L'application par le Cameroun des instruments juridiques internationaux de lutte contre les changements climatiques( Télécharger le fichier original )par Dieudonné MEVONO MVOGO Université de Limoges, France - Master II Droit International et Comparé de l'Environnement ( DICE) 2016 |
SECTION II : LES PROCEDURES INTERNATIONALESL'application des instruments juridiques internationaux implique de la part des Etats un recours au soutien d'organismes étrangers ou internationaux. Les mécanismes mis en place par ces instruments juridiques sont également mis à contribution. Ce recours procède généralement de la coopération internationale, laquelle est susceptible de faire collaborer les Etats avec les organismes publics et privés. Les procédures internationales d'application des instruments juridiques internationaux de lutte contre les changements climatiques sont diverses, on peut citer à cet effet les procédures conventionnelles bilatérales (paragraphe I) et les procédures conventionnelles multilatérales (paragraphe II). Paragraphe I : Les procédures conventionnelles bilatéralesLes procédures conventionnelles bilatérales pour la lutte contre les changements climatiques concernent les organismes publics d'une part (A) et les organismes privés d'autre part (B). Le Cameroun étant un pays en développement, l'application par lui des instruments juridiques internationaux de lutte contre les changements climatiques nécessite un soutien considérable. La coopération avec les organismes publics initiée à cet effet concerne la coopération étatique et non étatique. Pour ce qui est de la coopération étatique, il convient de relever qu'il ressort des instruments juridiques internationaux, notamment la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques qu'une coopération doit être initiée entre les pays développés (ci-après : « PD ») et les pays en développement (ci-après : « PED ») pour l'application de ces instruments. Ainsi, une coopération portant sur le financement des projets de lutte contre 42 HYSACAM a participé à la COP21 ; cette entreprise a par exemple pris part « à la Galerie des Solutions du 2 au 9 Décembre 2015 », plateforme qui lui a permis d'exposer son projet « bas carbone ». Voir HYSACAM, HYSACAM A LA COP 21 : PLAIDOYER ET LOBBYING AU MENU https://www.hysacam-proprete.com/node/1435 consulté le 24 août 2016. 43 C'est une initiative qui permet aux entreprises et bien d'autres acteurs privés et publics de s'engager pour lutter contre le réchauffement climatique. Il ressort d'ailleurs du site de NAZCA, pour « non-state Actor Zone for Climate Action » 2.090 entreprises de par le monde se sont engagées pour la lutte contre le changement climatique. V. http://climateaction.unfccc.int/ consulté le 28 juin 2016. 26 les changements ou encore sur le transfert de technologies est possible. C'est par exemple ce qui ressort du Protocole de Kyoto à la convention-cadre44 A. La coopération avec les organismes publics Selon les termes des article4 et suivants de CCNUCC et l'article 2 alinéa b du protocole de Kyoto, les Etats doivent coopérer pour la mise en oeuvre des instruments juridiques internationaux de lutte contre les changements climatiques. Cette coopération s'inscrit dans la double stratégie de lutte contre les changements climatiques : l'atténuation et l'adaptation. Pour ce qui est de l'atténuation, les Etats encouragent et soutiennent par leurs coopérations la mise au point, l'application et la diffusion notamment par voie de transfert de technologie, pratique et procédés qui permettent de maîtriser, de réduire ou de prévenir les émissions anthropiques des GES non réglementés par le protocole de Montréal45 pour le renforcement des puits et réservoirs de tous les GES non réglementés par le Protocole de Montréal (biomasse, forêts et océans). C'est ainsi que le Cameroun a mené de nombreuses coopérations dans la conservation de la forêt par exemple avec l'Union Européenne. En réalité, l'Union Européenne a mis en place un système de coopération avec les pays exportateurs de bois tropical, notamment les pays africains. Ce système vise à améliorer la traçabilité du bois exporté dans l'optique d'éradiquer l'exploitation illégale et abusive du bois, l'objectif final étant la gestion durable des forêts de ces pays. C'est ainsi que le Plan d'action sur l'Application des règlementations forestières, gouvernance et les échanges commerciaux (ci-après : « FLEGT ») a été adopté en 2003. Dans le cadre de ce plan d'action, un accord bilatéral entre l'Union Européenne et chaque pays exportateur de bois a été