3.3. La BCE n'a pas réussi à assurer la
stabilité financière dans la zone euro et a mis en doute
l'intégrité de la zone euro
Les banques centrales, dont la BCE, ont leur part de
responsabilité dans la crise financière et économique dans
le sens où elles n'ont pas réussi à assurer la
stabilité financière. Il est important qu'elles accordent plus
d'importance à la supervision macro-prudentielle pour éviter
d'avoir à agir après que le mal soit fait.
La BCE a aussisa part de responsabilité dans la crise
de la dette souveraine car elle a trop longtemps refusé son rôle
de prêteur en dernier ressort pour les Etats, mettant en doute
l'intégrité même de la zone euro.
3.3.1. La BCE doit
accorder plus d'importance à la stabilité financière et
à la supervision macro-prudentielle
Au cours de leur histoire, les banques centrales avaient
jusqu'alors toujours assuré un double mandat : le mandat de
stabilité monétaire et le mandat de stabilité
financière. Mais, depuis la fin des années 1980, les banques
centrales avaient préféré mettre l'accent sur l'objectif
de stabilité monétaire, au détriment de celui de la
stabilité financière. Les banques centrales avaient
progressivement abandonné toute tâche de contrôle
prudentielle. Seule une minorité avait transféré ce
rôle à d'autres entités, comme l'Angleterre ou
l'Australie.
La stabilité financière ne fait donc pas partie
des objectifs prioritaires de la BCE. Pourtant, le projet sur les statuts du
SEBC, publié en novembre 1990 par le Comité des gouverneurs des
banques centrales de la communauté européenne, incluait la
surveillance prudentielle parmi les missions fondamentales du SEBC. Mais,
l'opposition de certains pays (notamment l'Allemagne) à une telle
inclusion a donné lieu à une version finale ne faisant
référence à la surveillance prudentielle que d'une
manière limitée, comme une tâche non fondamentale.
Avant la crise, l'attention portée à la
stabilité financière était alors secondaire en vertu du
principe de séparation entre politique de stabilité
monétaire et politique de stabilité financière : les
banques centrales, dont la BCE, ne devaient réagir aux tensions
financières que si celles-ci constituaient une menace
avérée pour la stabilité des prix. Les banques centrales
se sentaient d'autant moins investies dans la lutte contre les
phénomènes d'instabilité financière, comme les
bulles spéculatives, qu'il leur semblait possible de nettoyer les
dégâts après coup, telles des pompiers (« clean
up afterwards »). La stabilité des prix était alors
censée favoriser la stabilité financière.
Mais, la crise a démontré le danger du principe
de séparation : la stabilité monétaire ne garantit
pas la stabilité financière. Et comme l'illustre les travaux de
Claudio Borio, la stabilité monétaire, renforcée par la
crédibilité des banques centrales, a même pu favoriser
l'instabilité financière (« paradoxe de la
crédibilité »). En effet, les taux
d'intérêt bas des années 2000 ont incité un grand
nombre d'agents économiques, principalement les banques, à
prendre des risques excessifs.
Considérant l'implication de la stabilité
financière pour la stabilité des prix, il est donc important que
les banques centrales accordent dorénavant à la stabilité
financière une importance aussi grande qu'à la stabilité
monétaire.
Comme le souligne Rosa M. Lastra (2012), la relative
simplicité de la politique monétaire de la BCE - un but
(stabilité des prix) et un instrument (le taux d'intérêt) -
contraste avec la complexité de la politique de stabilité
financière - un but (la stabilité financière) et une
multiplicité d'instruments (supervision, régulation, management
de crise, prêteur en dernier ressort,...).
Tout le monde s'accorde à dire que l'instrument du taux
d'intérêt n'est pas le bon instrument à affecter à
l'objectif de stabilité financière. La règle de Tinbergen,
énoncée en 1952, est là pour nous le rappeler :
« il faut au moins autant d'instruments que d'objectifs ».
Une simulation réalisée par les économistes de la Banque
d'Angleterre en 2009 l'illustre bien : en période d'instabilité
financière, il aurait fallu porter le taux directeur à un niveau
de l'ordre de 19 % en 2007. Autant dire que cela ne serait pas soutenable pour
l'économie réelle des pays développés. La
stabilité financière doit donc mobiliser d'autres instruments que
le taux d'intérêt. Cependant, la banque centrale ne peut pas
ignorer les effets de son taux directeur sur la prise de risque des banques et
des investisseurs.
Aussi, la stabilité financière ne peut plus
entièrement reposer sur la supervision micro prudentielle (Bâle 1,
Bâle 2 et Bâle 3) dont la mission est la supervision des
institutions financières au jour le jour. La nécessité
d'une supervision macro prudentielle fait aujourd'hui consensus.
La supervision macro-prudentielle est l'analyse des tendances
et des déséquilibres dans le système financier et la
détection des risques que ces tendances peuvent représenter pour
les institutions financières et l'économie. L'objectif de la
surveillance macro prudentielle est la sécurité du système
financier et économique dans son ensemble et la prévention du
risque systémique. Des agrégats monétaires et du
crédit (créations excessives de crédits dans un pays
membre par exemple) peuvent fournir des informations utiles à cet
égard.
La coordination passe aussi par l'existence d'un
mécanisme de support financier. Le mécanisme européen de
stabilité (MES), qui a remplacé le fonds européen de
stabilité financière (FESF), est « une bonne
idée et une étape significative vers la construction d'une Europe
intégrée » (Peirce et al, 2011). Mais, en introduisant
toutes sortes de restrictions et de conditions, le mécanisme
européen de stabilité a été transformé en
une institution qui a très peu de chance de produire plus de
stabilité dans la zone euro (De Grauwe, 2011).
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