II.2. L'analyse verticale des entretiens
a) Appartenance à la communauté de
marque
Le premier thème s'attache à définir la
communauté de marque de point de vue des consommateurs. Deux
critères ont été retenus:
V' Une forte identification à la marque :
Les deux entretiens ont mis évidence
l'intérêt que les membres de la communauté accordent
à la marque. La deuxième personne interrogée, se
considère faisant partie de la communauté de Macintosh.
« Pour moi, une
communauté de marque regroupe des individus ayant un certain
intérêt envers une marque. Je citerai par exemple les macusers
(utilisateurs de macs) ou les clubs de Harley Davidson. » « Oui je
suis fan d'Apple. J'aime bien les produits Apple .... Pour moi, c'est
important, je dois avoir toujours le dernier modèle d'iphone ou du pc
c'est la raison pour laquelle je m'informe toujours des dernières
nouveautés et des modèles qui sont sur le marché
»
V' Une forte identification à la
communauté :
Ce critère était présent seulement dans
le premier entretien. La personne interrogée s'identifie encore plus au
groupe d'amis auquel elle appartient, plutôt qu'à la marque en
soi.
« Moi je suis fan de Cartier c'est ma
préférée. Je suis fan de la marque sur Facebook, c'est
vrai, j'ai des amis qui sont aussi fans de la marque comme moi. » «
Quand j'ai vu mes amis participer, j ai voulu faire comme eux et du coup j'ai
essayé. Il fallait tout simplement poser pour une photo avec un
garçon et pourquoi pas aussi d'autres filles... »
b) Les motivations à la participation
Les motivations ont été évoquées
implicitement dans le premier entretien. La personne interrogée a
participé à l'un des concours de la marque "Axe". Nous avons pu
identifier deux types de motivations : Les motivations intrinsèques et
les motivations extrinsèques17.
17 Cité par Ronan Divard (2010) "Le
marketing participatif". Cette distinction a été initialement
proposée dans le cadre de la théorie de
l'autodétermination, formulée en 1985 par deux chercheurs
américains, Deci et Ryan.
62
V' Les motivations intrinsèques :
Selon Divard (2010) les opérations participatives
peuvent être une source de distraction pour les internautes...
L'interviewée a participé au concours de la marque « Axe
» principalement pour se divertir.
« sympa comme jeu, on s'est bien amusé et on a
beaucoup rigolé. Et, effectivement J'ai participé essentiellement
à ce concours pour m'amuser, euuuuh j'ai aussi trouvé
l'idée et l'ambiance trop sympas, et puis pourquoi pas gagner de
l'argent avec un truc aussi rigolo ? »
« Franchement, rien du tout, à part le fait
qu'on a beaucoup rigolé, je garde des souvenirs agréables de
cette expérience »
« J'ai juste participé pour le plaisir et elle
ça lui a permis de faire de la pub auprès des étudiants.
»
V' Les motivations extrinsèques :
Nous retrouvons ici : 1) Les récompenses
monétaires ou matérielles « et puis pourquoi pas gagner
de l'argent avec un truc aussi rigolo ? », 2) L'exercice d'une
influence (« Le consommateur qui participe ou vote par exemple pour un
produit, exprime un avis etc... peut retirer une certaine satisfaction du
rôle d'influenceur actif qu'il joue »). La personne
interrogée est à la fois influencée par les autres
« Quand j'ai vu mes amis participer, j ai voulu faire comme eux et du
coup j'ai essayé... » et veut exercer certaine influence sur
eux « Oui, parce que mon avis et mes commentaires peuvent changer
l'avis du consommateur, je pense que je pourrai influencer les autres, genre :
ce produit je l ai essayé, je trouve qu'il n'est pas bien tu vois...
» 3) Et enfin, le renforcement des liens sociaux (« Le
consommateur peut retirer des bénéfices sociaux de sa
participation, lorsqu'elle se fait dans un cadre structuré et
socialisé qui lui permet de confronter des liens existants et
d'étoffer son réseau de relations, ....Le participation peut
renforcer le sentiment d'appartenance à une communauté,
réelle ou fantasmée... ») « Et en plus, j ai fait
ça avec mes amis, euuuh entre amis quoi et nous sommes toujours en
contact bien sur... » « dans le sens ou c'est une expérience
avec des gens que tu connais pas et que tu connais c'est-à-dire tu peux
faire des nouvelles rencontres etc. » « La seule chose qui a peut
être changé c'était ma confiance en moi et mon
expérience personnelle. Ça forge en quelque sorte la
personnalité,»
63
c) Les effets de la participation
Nous avons retrouvé les mêmes sous-thèmes
que ceux issus de l'analyse des entretiens des experts. A titre de rappel :
? Les effets positifs de la co-création
(participation et interaction) sur les marques
? Une communication en faveur de la marque :
Elle correspond généralement aux bonnes
impressions des membres de communauté lorsqu'ils soumettent des avis
positifs sur la marque « dans le cas contraire, il exprime sa
satisfaction par rapport à la marque et l'entreprise. »
? Les retours et l'amélioration de la marque
:
Précédemment appelé « Effet miroir
» (la partie relative à l'analyse qualitative des entretiens des
experts) et qui correspond au feedback que reçoit la marque de ses
consommateurs ou membres de sa communauté. Ces commentaires peuvent lui
servir de critiques constructives, dont elle doit prendre en
considération afin de répondre aux besoins et attentes de ses
clients et afin d'apporter les améliorations nécessaires à
son image de marque ou sa gamme de produit etc. Ces critiques donc, qu'elles
soient positives ou négatives sont reçues favorablement par la
marque. L'objectif ici, est d'apporter des renseignements précieux aux
managers de l'entreprise pour améliorer concrètement les produits
(Cova et Ezan 2008). « Ces marques sont conscientes de l'importance de
l'avis du client.... C'est important que la marque sache ce que ses
consommateurs pensent d'elle, c'est comme elle prend en considération ce
qu'il se dit sur elle et elle essaiera d'y remédier aux critiques qui
lui sont adressés. » « Je pense que la marque peut
évoluer si elle sait exploiter les données qu'elle recueille
à travers les jeux...»
