2-2 : Le modèle angolais
Les entreprises chinoises s'associent dans la plupart de cas
à des sociétés africaines ou nationales pour l'exploration
et l'exploitation des gisements, pour la construction des infrastructures, etc.
Ce qui n'est pas le cas des multinationales occidentales qui travaillent
naturellement seules ou en consortium entre elles91. Il y a
plusieurs exemples des JV en Afrique, mais le cas le plus connu est celui de
modèle angolais. Selon Martyn Davies et al., (2008), Sanfilippo. (2011),
Dzaka. (2011), ce modèle correspond à un package deal mis en
oeuvre par la Chine pour gestion optimale du risque pays en Afrique. Il lie
l'APD, le commerce et les IDE effectués par les FMN publiques chinoises
dans les pays d'accueil richement dotés en ressources
pétrolières et minières. En effet, il convient de rappeler
qu'aucune somme d'argent n'est directement prêtée au gouvernement
africain, mais le gouvernement chinois mandate une firme publique de
construction recevant en général le soutien financier de China
Export-Import Bank pour réaliser des projets d'infrastructure avec
l'accord du gouvernement africain92. En contrepartie de la provision
de ces infrastructures, le gouvernement africain accorde aux FMN chinoises le
droit d'exploiter des ressources naturelles dans le pays d'accueil via
l'acquisition de parts dans une entreprise publique nationale sous forme de JV
ou de licences de production.
91Fode Sire DIABY. (2014), op. Cit., p. 145.
92 T. DZAKA. (2012), Le rôle des
joint-ventures et alliances stratégiques dans l'internalisation des
multinationales chinoises : évidence pour les pays d'Afrique
Centrale, Editions ICES, Revue congolaise de gestion, pp. 105-107.
44
Par ailleurs, pour montrer cette stratégie
d'association, nous pouvons citer plusieurs exemples. L'Angola, par exemple,
est un pays membre de l'OPEP depuis 2007, et actuellement 2e
exportateur mondial de pétrole vers la Chine, après l'Arabie
Saoudite, Sinopec a créé, en 2006, une JV, SSI (Sonangol Sinopec
International) avec le partenaire public angolais, Sonangol (45%), pour une
participation majoritaire du partenaire chinois (55%).L'objectif poursuivi
consistait à exploiter conjointement les participations dans les blocs
pétroliers offshores et de construire une seconde raffinerie du pays
à Lobito, la Sonaref d'une valeur de 3,5 milliards de dollars et d'une
capacité de 240000 barils/jour, toujours sous forme d'une JV entre
Sonangol (70%) et Sinopec (30%). Il est vrai que les négociations sur le
projet de la raffinerie ont été suspendues en 2007, l'Angola
ayant décidé par patriotisme économique de réaliser
seul ce projet pour réduire sa dépendance en matière de
carburants importés qui est actuellement de l'ordre de
60%93.
Plus généralement, outre l'Angola, les trois
principales FMN pétrolières chinoises (CNPC, SINOPEC, CNOOC) ont
investi, à compter du milieu des années 2000, dans tous les
autres pays pétroliers d'Afrique Centrale (Congo-Brazzaville, Tchad,
Gabon, Guinée Equatoriale, Cameroun) en fonction de leur
spécialisation à travers des alliances de type contrats de
partage de la production, impliquant souvent comme partenaires les entreprises
publiques pétrolières des pays d'accueil et/ou les majors
pétroliers des pays occidentaux ou ceux des pays émergents
(Dzaka, 2011). En effet, en République Démocratique du Congo
(RDC), par exemple l'accord de prêt concessionnel chinois de 8,5
milliards de dollars a été conclu en avril 2008,
conformément au « modèle angolais »: contrats miniers
contre infrastructures et JV. Ce contrat apparaît à ce jour le
plus important contrat chinois signé avec un Etat africain, ceci
s'explique certainement par le fait que la RDC considérée comme
un « scandale géologique » soit richement dotée en
ressources minières (cuivre, cobalt, diamant, or, coltan, etc.) dont
l'économie de la Chine a tant besoin pour poursuivre sa croissance
rapide. Au terme de cet accord, a été constituée une JV
minière, dénommée SICOMINES, entre l'entreprise publique
locale, la GECAMINES (32%) et un consortium de cinq FMN chinoises (68%): China
Railway Group Ltd, Sinohydro Corporation, China RailwaySino-CongoMining Ltd,
Sinohydro Harbour Co Ltd, China Railway Ressources Development Ltd. En
contrepartie du prêt concessionnel de la China Exim Bank (durée de
remboursement: 30 ans; taux d'intérêt: 0,25%) un contrat
d'exploitation des ressources minières réserves de
93 T. DZAKA. (2012), op. Cit., pp. 107-108.
10616070 tonnes de cuivre, de 626619 tonnes de cobalt et, pour
un tonnage restant à déterminer, toutes substances
minérales valorisables a été accordé à la
Chine94.
Un autre exemple est celui du Tchad où la CNPC a
livré clés en mains à l'Etat tchadien en juin 2011 sa
première raffinerie d'une capacité de 20000 barils/jour. Dans
cette JV dénommée société de raffinage de N'djamena
(SRN), dont la durée de vie est prévue pour 99 ans, la CNPC
détient une participation majoritaire à hauteur de 60% contre 40%
pour la société des hydrocarbures du Tchad (SHT) 95 .
