4.3. Méditation et Cultures
Notons que toutes les philosophies, sotériologies et
religions indiennes ont adopté le yoga ou la méditation en
l'adaptant. On connaît un yoga tibétain, un yoga bouddhiste, un
yoga jaïn, un yoga juif, des yogas Zen de toute obédience.
Le Taoïsme ancien utilisait des
techniques corporelles destinées à acquérir
l'immortalité (« rétention du souffle le temps de mille
respirations ») Pour FILLIOZAT (1943), il est
évident que la technique de « respiration
embryonnaire » des chinois si elle s'associe à la vieille
médecine chinoise de l'acupuncture n'en est pas un produit mais prend sa
source dans le yoga indien, de même que les techniques de
rétention séminale qui viendrait du tantrisme.
L'influence du yoga en terme de technique de travail sur le
souffle et la méditation, dans les arts et les sports de combat japonais
n'est plus à démontrer.
Le soufisme islamique a
également été fortement influencé par les
méthodes spirituelles de l 'Inde et les aurait même transmises par
sa zone d'influence ibérique aux carmes
espagnols et par là, à l'ordre des carmes déchaux tout
entier.
Les techniques hésychastes
d'oraison et de contemplation basées sur la respiration, l'omphaloscopie
(se regarder le nombril) et l'adoption de postures spécifiques sont
phénoménologiquement très proches des techniques du yoga,
alors même que le but avoué n'est pas, et de loin, exactement le
même (ELIADE 1954). Il est probable que ces
méthodes trouvent leur origine historique en Inde de même que le
courant mystique partant de PLOTINpour aller, à travers
St Augustin, jusqu'à Maître Eckhart avec des similitudes
étonnantes de formulation chez Denys l'Aréopagite, Ste
Thérèse d'Avila et St Jean de la Croix, etc.
Un courant de mysticisme néo-orientaliste s'est
affirmé, dans les années soixante, dans le catholicisme
occidental avec, entre autre, LASALLE
(1965),DECHANET (1963).
Le regard de l'Occident
religieux sur la méditation
Le Père LASALLE,missionnaire au japon,
est l'auteur d'un ouvrage sur le Zen, dont il caractérise ainsi les
retombées psychophysiologiques bienfaisantes :
« Facilité d 'obtenir un recueillement
profond, une concentration d 'esprit intense sur l 'activité
réalisée à l 'instant présent, paix
intérieure et domination de soi malgré tous les tracas et les
responsabilités, disparition de l'anxiété, des
modalités dépressives de l'humeur, de la crainte et des
sentiments troublants, contentement ininterrompu qui habitue a jouir de tout
son être de tout ce qui est beau et bon, disparition des troubles
corporels mineurs (psychosomatiques). Ces effets existent toujours : au
début de manière intermittente et peu solide, par la suite sans
aucune altération ".
De même le Père DECHANET (de
l'ordre des Bénédictin) déclare :
« l'euphorie réelle qui suivait les
exercices s 'installait vraiment à demeure et transfigurait ma
journée (sans aucune exagération). Je dus faire face durant les
premiers mois, à des difficultés qui mettent les nerfs a
l'épreuve, et qui n'eussent pas manqué, auparavant, de me jeter
sur le flanc. Or, tout se passa si bien, je pris les choses de si bonne part,
que j'entraînai dans ma propension « à accueillir
plutôt qu'à subir » tous ceux dont j'avais la charge.
Sur le plan physique, ce fut la disparition des problèmes de
santé générale : concrètement, de ces fatigues
périodiques, qui trahissaient, fièvre a l'appui, un surmenage
évident. Je me découvris un corps très souple et tout
disposé à servir. Les problèmes de ma nature
compliquée, nécessairement, n'ont pas disparu; sans doute. Mais
ils n'ont plus ce caractère obsédant, aigu, dramatique qu'ils
revêtaient parfois naguère. Je me sens libre, beaucoup plus libre,
vis-à-vis de certains attraits, débarrassé de je ne sais
quoi, qui tendait a compliquer ma vie intime, ma vie d 'homme. On a bien voulu
m'écrire que ma « méthode » était d'un
secours presque inouï dans certains cas de difficultés d'ordre
sexuel. Je n'en suis pas étonné ; car le yoga, tout de suite,
m'est apparu comme un facteur d'équilibre en ce domaine.
Un jour il faudra dire ses résultats merveilleux a
l'égard d'autres « complexes » : celui des timides,
des inhibés, celui des durs, des violents, ou celui des orgueilleux.
Qu'il me suffise de signaler le plus grand besoin de douceur, de compassion, de
bonté, qu'il a suscité en moi. J'aimais à piquer autrui,
sans méchanceté, mais enfin...j 'étais enclin à la
polémique, Je me sens plus pacifique, parce que
pacifié ».
Il conclut :
« Je ne pense pas trahir la cause du yoga en
affirmant que LE PROBLEME QU 'IL POSE A TOUS DOIT ETRE SITUE D 'ABORD ET
CONCRETEMENT SUR LE PLAN DE LA VIE HUMAINE ET DE L 'EQUILIBRE MENTAL. C'est
sans doute plus qu'une question d'hygiène et d'équanimité,
mais ce que peut surtout nous apprendre cette pratique c'est à devenir,
à redevenir un homme. Ni ange, ni bête, l'homme n'accepte que
rarement d'être ce qu'il est »...« Autrefois on
établissait un combat en l'homme entre tendances instinctives et
aspirations spirituelles, le yoga nous entraîne à tendre
plutôt vers une hiérarchisation des énergies, vers leur
intégration harmonieuse au niveau d'une synthèse à la fois
psychique et somatique ».
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