyme de
coopération ou d'affrontement.
i. L'évitement
comme stratégie de localisation
Le premier objectif pour le réseau de distribution
désirant implanter une nouvelle unité, une fois le territoire et
le marché cible pénétrés, est de demeurer dans la
compétition. Il est important de ne pas provoquer ou d'initier une
attaque frontale avec les différents adversaires, car si elle intervient
trop tôt, elle peut s'avérer fatale. De plus, opter pour une
localisation différente de celles de ses concurrents permet de se
différentier. En effet, dans le cas particulier de la localisation,
où chaque consommateur n'accorde pas la même
préférence à un lieu géographique, il s'agit de
différenciation spatiale.
L'éloignement géographique est également
l'occasion de conquérir en premier un territoire. Cette situation
engendre des effets positifs qu'un nouvel entrant doit exploiter s'il veut
s'imposer comme un véritable acteur du secteur dans lequel il
évolue. Le pionnier peut, en arrivant le premier sur un marché
géographique, ériger des barrières à
l'entrée à travers la maîtrise d'un leadership
technologique. Le pionnier bénéficie également d'avantages
liés au comportement des consommateurs puisqu'il capte environ
l'ensemble de leur demande. Le changement a un coût pour les individus,
ce qui a pour conséquence de les rendre réfractaires à
tout changement de point de vente. En présence de coûts de
changement, les suiveurs doivent investir des ressources supplémentaires
afin d'attirer les clients.
Un autre avantage de l'isolement géographique est de
permettre d'occuper le premier les « meilleures » positions
et ainsi mettre en place une stratégie de préemption. En
concentrant des capacités de production ou de distribution
excédentaires sur un segment de population particulier, une entreprise
peut de ce fait dissuader la concurrence de pénétrer ce
marché.
ii. Les
bénéfices de la proximité géographique
Marshall (1920) a très tôt souligné
l'importance de certaines économies externes qui engendrent des effets
d'agglomération des industries (comme concentration géographique,
l'on peut citer : les districts marshalliens, les technopôles et les
pôles de compétitivité). Les économies
d'agglomération (Weber, 1929) naissent du partage des infrastructures
entre les firmes (transport, communication, etc.) et de la création de
synergies positives par la coopération entre entreprises. Une multitude
de travaux empiriques a montré l'existence de ces
phénomènes d'agglomération à travers l'étude
de nombreuses régions spécialisées dans un domaine
particulier (Italie du Nord, Sillicon Valley, Sillicon Glen, Route 128, etc.).
Même si les facteurs générateurs d'économies
d'agglomération peuvent différer, ce qui a été
vérifié pour la localisation des firmes industrielles, l'a
également été pour les commerces.
L'agglomération géographique est
réductrice d'incertitude tant pour les firmes que pour les consommateurs
(Weber, 1972). Pour les entreprises, le regroupement fournit, pour les entrants
les plus récents, des informations sur la faisabilité de leur
projet et sur l'existence de la demande par l'observation des firmes
établies. Le regroupement géographique permet également de
réduire le coût de recherche d'informations pour le consommateur.
Du fait du principe de l'effort minimum (Zipf, 1949), les consommateurs vont
privilégier les zones où l'offre est concentrée. Les
individus peuvent également regrouper leur visite et se déplacer
qu'une fois afin de minimiser leur coût de transport par achat.
Dans les industries de commerces, il existe des
externalités positives inter magasins (parfois appelées
externalités de demande) qui permettent un accroissement du chiffre
d'affaires (Fujita et Thisse, 2002). Le regroupement commercial
génère une consommation plus importante qui se répercute
sur l'ensemble des magasins.
iii. Stratégie de
syntèse
Il apparaît clairement que deux stratégies de
localisation sont envisageables : la proximité ou
l'éloignement. Ainsi, deux forces opposées régissent les
relations entre unités des différents réseaux de
distribution. Les entreprises doivent arbitrer afin d'aller dans le sens d'une
des forces et ce pour chacune des unités composant le réseau.
Tableau 15 : Les stratégies de
localisation des entreprises
Source : Sébastien Liarte
(2006)
L'existence de ces deux forces opposées conduit les
entreprises à hésiter entre le regroupement géographique
et l'éloignement. Les entreprises multi-unités n'optent que
très rarement pour une stratégie pure. Il s'agit en fait de
trouver le bon équilibre entre proximité et éloignement.
Une proportion du réseau de distribution est située à
proximité des unités adverses alors qu'une autre partie est
isolée.
Le choix d'une stratégie par une entreprise
dépend essentiellement de sa part de marché, du nombre de
ressources dont elle dispose et de sa légitimité. Or, ces trois
éléments dépendent en fait de la taille du réseau.
Le chiffre d'affaires et le résultat étant quasiment identiques
d'une unité à une autre, plus une entreprise possède
d'unités par rapport à ses concurrents, plus elle détient
de ressources et plus sa part de marché est importante. Il en est de
même pour la légitimité puisqu'elle est accordée aux
entreprises les plus visibles, et celles ayant un pouvoir de négociation
le plus fort avec les différents acteurs du marché.
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