Section 2 : Les investissements chinois au Tchad
La mondialisation financière a été
facilitée par l'internationalisation de la production et la croissance
des industries, le rythme rapide des changements technologiques et la
déréglementation des services financiers. Les nouvelles
technologies de l'information permettent la circulation transfrontalière
de données financières, 24 heures sur 24. L'entrée d'IDE
dans les pays en développement est généralement
considérée comme favorable: source de financement plus stable que
les investissements de portefeuilles, apports de technologies, producteurs
d'effets d'apprentissage, ils constituent une alternative à l'APD.
L'objet de cette section consiste à présenter
les investissements chinois au Tchad. Pour ce faire, un bref rappel sur les
investissements au Tchad dans le cadre général nous permettra de
mener à bien ce travail. C'est pourquoi nous nous proposons d'aborder
dans cette section la typologie d'IDE au Tchad (paragraphe 1) d'une part et les
caractéristiques des investissements réalisés par les
entreprises chinoises au Tchad (paragraphe 2) d'autre part.
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Paragraphe 1 : La typologie d'investissements directs
étrangers (IDE) au Tchad
Depuis le boom pétrolier, le Tchad a enregistré
des entrées d'IDE importants de son histoire et de nombreuses
études et rapports estiment qu'il sera l'un des pays d'Afrique Centrale
qui recevra dans l'avenir le plus d'IDE. Dans ce paragraphe, nous abordons dans
un premier temps, l'origine d'IDE au Tchad (1-1) et dans un second temps, la
répartition sectorielle d'IDE au Tchad (1-2).
1-2: L'origine d'investissements directs étrangers
(IDE) au Tchad
En Afrique, il existe une forte corrélation entre le
pays d'origine d'IDE et le pays d'accueil. Les premiers investissements vers
cette zone furent fortement influencés par des liens coloniaux et la
langue parlée. On rencontre facilement les investisseurs français
au Gabon, au Congo, au Tchad et au Cameroun, pays colonisés par la
France et qui ont en commun la langue française; on rencontre
également les Anglais au Cameroun (pays bilingue qui fut jadis
colonisé par l'Allemagne mais placé sous mandat français
et britannique) et enfin les Espagnols en Guinée
Equatoriale111. Cependant, au Tchad, de 1960 jusqu'aux années
2000, les investissements étrangers étaient pratiquement
inexistants. La véritable apparition d'IDE remonte au début des
années 2000 avec la découverte de gisements du pétrole par
les compagnies américaines et malaisiennes Exxon Mobil, Petronas et
Chevron. En 2000, les Etats-Unis ont investi un montant de 155 millions USD
d'actifs contre 100millions en 1999, soit une augmentation de 50% et un
doublement en deux ans, faisant ainsi du Tchad son 67ème
client. Les Etats-Unis ont pris la place du premier investisseur au Tchad
surtout avec ses investissements dans le secteur pétrolier avec 70% du
total d'IDE, la France vient en deuxième position avec un pourcentage de
11% du stock total d'investissements 112, le pourcentage restant
appartenant à des investisseurs tiers tels que l'Inde, la Malaisie, le
Bénin, le Burkina Faso, l'Egypte, l'Allemagne, l'Italie, le Mali,
l'île Maurice, etc. En effet, le réchauffement de relations
diplomatiques entre N'djamena et Pékin s'inscrit dans le cadre de la
politique africaine de la Chine, lancée en janvier 2006 par le
gouvernement chinois. La Chine est devenue l'un des plus grands investisseurs
au Tchad, elle a investi dans les domaines tels que l'exploration et
exploitation du pétrole, les infrastructures routières,
sanitaires et des bâtiments, l'industrie textile, hôtellerie, bref
dans presque tous les secteurs de l'économie tchadienne.
111Ibrahim NGOUHOUO. (2008), op. Cit., p. 32.
112Idem
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1-2 : La répartition sectorielle des
investissements directs étrangers (IDE) au Tchad
La décision d'investir en Afrique repose principalement
sur l'existence de sous-sol riche (en minerais et hydrocarbures) et la
possibilité d'un marché de plus de trente-deux millions
d'individus. La recherche d'une main-d'oeuvre bon marché est une
motivation secondaire car les investisseurs reprochent souvent à
l'Afrique le coût relativement élevé de sa main-d'oeuvre,
en comparaison aux autres pays en voie de développement, notamment ceux
d'Asie du Sud-Est et du Sud-Ouest113. Cependant, dans la zone CEMAC
les IDE sont inégalement répartis dans quatre secteurs principaux
de l'activité économique: minerais, hydrocarbures, manufactures
et les services. En 2004, on estime à 3171millions de dollars le montant
d'IDE vers la CEMAC et de ce montant, environ 85% de ces IDE étaient
investis dans le secteur des hydrocarbures et des minerais, 11% dans le secteur
manufacturier (industrie) et environ 4% dans le secteur
tertiaire114. Il faut cependant noter que cette répartition
varie selon les pays et cette part est plus ou moins justifiée selon
qu'on se trouve au Congo, au Gabon, en Guinée, au Tchad ou au
Cameroun.