négocié et signé. Il s'agit de l'Accord de Partenariat Volontaire (ci-après : « APV FLEGT »). Le Cameroun et l'Union Européenne (ci-après : « UE ») l'ont signé le 6 mai 2009. Cet accord « vise à renforcer la gouvernance forestière, à promouvoir le bois du Cameroun et à améliorer la compétitivité du pays sur les marchés internationaux »46. Dans le cadre de cet accord, les deux parties ont noué un long processus de coopération qui va jusqu'à la coopération financière, puisque l'Union soutient financièrement le Cameroun pour la mise en oeuvre de cet accord. De plus, il existe une coopération institutionnelle, car il est établi un Conseil Conjoint de Mise en oeuvre et un Comité Conjoint de Suivi de cet accord. En ce qui concerne l'adaptation, l'alinéa e de l'article 4 de la convention prévoit également la coopération pour l'adaptation à l'impact des changements climatiques. Ainsi plusieurs secteurs et zones, en fonction de leurs vulnérabilités, sont prévus : les zones côtières, 44 Les pays développés soutiennent par leur coopération les pays en développement dans des domaines divers (formation, sensibilisation, transfert de technologies, etc.), confer l'alinéa e de l'article 10 du Protocole sus évoqué. 45 Confer l'article IV alinéa I paragraphe e de la CCNUCC. 46 Voir Commission Européenne et les représentants du Cameroun, Accord de Partenariat Volontaire FLEGT Entre le Cameroun et l'Union Européenne, Note
d'Information APV - Mai 2010, 27 ressources en eau, l'agriculture, la protection et la remise des zones frappées par la sécheresse et la désertification. Le Cameroun a dû mener certaines coopérations bilatérales climatiques pour une aide soit financière soit technique pour la mise en oeuvre de la stratégie nationale d'adaptation aux impacts des changements climatiques. A titre d'exemple, il convient d'évoquer l'appui financier et technique dont bénéficie la ville de Douala pour organiser sa résilience face à l'impact des changements climatiques. En effet, plusieurs projets sont engagés par la Communauté Urbaine de Douala (ci-après : « CUD ») pour faire face aux changements climatiques. Entre autres projets envisagés, on peut évoquer : Le projet « Douala, Ville Durable : aménagement et valorisation du site de Makèpè Missokè »47. Pour la réalisation de tels projets, la CUD bénéficie d'un appui technique et financier des organismes comme la Banque Mondiale, la Coopération allemande (Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (ci-après : « GIZ ») et la Gesellschaft Technische Zusammenarbeit (ci-après : « GTZ »)), l'Agence Française de Développement (ci-après : « AFD »), le Fonds Français pour l'Environnement (ci-après : « FFE »), la Banque Africaine de Développement (ci-après : « BAD »), l'Association Internationale des Maires Francophones (ci-après : « AIMF »), le Programme des Nations Unies pour de le Développement (ci-après « PNUD »), etc.48 Par ailleurs, selon les termes de l'article 4 alinéa 3 de la Convention-Cadre, les Pays développés « fournissent des ressources financières nouvelles et additionnelles pour couvrir la totalité des coûts convenus encourus par les pays en développement parties du fait de l'exécution de leurs obligations découlant de l'article 12, paragraphe 1 »49. L'article 12 du Protocole de Kyoto établit le Mécanisme pour un Développement « Propre » (ci-après : « MDP ») placé sous l'autorité de la COP. Ce mécanisme vise la réalisation par un Etat de l'annexe I (Pays Développés) d'activités devant réduire les émissions de GES ; en contrepartie l'Etat investisseur bénéficie des Unités de Réduction Certifiée des Emissions (ci-après : « URCE »)50 a dû concurrence des réductions obtenues dans le projet propre. Ces URE 47 Ce projet vise l'aménagement de Makèpè Missokè, un quartier populeux de la ville de Douala caractérisé par l'occupation anarchique du sol, y compris dans les zones inondables. La conséquence immédiate étant la prolifération des inondations et autres accidents d'éboulement de terrains. 48 Le coût prévisionnel du projet « DOUALA, VILLE DURABLE : Aménagement et valorisation du site de MAKEPE - MISSOKE » s'élève à cinq millions d'euros (5 millions d'euros), supporté ainsi qu'il suit : AFD : 3.3 millions d'euros, FFEM : 1.5 millions d'euros et la CUD : 0.2 millions d'euros. 