L'application par le Cameroun des instruments juridiques internationaux de lutte contre les changements climatiques( Télécharger le fichier original )par Dieudonné MEVONO MVOGO Université de Limoges, France - Master II Droit International et Comparé de l'Environnement ( DICE) 2016 |
Paragraphe II : Les procédures institutionnellesLa volonté du Cameroun d'appliquer les instruments juridiques internationaux de lutte contre les changements climatiques est expressive dans les procédures institutionnelles, lesquelles concourent à l'application de ces instruments. On dénombre ainsi les institutions publiques (A) et les institutions privées (B). A. Les institutions publiques La protection de l'environnement, et partant la lutte contre les changements climatiques relève du service public, malgré le fait que la Constitution en a fait un devoir pour chaque citoyen. A cet effet, de nombreuses institutions concourent à l'application des instruments juridiques internationaux de lutte contre les changements climatiques, c'est le cas par exemple des organes des administrations centrale et décentralisées. Au titre des organes de l'administration centrale, plusieurs départements ministériels, comités, et établissements publics ont été créés. Le ministère en charge de l'environnement : il s'agit du Ministère de l'Environnement, de la Protection de la Nature et du Développement Durable (ci-après : « MINEPDED »)34. En effet, l'organigramme de ce ministère comporte une Sous-Direction du monitoring écologique et suivi climatique. Cette sous-direction est chargée entre autres « de l'élaboration, de la mise en oeuvre et du suivi des programmes relatifs aux changements climatiques [...], du suivi des activités de l'Observatoire National des Changements Climatiques ». Pour la réalisation des objectifs climatiques qui lui sont 34 Ce ministère a connu une évolution considérable. En effet, c'est en 1992, à la faveur du décret n°92/069 du 9 avril de la même année qu'est créé le Ministère de l'Environnement et de la Forêt (ci-après : « MINEF »). En 2004, par une réorganisation du gouvernement, ce ministère éclate et donne naissance à deux (02) départements ministériel : le Ministère de la Faune et de la Flore (ci-après : « MINFOF ») et le Ministère de l'Environnement et de la Protection de la Nature (ci-après : « MINEP »). La dernière modification date de 2011, à l'issue de celle-ci, le MINEP devient MINEPDED. 23 assignés, cette Sous-Direction s'appuie sur le « Service du suivi du climat »35. Ces services constituent le centre d'impulsion de l'application des instruments juridiques internationaux de lutte contre les changements climatiques. Cependant, le climat étant une question transversale, comme la plupart des secteurs de l'environnement, il intéresse d'autres services au sein du MINEPDED. C'est notamment le cas de la Sous-Direction de l'économie environnementale qui est chargée du « suivi du Mécanisme de Développement Propre ». Bien d'autres services de ce département ministériel interagissent dans le cadre de l'application des instruments juridiques internationaux de lutte contre les changements climatiques, ce qui pourrait donner lieu à des conflits de compétences et des problèmes de coordination. D'autres ministères sectoriels interviennent dans l'application des instruments juridiques internationaux de lutte contre les changements climatiques, il s'agit entre autres du Ministère des Transports (ci-après : « MINTRANS »). Ce Ministère intervient dans ce secteur à travers le service météo dont la mission est de relever les données météorologiques nationales. Il en est de même du Ministère de la recherche scientifique, de l'ONACC, de la CMDD, etc. Au niveau local, les collectivités locales jouent un rôle important dans l'application des instruments juridiques internationaux de lutte contre les changements climatiques36. Ainsi, la ville de Douala, collectivité territoriale décentralisée, s'implique considérablement dans la lutte contre les changements climatiques, ce d'autant plus qu'elle subit les conséquences climatiques. En effet, la ville de Douala est située dans une zone à pluviométrie élevée37, du coup elle est très souvent victime d'inondations sévères. C'est sans doute la raison pour laquelle les autorités municipales de Douala se sont impliquées dans l'application des instruments juridiques internationaux de lutte contre les changements climatiques. En réalité, dans l'Agenda 21 dont s'est dotée la ville38, la lutte contre les changements climatiques en constitue le premier thème (« lutter contre les causes et les effets du changement 35 Suivant les termes de l'article 47 alinéa 1, le Service du suivi du climat est chargé de : - De la synthèse des rapports sur les discussions internationales autour du climat ; - De la mise en oeuvre des programmes dans le cadre des changements climatiques ; - De l'inventaire et du suivi de l'évolution des GES et des stocks carbone ; - Du suivi de l'évolution du climat. 