c. Argumentation et
concept de la quête
L'argumentation se manifeste autour de ce concept de la
quête où la femme est vue comme un trophée, un prix
à gagner. Tout comme le soliloque précédent,
l'argumentation peut être analysée au travers des
différentes isotopies temporelles, spatiales et actancielles.
Sur le plan temporel, les isotopies renferment une idée
de quelque chose de temporaire, qui ne va pas durer : Lady Anne n'est
qu'un plaisir à moitié. Richard en est bien conscient car il va
devoir la tuer. Autrement dit, il y a satisfaction de la quête mais une
satisfaction qui ne durera pas dans le temps. Les questions posées
renforcent cette réflexion et dévoile un personnage en plein
débat avec sa conscience : Richard se félicite d'avoir
conquiert Lady Anne et en est fière. Cependant, en employant une forme
impersonnelle avec le « On », les interrogations
reflètent une connaissance partagée et un degré de
sociabilité plus grand. C'est-à-dire que Richard ne se concentre
pas uniquement sur sa personne mais sur les hommes en tant que
généralité. Nous pouvons penser que l'utilisation de cette
tournure impersonnelle est contraire au caractère d'unité
associé au soliloque. Mais, le soliloque est paradoxal et nous avons
affirmé que même si l'énonciateur reste dans sa solitude,
il essaie tout de même de convoquer autrui.
La réflexion personnelle commence vraiment dès
l'emploi de la première personne du singulier avec: « Je
l'aurai, mais je ne la garderai pas longtemps ».A partir de
là, se joue donc la seconde partie de l'argumentation. Cette
réflexion s'étend jusqu'à la fin du discours. Dans cette
seconde partie, plusieurs arguments sont mis en avant : Richard aborde la
quête en elle-même et s'étonne presque d'avoir séduit
Lady Anne malgré sa profonde tristesse. En tant que
thématisation, la quête passe par une figurativisation
limitée car d'un côté Richard est fière d'avoir
séduit Lady Anne et veut le faire savoir et en profiter, mais d'un autre
côté il reste réticent face à ce changement de
comportement si soudain. D'ailleurs, la question qui suit dévoile
principalement un doute : « A-t-elle oublié déjà
ce brave prince, Edouard, son seigneur, qu'il y a trois mois j'ai, dans une
boutade furieuse, poignardé à Tewksbury ? ».
« Et pourtant elle consent à abaisser ses regards sur moi
[...] » remet en avant cet espoir que garde Richard pour être
aussi important que le prince Edouard aux yeux de Lady Anne. Enfin, il met
l'accent sur sa difformité : une difformité qu'il va essayer
d'étudier par l'acquisition d'un miroir. En fait, Gloucester se minimise
pour mieux se convaincre que Lady Anne n'est pas étrangère
à son égard. L'objet miroir est intéressant sur le plan
actanciel et montre un personnage en quête d'identité physique.
Nous sommes ainsi en présence de deux discours qui se superposent et qui
constituent le coeur de l'argumentation. Il y a de l'espoir et en même
temps de l'indécision.
L'argumentation change de tournure à partir de
« Mais, d'abord, fourrons le camarade là-bas dans son tombeau
[...] »et s'ouvre vers une conclusion solipsiste avec la
dernière phrase qui vient renforcer la réflexion personnelle.
Nous voyons ici que Richard ne voit que lui. D'ailleurs, le miroir souligne
cette idée : Richard veut faire acquisition d'un miroir ; il
se met donc en avant et ne voit que lui. Nous revenons donc à notre
idée que le soliloque éloigne autrui et souligne cette solitude.
A défaut de miroir, il se sert même de son ombre pour s'admirer.
Richard est un personnage narcissique, n'ayant d'intérêt que pour
lui-même.
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