5.2.4.4. Techniques de
production
a) Techniques de
culture
La culture de la tomate dans l'arrondissement de Dschang ne
déroge pas à la règle en ce qui concerne les techniques de
production. L'outillage est cependant toujours rudimentaire, nécessitant
ainsi d'importantes capacités physiques pour mettre en culture des
parcelles de tomates. Face à ce défi de taille, certains
jardiniers, dont les exploitations sont vastes, font usage d'une main d'oeuvre
non pas familiale mais employée. Cette main d'oeuvre employée
pour la plupart du temps pour des tâches ponctuelles (défrichage
des parcelles, labour repiquage, désherbage, récoltes,
transport), est payée en fonction du service rendu. Le recours à
ces employés saisonniers permet aux grands maraîchers de
multiplier les cycles de production au cours de l'année.
De ce fait, ces maraîchers pratiquent parfois
jusqu'à 5 cycles de production l'année, contrairement aux petits
jardiniers qui n'en font que 2 parce qu'ils n'ont pas de main d'oeuvre à
leur disposition. Le tableau 11présente le calendrier agricole de la
tomate cultivée en 2 cycles et en 5 cycles par an. Le tableau 10montre
quant à lui le nombre de récoltes annuelles par groupement. Il
ressort de ce dernier que 86,28% des jardiniers
récoltent au moins 3 fois l'an et, par conséquent, ont au moins 3
cycles de cultures l'année. Le reste, c'est-a-dire
13,72%,a 2 cycles de cultures par an.
26,47% des jardiniers pratiquent plus de 3
cycles de cultures de la tomate par an. Cette proportion qu'on qualifie de
grands jardiniers, se trouve principalement dans les groupements Foto et
Foréké-Dschang. La proximité par rapport aux
marchés d'écoulement expliquerait cette situation. Cette remarque
confirme de surcroît la théorie de la diffusion de l'innovation
d'Hagesrtrand, selon laquelle plus on est proche de l'innovation, plus on
l'adopte rapidement.
Tableau 10:Nombre de récoltes annuelles par
groupement
19
20
39
9
37
7
53
5
5
10
14
61
27
102
Foréké Dschang
Foto
Fotetsa
Groupement
Total
2 fois
3 fois
+ 3 fois
Nombre de récoltes par an
Total
Source : Enquête de terrain, janvier 2013
Tableau 11: Calendrier agricole de la culture de la
tomate dans le groupement Foto
Spéculation
|
Tomate en 2 campagne/an
|
Tomate en + de 2 campagnes/an
|
Janvier
|
|
Germination + Labour de la 1ère campagne
|
Repiquage 1ère campagne
|
Entretien plantes 1 ère campagne
|
Février
|
|
Germination + labour 2e campagne + entretien plantes
1ère campagne
|
Germination + Labour 1ère campagne
|
Repiquage + entretien plantes 1ère et 2
e campagne
|
Entretien plantes 1ère et 2e
campagne
|
Mars
|
Entretien plantes 1ère et 2e
campagne + repiquage 3e campagne
|
Repiquage
|
Entretien plantes 3e campagne
|
Avril
|
Germination + Labour 1ère campagne
|
Récolte 1ère campagne + entretien
2e et 3e campagne
|
Mai
|
Repiquage 4e campagne + récolte 2e
campagne et entretien plantes 3e campagne
|
Juin
|
Entretien plantes 3e et 4e campagne
|
Récolte 1ère campagne
|
Juillet
|
|
Entretien plantes 3e et 4e campagne
|
Août
|
Germination + Labour 2e campagne
|
Récolte 3e campagne et entretien plantes
4e campagne et repiquage 5e campagne
|
Septembre
|
Repiquage
|
Récolte 4e campagne et entretien plantes
5e campagne
|
Sarclage et entretien des plantes
|
Octobre
|
Entretien des plantes 5e campagne
|
Novembre
|
Entretien des plantes 5e campagne
|
Décembre
|
Récolte de la 5e campagne
|
2e récolte
|
Source : Kounchou, 2008 et enquête de
terrain, janvier 2013
b) Spécialisation
agricole de plus en plus croissante
La spécialisation constitue également une
innovation majeure des jardiniers dans l'arrondissement. Contrairement à
la polyculture habituellement pratiquée, les jardiniers se sont
orientés vers une monoculture spécialisée. Celle-ci est
pratiquée en grande partie par les exploitants regroupés au sein
des GIC à l'instar du GIC APOL (agriculteurs et
porciculteurs de Letagli) ou du GICADJEPAF (Association pour
le développement des jeunes agro-pasteurs de Fonakeukeu). Cette
monoculture intensive assure en effet aux jardiniers une augmentation
substantielle des revenus monétaires, d'autant plus que la demande des
villes en tomates est de plus en plus importante.
