Les états de la CEMAC face aux défis de la sécurité humaine( Télécharger le fichier original )par Marius Judicael TOUATENA SIMANDA Université de Yaoundé 2 - Master en Droit Public International et Communautaire 2015 |
II- Le Programme des Nations Unies pour le DéveloppementL'expression même de sécurité humaine est le plus souvent associée au Rapport du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) sur le développement humain de 1994, qui a essayé de cerner les dividendes de la paix au lendemain de la Guerre froide, afin de réorienter les ressources dégagées vers les objectifs du développement134(*). La définition alors avancée dans le rapport fut extrêmement ambitieuse, la sécurité humaine étant l'agrégation de sept éléments distincts : la sécurité économique, la sécurité alimentaire, la sécurité dans le domaine de la santé, la sécurité de l'environnement, la sécurité personnelle, la sécurité collective et la sécurité individuelle. En portant l'accent sur les personnes et en insistant sur les menaces non traditionnelles, le PNUD a beaucoup contribué à la réflexion de l'après-guerre froide sur le concept de sécurité. Face à la persistance des conflits violents en ce début du 21ème siècle, le PNUD a été amené à réévaluer la pertinence de cette définition du concept, énoncée en 1994, dans ses applications avérées sur le terrain. Car le contexte dans lequel il est censé s'appliquer a évolué. Aujourd'hui, le monde doit faire face à de nouveaux défis, et la nature de même que la géographie des conflits a changé. Dans le Rapport Mondial sur le développement humain 2005, intitulé « la coopération internationale à la croisée des chemins. L'aide, le commerce et la sécurité dans le monde marquée par les inégalités »135(*), le PNUD effectue alors un inventaire du concept de sécurité humaine, afin de mieux l'affiner et souligne que les situations conflictuelles de notre époque se déroulent essentiellement dans les pays pauvres aux structures étatiques faibles ou en faillite, et où les instruments de la guerre sont des armes légères et de petit calibre. Ces conflits violents se caractérisent par un cercle vicieux où les carences de ces Etats les condamnent à ne plus pouvoir protéger les citoyens, ni à apporter les réponses adéquates aux besoins de base de la population ainsi que de satisfaire aux exigences de développement des institutions politiques de la société considérée, la condamnant à sombrer dans la violence. Outre les coûts humains immédiats, une telle situation fait surtout régresser les avantages en matière de développement humain acquis au fil des générations, « ces conflits violents ne tuant pas uniquement avec des balles mais plus largement au travers de l'érosion de la sécurité humaine ». En se plaçant dans le sillage du Rapport du Secrétaire général des Nations Unies de mars 2005 et de celui du « Groupe de haut niveau sur les menaces, les défis et le changement » de décembre 2004, le PNUD réajuste sa conception de la sécurité humaine. Conscient que la définition initiale privilégiait une approche axée sur le cadre national trop étriqué, le PNUD cherche à arrimer la sécurité humaine au concept de sécurité collective afin de permettre une meilleure appréhension des menaces qui peuvent l'affecter dans une perspective plus universelle ; mais aussi dans le dessein d'autoriser l'insertion des actions menées en son nom dans le cadre de la solidarité de tous les peuples. Car, « lorsque la violence déracine les populations de leurs foyers, les flux de réfugiés et de personnes déplacées, et l'exportation des conflits vers les pays avoisinants créent des défis pour l'ensemble de la Communauté Internationale. Lorsque des Etats déliquescents basculent dans un conflit violent, ils fournissent un habitat naturel aux groupes terroristes qui mettent en péril la sécurité des populations des pays riches, tout en perpétuant la violence dans les pays pauvres »136(*). Cette perspective devrait permettre de dépasser la situation présente caractérisée par « (des) stratégies de sécurité (qui) ont le défaut de fournir une réponse militaire surdéveloppée par rapport aux menaces à la sécurité collective, et d'une réponse sous-développée en matière de sécurité humaine »137(*). Dans cette nouvelle configuration, la sécurité humaine se voit conférer un nouveau mandat, celui de promouvoir la prévention des conflits ; « et le développement est la stratégie de prévention la plus efficace », précise le PNUD138(*). Au regard de cette mission, le concept devient l'agent prescripteur d'exigences nouvelles requises pour contenir les problèmes qui génèrent et alimentent le conflit violent. Le Rapport propose, à cette fin, un catalogue de mesures relativement fournies prévoyant notamment : § la limitation et le contrôle de la circulation des armes légères et de petit calibre qui constituent les armes privilégiées dans les conflits d'aujourd'hui ; § une priorité à donner à la planification de la réduction de la pauvreté ; § une amélioration de l'aide internationale : les donateurs doivent accroître leur effort, notamment à l'endroit des Etats fragiles pour lesquels « l'aide semble être disproportionnellement faible ». Ils devraient, en outre, aménager une prévisibilité de l'aide par le biais d'engagements financiers à long terme, car pour les gouvernements ayant une base de revenus relativement faible, ceci est susceptible d'être extrêmement déstabilisant. Ils doivent également être plus transparents quant aux conditions d'allocation de l'aide et aux raisons qui les poussent à diminuer leurs investissements dans les pays sujets à la violence ; § la gouvernance efficace des ressources naturelles afin de briser les liens entre celles-ci et le conflit violent, et de restreindre le commerce des ressources du conflit. Par ailleurs, en tant que parties actives sur les marchés des ressources naturelles aidant à financer les conflits et, dans certains cas, saper la légitimité de gouvernements fiables, les entreprises multinationales impliquées dans l'exportation de minerais doivent accroître la transparence ; § le renforcement des capacités régionales, car les pays les plus pauvres confrontés aux défis sécuritaires régionaux les plus graves manquent de la capacité financière et institutionnelle pour mettre sur pied une réponse efficace. Cette situation concerne principalement les organes régionaux en Afrique qui manquent de ressources, de la logistique et de la capacité humaine pour mettre en pratique des mandats ambitieux. Ainsi, si le Rapport de PNUD de 1994 a offert la première tentative d'une présentation théorique du concept de sécurité humaine, celui de 2005 s'est employé à développer sa dimension instrumentale afin de lui conférer un caractère opératoire, en l'associant au processus de la prévention des conflits. * 134Voir supra. * 135PNUD, Rapport Mondial sur le développement humain 2005, « la coopération internationale à la croisée des chemins. L'aide, le commerce et la sécurité dans le monde marquée par les inégalités », Paris, Economica, 2005, accessible sur le site : http://hdr.undp.org/reports/global/2005/francais/, site consulté le 12 mars 2015. * 136PNUD, Rapport Mondial sur le développement humain 2005, « la coopération internationale à la croisée des chemins. L'aide, le commerce et la sécurité dans le monde marquée par les inégalités », Paris, Economica, 2005, op. cit., p. 164 * 137Idem. * 138Ibid., p. 180. |
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