49 Voir Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques, p.9 50 Il faut noter une différence entre d'une part, l'Unité de Réduction des Emissions (ci-après : « URE ») correspondant aux crédits carbone attribués pour la réduction des émissions dans le cadre du Mécanisme de Mise OEuvre Conjointe (ci-après : « MOC »), utilisé par une partie pour respecter ses objectifs de réduction, d'autre part l'URCE tel qu'évoqué plus haut, et enfin les Unités d'Absorption (ci-après : « UA ») qui renvoient à des « crédits obtenus à l'issu d'un investissement dans un "puits de carbone" qui permet d'absorber le CO2 atmosphérique ». Voir RIAED, Les différents types de Crédits d'émissions échangeables dans le cadre du Protocole de Kyoto http://www.riaed.net/?Les-differents-types-de-Credits-d consulté le 08 août 2016 28 permettront à cet Etat de respecter ses objectifs d'émission51. Le Cameroun est donc appelé à coopérer avec d'autres pays dans le cadre de ce mécanisme. D'un autre point de vue, les pays en voie de développement peuvent coopérer entre eux ; en mettant en place des mécanismes régionaux ou sous régionaux de lutte contre les changements climatiques : c'est le cas de la Commission des Forêts d'Afrique Centrale (ci-après : « COMIFAC »), la Tri-Nation Sangha (ci-après : « TNS ») que l'on évoquera dans la suite du devoir. En somme, la coopération avec les organismes publics pour l'application des instruments juridiques internationaux de lutte contre les changements climatiques est une réalité ; celle-ci intègre les Etats et les Organisations Intergouvernementales. Qu'en est-il de la coopération avec les organismes privés ? B. la coopération avec les organismes privés Il s'agit d'une coopération financière ou technique. Elle s'inscrit également dans le sillage de la stratégie de lutte contre les changements climatiques (atténuation et adaptation). S'il est vrai qu'il est question de deux actions distinctes, l'une en amont pour prévenir et l'autre en aval pour corriger, préparer les hommes et l'environnement à préparer leur résilience, plusieurs organismes privés apportent leur concours au Cameroun dans l'application des instruments juridiques internationaux. En ce qui concerne la coopération technique par exemple, elle porte notamment sur la recherche scientifique (universitaire ou non) ou encore sur l'assistance technique. Ainsi, plusieurs organismes privés ont collaboré avec le Cameroun pour la conception et la rédaction de certains textes juridiques, plans, programmes, et projets portant sur les changements climatiques. A titre d'exemple, du 23 au 25 juin 2014, avec l'appui de l'AIMF, la CUD a organisé un séminaire régional sur le thème : «villes d'Afrique centrale et changement climatique ». Quant à la coopération financière, le Cameroun attend énormément de ses partenaires au développement pour réaliser ses projets de lutte contre les changements climatiques. En effet, dans le cadre de sa stratégie de lutte contre le ce fléau, contenue dans la Contribution Prévue Déterminée au Plan National (ci-après : « CPDN »), le Cameroun déroule un plan ambitieux de réduction des émissions de GES à hauteur de 32% en 2035 par rapport à 2010. Cet objectif étant conditionné par le soutien de la communauté internationale (sous forme de financement, d'action de renforcement des capacités et de transfert de technologies). Pour une enveloppe de près de 24.000 milliards de FCFA. De fait, les actions d'atténuations sont mises en oeuvre suivant deux grandes orientations : le secteur agriculture, pêche, élevage et forêt s'élève à 15.000 milliards de FCFA (25milliards de dollars) ; le secteur énergie et déchets quant à lui s'élève à 8.270 milliards de FCFA. Il ressort de ce document stratégique que le Cameroun compte sur des financements privés internationaux ou domestiques, notamment des dons et l'attractivité des investissements directs étrangers (ci-après : « IDE »). Ce document consacre donc l'appui des bailleurs de fonds internationaux. De plus, il privilégie les financements du fonds vert pour le climat, le marché carbone et d'autres instruments économiques. Jusqu'ici comme partenaire 51 Ibidem 29 privé de financement de la politique de lutte contre les changements climatiques, le Cameroun s'appuie sur les Organisations Non Gouvernementale (ci-après : « ONG »), les Firmes Multinationales (ci-après : « FMN »), etc. La coopération bilatérale est dense entre le Cameroun et ses partenaires au développement. Celle-ci est dynamique dans le domaine de la lutte contre les changements climatiques. Ainsi, elle traduit la volonté d'appliquer les textes internationaux de lutte contre les changements climatiques. Cette volonté est manifeste tant avec les organismes publics qu'avec les organismes privés. Qu'en est-il de la coopération multilatérale ? |
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