Sur cette planche photographique, on observe des champs de
monoculture intensive de tomates. Sur l'image A, on a un champ
de tomate en monoculture dans le village Fonakeukeu. Sur l'image
B, on voit plusieurs parcelles de monoculture de tomates dans
les bas-fonds des villages Titia, derrière la chefferie de Foto. Il
ressort donc de ces images que les jardiniers ont choisi la
spécialisation pour répondre à une double exigence :
d'abord, augmenter les rendements afin de faire des bénéfices
substantiels, ensuite, satisfaire la demande dans les marchés.
B
A
Clichés Fofack Mujia, janvier
2013
Planche Photo
1:Monoculture intensive dans le groupement Foto
c) Utilisation croissante
des engrais et des produits phytosanitaires
Face à la rentabilité financière de la
tomate dans l'arrondissement, les jardiniers ont eu recours à des
techniques modernes de fertilisation afin de maximiser la production par
unité de surface. De ce fait, les engrais chimiques ont rapidement
substitué les fientes de poules et la fumure animale. Néanmoins,
leurs prix ne permettent pas aux petits exploitants de se procurer des
quantités importantes. Contrairement aux fientes de poules
utilisées comme fertilisants, qui coûtent moins chers (2000
FCFA/sac), en fonction de la qualité, les engrais chimiques sont
très onéreux, en particulier pour les petits exploitants. (Annexe
9). Les engrais chimiques communément utilisés par les jardiniers
sont : l'urée (46% N), le NH3 et les N P K
(20-10-10 ; 10-6-20 ; 24-12-12).
En ce qui concerne les produits phytosanitaires, la
prolifération des attaques cryptogamiques et d'autres insectes nuisibles
surtout en saison des pluiesa accentué leur utilisation. Toutefois, la
volatilité du coût de ces derniers au fil des années, ne
permet pas à tous les jardiniers de les utiliser.
Tableau 12: Utilisation d'engrais
44
102
43
47
6
96
1
1
4
6
48
10
Oui
Non
Utilisation des
engrais
Total
Foréké
Dschang
Foto
Fotetsa
Groupement
Total
Source : Enquête de terrain, janvier
2013
On s'aperçoit au regard du tableau 12que l'utilisation
des engrais est une condition sine qua non pour une productivité
acceptable. C'est pour cela que presque tous les jardiniers en utilisent,
indépendamment du type. L'utilisation des engrais est pratiquée
par 94,11% des jardiniers.Preuve que l'engrais organique
(fientes de poules) est moins utilisé par ces derniers. (Annexe 12).Les
quantités utilisées sont de ce fait importantes (Fig.34). Cela se
justifie par l'importance de la demande et le souci de faire des
bénéfices. En effet, la pratique de cette culture est aujourd'hui
motivée par la facilité de sa commercialisation et la
prépondérance des gains monétaires qu'elle procure aux
jardiniers.
Source : Enquête de terrain, janvier
2013
Figure 34: Quantité d'engrais utilisés
par les jardiniers
d) Techniques
d'irrigation
La disponibilité de l'eau reste et demeure une
condition fondamentale au développement de l'activité
maraîchère. Avec la croissance démographique de la
région de l'Ouest et en particulier de l'arrondissement de Dschang, le
problème de rareté des bas-fonds a commencé à se
poser avec acuité. Compte tenu de la rentabilité
financière avérée de la tomate, plusieurs
stratégies innovatrices ont été développées
aussi bien pour la conquête des terres que pour l'irrigation, afin
d'augmenter la production de la tomate et par là les gains
monétaires.
En ce qui concerne la localisation des exploitations de
tomates, certes les bas-fonds constituent la zone de prédilection de
l'extension du maraîchage, cependant, du fait de son extrême
rareté et du coût élevé de sa location dans la zone
périurbaine de la ville de Dschang, il s'est développé une
diffusion de l'activité maraîchère sur les pentes abruptes
de versants (Photo 2 P.54.) ou encore en bas de versant
(Photo A P.80).Cette diffusion du maraîchage sur les
pentes de versant témoigne de l'abandon des cultures annuelles pour les
pluriannuelles,à l'instar de la culture de la tomate, dont l'importance
est aujourd'hui vitale pour l'agriculture de l'arrondissement. Le graphique 35
montre la prépondérance des bas-fonds comme lieu de localisation
des exploitations de tomates. Néanmoins, il met également en
exergue le pourcentage non moins important de la zone de bas de versant
(27%) comme lieu de localisation de jardins. De plus, on peut aussi
voir que, suivant un regard par groupement, seuls les groupements
Foréké-Dschang et Foto présentent des jardiniers ayant des
exploitations soit en bas de versant, soit sur les pentes abruptes de versant.
