3.2. Les origines du Yoga
Il est difficile de situer l'origine des techniques de yoga.
Au dire de certains il s'agirait d'une technique chamanique mystique. A ce
sujet nous nous rapprochons de la critique formulée par Jean
FILLIOZAT dans un article de 1946 paru dans la Revue Philosophique
« Les origines d'une technique mystique indienne ».
Avec une méthode simple et scientifique, en
replaçant les idées yoguiques dans leur contexte culturel indien,
Jean FILLIOZATcritique la théorie de l'origine
chamanique du Yoga comme toutes les théories d'origine
pré-aryenne ou les rapprochements avec des pratiques extatiques
« sauvages » de peuples non civilisés :
« Le Yoga est une discipline qui arrête
l'activité psychique liée aux accidents extérieurs et
permet ainsi une maîtrise plus grande par le sujet de son bagage
psychique, et dans son rôle second il « enseigne la distinction
entre l'essence éternelle de l'âme et sa gangue personnelle
d'éléments psychiques inconscients, jusqu'à assurer son
isolement qui constitue la libération ». Ceci est conçu dans
le cadre de la représentation indienne du psychisme et de la physiologie
du corps humain. L'Inde a reconnu très tôt le rôle de
l'inconscient qu'est le bagage des samskâra. Elle a conçu le vent,
vent cosmique ou souffle intérieur au corps, comme la cause de toute
activité organique, physiologique et psychique. Elle rapportait au
souffle tout ce que l'on rapporte au système nerveux. Les techniques de
lavage intérieur du Yoga se comprennent comme visant à assurer la
liberté de circulation du souffle, les accidents psychiques à
éviter étant censés être dus à des
engorgements des conduits. Le Yoga se comprend, s'éclaire ainsi, par les
doctrines médicales que d'ailleurs il a prolongées et
développées lui-même au cours de
l'histoire. »
Par ailleurs, dans son ouvrage « techniques du
Yoga », Mircea ELIADE met en évidence le
fait que « l'histoire du yoga coïncide à peu
près avec celle de la spiritualité indienne », et
que, « loin de former l'apanage d'une école philosophique
ou d'une secte magico-religieuse, ses techniques ont été
adoptées et utilisées par toutes les gnoses et
sotériologies ».
3.3. Notions générales
Nous aurons à plusieurs reprises, l'occasion de faire
remarquer combien l'esprit du yoga est loin de tout subjectivisme à base
de masturbation mentale ; bien au contraire « certaines de ses
particularités mettent en relief un aspect souvent négligé
de la mystique indienne, à savoir la volonté de conquête du
réel ». Le professeur MASSON OURSELa
depuis longtemps souligné que l 'Inde ne connaît pas seulement,
comme cela avait paru longtemps un dogme, une libération
négative, mais encore une liberté de signe positif.
Autrement dit, il s'agit de visées objectives et
désaliénantes.
Nous ne nous attarderons pas sur les doctrines qui
sous-tendent, informent ou utilisent les techniques, lesquelles n'ont aucun
intérêt dans le champ de notre recherche.
Le but du yoga, est conformément à ses
idées métaphysiques, d'abolir les deux premières
catégories d'expériences (cf Point de vue Philosophique -
Patanjali, ci-dessus) issues respectivement de l'erreur
« logique » et de l'erreur
« métaphysique » et de les remplacer par une
expérience « enstatique », supra-sensorielle. A ce
niveau la souffrance dramatique de la condition humaine serait
définitivement dépassée.
Pour les maîtres traditionnels, on ne peut atteindre le
but sans une action faite d'une série d'exercices qui demandent à
être réalisés successivement, sans hâte, sans
impatience, sans exagération du désir, sans passion, sans
visée ambitieuse.
L'existence humaine est une actualisation sans arrêt de
l'inconscient (« vasanas ») au moyen des
« expériences » constituant le flux de la vie
psychomentale, c'est l'inconscient qui est le principal responsable des
« tourbillons » qui animent toutes les expériences
de niveau inférieur. C'est cet inconscient qui détermine
l'existence des différences interindividuelles et des variations ou
conflits intra-individuels.
Tous ces tourbillons, ces apparitions et disparitions
d'états psycho-mentaux dont l'origine profonde est à situer au
niveau des potentialités de l'inconscient, trahissent
profondément, le refus de soi-même et du monde, dans la relation
qu'il a avec soi-même, la soif de cesser d'être ce que l'on est.
Notions et Parallèle
avec la Psychologie Freudienne
Nous avons rendu le terme « vasanas » par
potentialité inconsciente, ce qui introduit une ressemblance avec les
théories psychanalytiques, ressemblance qui est réelle mais ne va
pas jusqu'à l'identité de conception. En effet " à
la différence de la psychanalyse freudienne, le yoga ne voit pas dans
l'inconscient, la seule libido, mais l'ensemble des désirs
d'autosatisfaction, de multiplication. Il est à la fois la matrice et le
réceptacle de tous les actes, gestes et intentions
« égotéliques » (Kunkel - 1996),
dominées par la « soif du fruit »
(phalatrashna). Toujours à la différence de la
psychanalyse, le yoga croit que les potentialités inconscientes peuvent
être dominées, et comme « conquises » par
l'ascèse et la technique d'unification des états de conscience
qu'il préconise.
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