36 Cette compétence trouve son fondement dans le cadre légal et institutionnel de la décentralisation au Cameroun. Il ressort de ces textes que les collectivités agissent dans le sens de l'atténuation des émissions de GEZ ou encore de l'adaptation aux effets des changements climatiques. C'est ainsi que la loi n° 2004/018 du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux communes précise en son article 16 suivants que les communes bénéficient de transferts de compétences en matière de l'environnement et de gestion des ressources naturelles, notamment en matière de reboisement et de création des bois communaux, etc. 37 Le Cameroun est divisé en cinq (05) zones agro-écologiques (ZAE) : 1. La zone soudano-sahélienne, 2. La zone des hautes savanes guinéennes, 3. La zone des hauts plateaux, 4. La zone à pluviométrie bimodale, 5. La zone à pluviométrie monomodale. 38 Ville de Douala, Agenda 21. www.douala-city.org 24 25 climatique »). Il ressort brièvement de ce document que la ville entend mener quinze (15) actions réparties en quatre (04) objectifs tournant autour de l'atténuation des émissions de GES et l'adaptation aux effets des changements climatiques. Cette action locale s'inscrit dans la vaste action globale de lutte contre les changements climatiques par les institutions publiques, ces efforts sont complétés par ceux des institutions privées. B. Les institutions privées Pour ce qui est des institutions privées intervenant dans l'application des instruments juridiques internationaux de lutte contre les changements climatiques, on peut distinguer les entreprises des organisations et associations environnementales. En ce qui concerne les entreprises, à la faveur des incitations à l'investissement que le gouvernement camerounais a instaurées dans la loi n°2013/004 du 18 avril 2013 fixant les incitations à l'investissement privé en République du Cameroun39, certaines entreprises privées, nationales ou étrangères, exerçant au Cameroun ont initié des projets visant à atténuer les causes des changements climatiques40 au Cameroun, c'est le cas d'HYSACAM qui, sur le fondement du paragraphe 9 de l'article 12 du protocole de Kyoto41, a réalisé un investissement de près de neuf millions d'euros dans le projet d'usines de captage et de traitement de biogaz à Douala et Yaoundé. Ce projet vise à la rétention du carbone en le transformant en énergie. Quant à l'action des organisations et associations environnementales, il y en a un grand nombre. Certaines d'entre elles ont pignon sur rue, c'est le cas du Centre pour l'Environnement et le Développement (ci-après : « CED ») dont les actions en matière environnementale, et particulièrement la lutte contre les changements sont importantes. Ces actions rentrent dans la politique de gestion participative énoncée dans de nombreux instruments juridiques internationaux, notamment ceux relatifs à la protection de l'environnement. Les actions de ces associations se résument au plaidoyer, au lobbying, à la recherche, etc. 39 Au rang des incitations générales, l'article 8 (1) de la loi énonce par exemple que tout investisseur peut bénéficier d'un crédit d'impôt à condition qu'il lutte contre la pollution. En plus, tout investisseur concourant à atteindre certains objectifs dont la lutte contre la pollution et la protection de l'environnement peuvent bénéficier entre autres de l'exonération de TVA sur les crédits relatifs au programme d'investissement, de l'exonération de la taxe foncière sur les immeubles bâtis ou non, faisant partie du site dédié à l'unité de transformation et de tous prolongements immobiliers par destination, etc. ( article 14). 40 L'exemple d'HYSACAM est édifiant. Cette entreprise qui a entrepris d'investir dans le captage du biogaz, un projet MDP. 41 Cet extrait reconnait aux entités aussi bien publiques que privées de participer au MDP sur les projets visant à réduire des émissions de GES. Par ailleurs, les entreprises ne sont pas en marge du mouvement global de lutte contre les changements climatiques42. Cette implication s'est d'ailleurs traduite au cours de la COP21 avec la concrétisation de la dynamique donnée à Lima, au Pérou, par le « Plan d'Action de Lima-Paris » grâce auquel les entreprises se sont engagées à lutter contre les changements climatiques43. L'apport des procédures nationales est indéniable. Mais celles-ci s'inscrivent dans la suite des procédures internationales dont l'action est également importante pour l'application des instruments juridiques de lutte contre les changements climatiques. |
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