Ce constat met en évidence deux postulats : d'abord la
proximité par rapport aux marchés d'écoulement justifie la
conquête des versants pour la pratique de la culture de la tomate dans
ces deux groupements. Ensuite, cette proximité est congruente avec
l'adoption de l'innovation. En d'autres termes, plus on est proche de
l'innovation, plus on est susceptible de l'adopter rapidement comme le
précise la théorie de Hägerstrand.
Source : Enquête de terrain, janvier
2013
Figure 35: Localisation des jardins
La figure 36 qui suit nous montre Spatialisation des types de
jardins de tomate dans l'arrondissement de Dschang, on s'aperçoit que
les zones de culture de la tomate dans l'arrondissement sont essentiellement
rurales ; Néanmoins, il s'est également
développé autour de la ville de Dschang, de nombreuses zones
périurbaines de culture de cette spéculation en particulier dans
les groupements Foréké et Foto.
Figure 36 : Spatialisation des types de
jardins de tomate dans l'arrondissement de Dschang
Avec la conquête progressive des versants pour la
pratique de la culture de la tomate, le problème de disponibilité
de l'eau s'est également posé. Pour résorber cette
situation, les jardiniers ont développés des méthodes
d'irrigation, faisant ainsi preuve d'ingéniosité.
· Irrigation par gravité
C'est un procédé mis en place par les
jardiniers, qui consiste, lorsque la parcelle est située à
côté d'un cours d'eau, à dévier tout le cours d'eau
ou une fraction de celui-ci à l'aide d'amas de sacs remplis de terre,
pour entrainer l'eau dans la parcelle par simple gravité.(Image
A et B de la planche photo 2 P.86)L'eau sillonne alors les
allées tracées à cet effet dans la parcelle et assure
ainsi sa disponibilité permanente pour l'arrosage de la parcelle.
L'avantage de ce système d'irrigation est son coût financier
presque inexistant ou dérisoire. Ce système d'irrigation est
très souvent utilisé par les maraîchers qui ne disposent
pas d'assez de moyens financiers.
· Irrigation par aspersion
Celle-ci consiste à prélever l'eau d'une
rivière ou d'un puits à proximité de la parcelle et
d'asperger directement les plantes. Cette aspersion se fait au moyen
d'arrosoirs et de sceaux. Parfois, certains utilisent des tuyaux en PCV de
grand diamètre comme matériel de base. D'autres jardiniers, en
particulier les grands jardiniers ou encore les jardiniers membres de GIC, ont
recours aux motopompes afin de faciliter l'irrigation.
Barrage en sacs remplis de terre
Sur cette planche photo, l'image A met en
relief le barrage de déviation qui a été construit en
amont d'un cours d'eau. L'image B présente le sens
d'écoulement de l'eau entre les allées de la parcelle. Ces deux
images représentent un système d'irrigation par gravité
d'une parcelle située sur un versant dans le village Fonakeukeu. L'image
C quant à elle présente un système
d'irrigation dans les bas-fonds du village Titia. La conquête de l'eau
est un défi majeur pour le démarrage du maraîchage.
C
A
B
Clichés Fofack Mujia, février 2013
Planche Photo 2: Irrigation
par gravité
Figure 37: Répartition des
villages enquêtés selon l'intensité de
production
La figure 37met en évidence
la répartition des villages enquêtés suivant le
critère intensité de production de la tomate. Il en ressort que
ces derniers se regroupent en trois ensembles :
· Les zones de faible production qui comprennent les
villages : Fotetsa et Lap
· Les zones de moyenne production au rang desquelles on
retrouve les villages : Atotchi, Letagli, Tsoutsang et
Titia
· Les zones de forte production que sont :
Banki, Siteu, Mbilé, Fonakeukeu et Litieu.
Ces zones de moyenne et de forte production qui sont pour la
plupart des zones rurales et périurbaines sont de plus en plus
prisées par les jardiniers dans la mesure la zone urbaine ne dispose
plus d'assez d'espaces pour l'extension du maraîchage et de la culture de
la tomate en particulier.
5.3. Conséquences du développement de la
culture de la tomate
Les retombées du
développement de la culture de la tomate dans l'arrondissement de
Dschang s'observent à plusieurs niveaux :
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