La JV a prévu le volet transfert de connaissances aux travailleurs
tchadiens notamment à travers la formation en Chine de 50
ingénieurs et techniciens. Ces derniers ont de ce fait, en 2010,
passé un stage professionnel en Chine dans le domaine de la gestion et
l'exploitation dans l'industrie du raffinage. Cette formation a
été complétée au Tchad par un stage
d'imprégnation des stagiaires tchadiens aux normes de
sécurité sur le site de la raffinerie, sous l'encadrement
d'ingénieurs chinois.
Nous convenons de ce qui précède, que les
stratégies d'implantation des FMN chinoises divergent de celles des
firmes occidentales. Elles lient, comme nous venons de le voir, la
coopération, l'aide publique au développement et l'IDE. C'est
dans cette perspective que nous nous posons la question de savoir : quels sont
les effets de ces stratégies sur la diversification de l'économie
tchadienne ? C'est ce que nous allons examiner dans la partie qui suit.
45
94 T. DZAKA. (2012), op. Cit., pp. 111-112.
95 Idem
46
Deuxième partie : Les effets des
stratégies d'implantation des firmes multinationales chinoises sur la
diversification de l'économie tchadienne
47
Depuis plus d'une décennie nous assistons de plus en
plus à la présence des investissements directs étrangers
d'origine chinoise. Face à l'ampleur de ce phénomène un
consensus se dégage parmi les auteurs pour dire que les impacts de ses
investissements sur les économies sont loin d'être atteints du
fait de leur caractère récent. Dans un rapport de la Banque
mondiale ces auteurs constatent qu'il est difficile d'obtenir des
données désagrégées pour mener une analyse un peu
fine des rapports entre la Chine et l'Afrique, d'où leur
nécessité de définir une méthodologie pour
constituer une base des données relative à leur objet de
recherche. De plus les statistiques sur les IDE chinois présentent
quelques différences par rapport aux autres IDE notamment ceux des pays
développés. Les statistiques chinoises sur les IDE sortants
présentent des lacunes majeures qui rendent les évaluations de
montant, nombre et secteurs d'investissement particulièrement
difficiles.
C'est pourquoi, dans cette partie, nous nous proposons de
présenter d'abord les investissements directs étrangers (IDE)
chinois au Tchad (Chapitre III) et puis ensuite d'analyser l'apport de ces
investissements sur la diversification de l'économie tchadienne
(Chapitre IV).
48
CHAPITRE III : LES INVESTISSEMENTS DIRECTS ETRANGERS
(IDE) CHINOIS AU TCHAD
L'objectif de ce chapitre consiste à présenter
les investissements directs étrangers (IDE) chinois au Tchad. Pour ce
faire, la question des conditions de l'attractivité des investissements
directs étrangers (IDE) est devenue au coeur des réflexions
stratégiques des pays en voie de développement (Ferrara et
Henriot, 2004). Durant ces dernières années, on a assisté
à une concurrence entre les responsables gouvernementaux pour attirer
les firmes multinationales. Certains ont joué sur les politiques
fiscales en proposant des exonérations pendant une période
donnée. D'autres pays ont proposé des subventions
spécifiques et une atténuation des restrictions imposées
habituellement comme le contenu local minimum ou bien la limitation de
l'importation des biens intermédiaires à un montant lié
aux exportations, un niveau maximum d'exportation, etc.96 C'est
pourquoi, nous nous proposons de présenter dans ce chapitre, les
politiques d'attractivité d'IDE (section 1) avant d'aborder les
investissements directs étrangers (IDE) chinois au Tchad (section 2).
Section 1 : Les politiques d'attractivité
d'investissements directs étrangers (IDE) au Tchad
Dans les années 1950 et 1960, les flux
d'investissements directs étrangers (IDE) à destination des pays
en voie de développement (début de leur accession à
l'indépendance) étaient très faibles. Cela s'explique par
le fait que, pour des raisons politiques, beaucoup de décideurs
considéraient l'IDE comme une menace réelle et un facteur de
dominance pouvant porter atteinte à la souveraineté nationale
nouvellement acquise (Alaya, 2004). L'IDE était considéré
comme un facteur de domination et les firmes multinationales étaient
soupçonnées de réduire le bien-être social par la
manipulation des transferts, des prix et la formation d'enclaves
économiques. Aujourd'hui, on assiste à un changement radical de
l'attitude des pays en voie de développement vis-à-vis de
l'investissement direct étranger. Le comportement de suspicion est
désormais remplacé par une politique de promotion visant à
drainer des flux substantiels d'IDE (Oman, 2000). Ce changement d'attitude a
été rendu possible en partie grâce à un
environnement économique mondial de plus en plus libéral et une
littérature économique abondante vantant les mérites de
l'IDE.
L'objet de cette section consiste à montrer comment les
politiques d'attractivité d'IDE au Tchad sont organisées.
Cependant, on entend par la politique d'attractivité l'ensemble des
96 DRISS Slim. (2007), op. Cit., p. 138.
49
politiques économiques, fiscales, douanières et
institutionnelles que les autorités ont élaboré afin de
rendre le pays attractif aux yeux des investisseurs. C'est pourquoi, nous
verrons dans le paragraphe suivant comment l'attractivité d'IDE est
organisée au Tchad.
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