(L'étude de Cova et Ezan (2008) sur la
communauté de Warhammer18 a souligné que les parties
de jeu entre amis, les tournois ou les événements
dédiés à la marque sont des occasions récurrentes
permettant au consommateur de Warhammer de détecter les failles du
concept. Il perçoit notamment des trous dans la gamme et fait remonter
l'information auprès du « staff ». Grâce à ce
reporting organisé, de nouvelles figurines sont lancées chaque
année et correspondent bien évidemment aux attentes des
passionnés.)
18 (Le concept de Warhammer commercialisé
par Games Workshop se définit comme un jeu de stratégie
conçu à partir de figurines à peindre et à
collectionner.)
64
? Les effets négatifs de la co-création
sur les marques ? La prise de risque et échec :
Pour le répondant, le consommateur n'a pas toujours
raison et peut se tromper lorsqu'il soumet son avis ou lorsqu'il vote pour un
produit... « Non le consommateur peut se tromper. Plusieurs produits
ont déjà été sous-estimés et ont eu grand
succès. Sur le net il y a des trolls et des avis qui manquent
d'objectivité. Donc, je pense que la marque doit filtrer les avis des
consommateurs. Comme je l'ai dit, les consommateurs sous-estiment souvent les
nouveaux produits ou les nouvelles innovations qui s'avèrent ensuite de
véritable succès. Le contraire est aussi vrai. Certaines marques
prennent le risque de lancer un produit suite à la demande des
consommateurs, qui ensuite ne se vendent pas suffisamment et connaissent un
échec total.»
? Communication en défaveur de la marque
:
Ce sont les critiques adressées la marque et qui
peuvent toucher directement à sa réputation et à son image
de marque « ce produit je l ai essayé, je trouve qu'il n'est
pas bien tu vois. Et les autres quand ils voient mon commentaire sur le marque,
ils peuvent prendre en compte mon avis sur le produit. »
d) Le marketing relationnel
La création de lien est un thème
récurrent dans les deux entretiens. Le discours des consommateurs
comporte des termes comme « la confiance », « les liens »,
« des messages personnalisés», « relation plus intime
», « relation personnelle » etc. La participation des
consommateurs aux différents concours et l'interaction qui existe entre
eux et la marque peut éventuellement renforcer cette relation. La nature
de celle-ci est fondée sur trois traits :
- Relation de confiance
Les consommateurs se sentent plus en confiance lorsqu'ils
interagissent directement avec la marque « On a effectivement plus
confiance, on t'explique directement les choses, si tu n'es pas satisfait, y a
quelqu'un pour répondre à ça. »
65
- Relation de proximité
Il n'existe plus de frontières entre la marque et le
consommateur. Ce dernier se rapproche de la marque « Il y a pas de
barrière entre le client et l'entreprise ; la barrière disparait
» et communique directement avec elle : « développer
une relation plus intime disons directe avec la marque; tu sens que t'es proche
de ces marques parce que tu trouves des réponses à tes questions,
il y a un lien direct » L'administrateur de la page « marque
» est disponible pour répondre à ses suggestions «
je sais, y a des personnes chargées spécialement pour
répondre aux personnes, que ce soit les consommateurs entre eux ou entre
le consommateur et la marque... ». Le consommateur sera plus
satisfait à cet égard, il connaît mieux la marque et la
relation s'intensifie. La marque se dévoile et devient transparente.
Elle lui adresse même des messages personnalisés «
adresser des trucs personnalisés....des messages personnels à la
limite intime dans les occasions par exemple : Joyeux Noël, Bonne
Année ». L'approche est dite « One to one »
contrairement à l'approche traditionnelle « One to many »
- Relation de fidélité
La marque se doit d'écouter les avis des membres de sa
communauté si elle veut les satisfaire et les fidéliser.
L'interaction permet d'attirer de nouveaux clients et de les garder «
Oui bien sur, puisqu'une marque cherche à attirer toute personne qui
pourra utiliser le produit....C'est important qu'elle recrute des consommateurs
fidèles et qu'elle les garde. » «Pour le consommateur, c'est
important car ça lui permet d'établir un lien, et mieux
connaître la marque, et ça intensifie même la
fidélité avec le consommateur. » Les marques ne
s'adressent plus au grand public, elles s'adressent à chacun
indépendamment les uns des autres à travers les messages de voeux
personnalisés et à travers le feedback en réponse aux
diverses questions des membres de sa communauté. Ceci permet de
fidéliser les clients.
66
|