Paragraphe 2 : Les caractéristiques
d'investissements chinois au Tchad
Selon plusieurs travaux (CNUCED 2004, 2007, 2009, Aykut et
al.2004, Gelb 2005), les investissements directs étrangers (IDE) Sud -
Sud, pour l'essentiel réalisés par les firmes multinationales,
ont connu une croissance plus rapide que les flux d'IDE Nord-Sud depuis le
milieu des années 90. Dans le cas du continent africain, la
première source des IDE Sud-Sud vers le continent est constituée
par les pays émergents d'Asie, spécialement la Chine et dans une
moindre mesure l'Inde et les pays du Golfe persique membres de l'OPEP. La
seconde source de ces IDE Sud - Sud est représentée par les
multinationales originaires du principal pays émergent du continent,
à savoir l'Afrique du Sud 118 . Selon Chaponnière
(2012) « l'internationalisation des entreprises chinoises est
récente, le stock d'IDE chinois à l'étranger en 2004
n'était que de 45 milliards de dollars selon le Ministère du
Commerce. La Chine dispose des moyens et des réserves
considérables de l'internationalisation de ses
118 T. DZAKA. (2011), op. Cit., pp. 1-2.
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entreprises » 119. Pour mieux cerner
les caractéristiques d'investissement des entreprises chinoises au
Tchad, il est important de s'interroger d'une part sur les secteurs
d'investissements des entreprises chinoises au Tchad (2-1) et d'autre part sur
les flux d'investissements chinois entrant au Tchad (2-2).
2-1: Les secteurs d'investissements des entreprises
chinoises au Tchad
La Chine, cherchant à sécuriser par tous les
moyens ses approvisionnements en pétrole pour ne pas freiner une
économie lancée à pleine vitesse et dévoreuse
d'énergie, a progressé dans sa coopération avec le Tchad
en investissant dans trois secteurs: les télécommunications avec
le projet CHAD CDMA 2000 (Code Division Multiple Access,
Téléphonie fixe sans fil) et la téléphonie mobile
au sein de la Société des Télécommunications du
Tchad (SOTEL-TCHAD), une entreprise paraétatique; la construction de la
cimenterie de Baoaré et la construction d'une raffinerie à 50 km
au nord de N'Djamena. Le Tchad étant un pays à haut risque pour
les investisseurs occidentaux, à cause des situations
d'insécurité récurrentes dont il est l'objet, les
investissements de grande envergure sont rares, voire inexistants. Le projet
CDMA 2000 est une technologie reposant sur le réseau
radioélectrique de 3ème génération,
introduite par le biais de la ZTE Corporation. Ses avantages sont entre autres,
la réduction des coûts d'investissement, la rapidité
d'installation et la facilité d'extension; ce qui doit concourir
à la réduction de la fracture numérique 120 .
La cimenterie, récipiendaire d'un investissement de la China CAMC
Engineering Ltd, dispose d'un atout majeur dans la perspective
économique actuelle.
En effet, dans le cadre de la Stratégie Nationale de
Croissance et de Réduction de la Pauvreté (SCNRP), le
gouvernement tchadien a retenu, entre autres, de renforcer le cadre
macroéconomique par la diversification de l'économie et surtout
l'intensification des investissements dans les secteurs porteurs de la
croissance. Le développement des infrastructures de base (routes,
habitats, écoles, centres de santé, aménagements
hydro-agricoles...) est donc fortement recherché, ce qui constitue un
atout majeur pour la future cimenterie. Le démarrage officiel des
travaux de construction de cette usine a eu lieu le 17 décembre 2007.
Cette cimenterie aura une capacité de production de 200 000 tonnes de
ciment portland par an et de 700 tonnes de clinker par jour. Il a
été affirmé par le gouvernement tchadien que la
main-d'oeuvre sera essentiellement locale et qu'à la fin du
119Jean-Raphaël Chaponnière. (2006), op.
Cit., p. 155.
120Symphorien Ndang TABO et Al. (2008), op. Cit., pp.
4-6.
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projet, le prix du ciment va diminuer de
moitié121. Pour ce qui est de la raffinerie, elle sera
propriétaire à 60 % de la CNPC et à 40 % de la
Société des Hydrocarbures du Tchad (SHT). Elle sera
alimentée par la production des gisements de Sédigui (au nord du
Lac Tchad) et du Mayo-Kebbi (sud-ouest du pays), en phase d'exploration par la
CNPC. Découvert par un consortium américain en 1974 mais jamais
exploité, le champ de Sédigui disposerait de réserves
avoisinant 500 millions de barils. La réalisation de ce projet marquera
la consécration de la Chine comme grand concurrent des Etats-Unis et de
la France au Tchad puisque ces deux pays par le passé ont refusé
de financer le projet de raffinerie qu'ils ont jugé non rentable. Les
travaux d'aménagement du site de la raffinerie ont débuté
en novembre 2007. Il est attendu que cette raffinerie puisse permettre au Tchad
d'assurer la consommation locale en produits pétroliers raffinés
puisque jusqu'à ce jour le pays les importe du Nigeria et du
Cameroun122.
En effet, il convient de rappeler que l'investissement chinois
est caractérisé par l'implication directe du Gouvernement chinois
au niveau des autorités tchadiennes avec les compagnies chinoises qui
sont directement sous la tutelle de leur Gouvernement. Il y a comme corollaire
à cette façon d'agir la non implication des organisations de la
société civile dans les négociations et même un
déficit d'information pour celles-ci. Or, les organisations de la
société civile peuvent indirectement influencer l'action
gouvernementale à travers leurs activités de défense des
intérêts de la population. Leur engagement est donc inhibé
par cette situation mais si le gouvernement tchadien les implique, cela
constituera un bénéfice pour elles.
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