En effet, le Tchad est sans doute l'un des pays de l'Afrique
Centrale qui a reçu le moins d'IDE entre l'indépendance en 1960
et l'ère de la découverte du pétrole en 1999. Cette
situation est due pour une large partie aux obstacles naturels (pas de
côte maritime) et surtout à la diversité ethnique et
religieuse exploitée négativement par des politiciens
véreux. Au Tchad, environ 80% d'IDE sont concentrés dans le
secteur industriel dont environ 95% dans le seul secteur pétrolier. Les
20% restants sont répartis entre les secteurs primaire et tertiaire. La
France détient le monopole d'IDE dans l'agriculture avec une part
importante dans la société de production de coton. La
présence française dans ce secteur est aussi fortement
marquée par la transformation de la canne à sucre à
travers Vilgrain (sucre) et Dagris (coton), Castel
(bière)115. Depuis 2006, la Chine est devenue le plus grand
investisseur avec des investissements de grande envergure dans presque tous les
secteurs de l'économie avec des sociétés telles que: la
CNPC, la ZTE Corporation, la China CAMC Engineering Ltd, etc.
En outre, on trouve les investisseurs Américains et
Malaisiens dans le secteur pétrolier avec la société Exxon
Mobile. On trouve également les IDE français dans la distribution
des produits pétroliers (Schlumberger et Foraco), le transport transit,
la restauration, l'hôtellerie avec les groupes Accor et le
Méridien; le secteur financier est représenté par la
Société
113Article : Pablo Gabriel Ferreira. (2010),
Les théories des firmes transnationales issues des pays en
développement et les pétrolières étatiques : les
cas PDVSA et Petrobras, Centre de recherche-CEIM, p. 7.
114 Ibrahim NGOUHOUO. (2008), op. Cit., p. 35.
115 Idem
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générale, Biat, Financial, Gras Savoye, le
conseil concentrant 16% d'IDE116. Et enfin, nous n'oublions pas non
plus la présence de l'Inde à travers le projet Techno Economic
Approach for Africa-India Movement, auquel on se réfère plus
communément sous la dénomination de Team 9. Il s'agit d'une
initiative du gouvernement indien lancée avec huit pays d'Afrique de
l'Ouest, dont six francophones. A travers ce projet, le Tchad s'est vu octroyer
un prêt de 50 millions de dollars sur 20 ans avec une période de
grâce de cinq ans et un taux d'intérêt de 2,5% dès la
fin d'intensification de l'investissement local117. En effet, le
Tchad, à l'instar d'autres pays africains, n'a pas
bénéficié d'une entrée plus importante des flux
d'IDE. Le graphique suivant donne l'évolution des flux d'IDE au Tchad
entre 1980 et 2012.
Graphique 1 : Evolution des flux d'IDE au
Tchad en millions de dollars (1980-2012)
![](Les-strategies-des-firmes-multinationales-chinoises-au-Tchad-et-leur-contribution--la-diversifica16.png)
1000
-200
-400
400
800
600
200
0
IDE
IDE
Source : Graphique réalisé par l'auteur à
partir des données de la Banque Mondiale
Ce graphique montre qu'après avoir connu une certaine
stabilité dans la décennie 1990, le Tchad a enregistré des
entrées d'IDE variant entre 18 millions de dollars en 1990 et 9,4
millions de dollars. Cette tendance s'est accentuée en 2000 et 2001 avec
des entrées d'IDE respectivement de 115 et 459 millions de dollars.
Cette hausse spectaculaire est le résultat de la mise en chantier de
l'oléoduc Tchad-Cameroun qui conduit le pétrole tchadien vers
l'exportation à travers le territoire camerounais. Une tendance à
la hausse s'est accélérée entre 2002, 2003 et 2004 dont
les montants respectifs sont 924 ; 712 et 466 millions de dollars
116 Ibidem
117 BAD. (2012), op. Cit., pp. 20-22.
60
avant de connaître une baisse drastique entre 2005 et
2007. En effet, cette baisse s'explique d'une part par la période
d'instabilité politique dans le pays et d'autre part par la crise
économique et financière de 2008. Et enfin, entre 2008 et 2012 la
tendance s'est poursuivie, elle a été en dents de scie.
Nonobstant notre analyse, la faible attractivité d'IDE
au Tchad relève de causes (internes et externes) conjoncturelles et
structurelles dont voici certaines : le rapport Doing Business continue de
classer le Tchad dans la catégorie des pays où il est le moins
simple de faire des affaires en 2014 (189ème sur 189 pays) ; à
cela s'ajoutent également d'autres facteurs internes tels que :
- une administration lourde ne facilite pas souvent les
formalités de l'investissement ;
- le caractère trop informel des activités
économiques du pays ;
- l'instabilité régionale, certains
investisseurs ont tendance à considérer globalement une
région sans se soucier forcément des caractéristiques
particulières de chaque pays (trouble politique en Libye, au Soudan et
en Centrafrique, le phénomène de Boko Haram au Cameroun, Niger,
et Nigeria) ;
- la corruption à tous les niveaux ;
- le faible développement du secteur privé
formel ;
- l'insécurité grandissante ;
- et enfin, l'absence d'infrastructures routières.
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