1.5.4 L'écrit de recherche : rendre compte du
processus
Au travers de l'analyse des entretiens, je cherche à
mettre en évidence qu'apprendre en groupe, entre pairs, influence la
construction identitaire professionnelle. Les observations menées dans
un institut de formation me permettent d'analyser les propos dans leurs
ressemblances et leurs écarts avec les représentations
recueillies.
L'objectif de l'écrit de recherche est bien de rendre
compte de l'ensemble de ces constats. Pour autant, l'étude
effectuée est un réel processus, une aventure complexe où
observations-écoutes, regards-observations, discussions-entretiens,
lectures, analyses et tentative de modélisations s'entremêlent.
Comment restituer à l'écrit la complexité
de ce processus vécu, cette transformation du praticien-chercheur en
apprenti-chercheur, toujours praticien par la force des choses, tout en
respectant les contraintes d'une production académique attendue ?
Comment rendre compte des interactions vécues entre les théories
et l'empirie tout au long du parcours ? Comment rendre compte des rythmes
vécus de la recherche, entre des moments-événements, entre
des phases d'errances, d'enthousiasme ou de doutes ? Il est impossible de
restituer finement la complexité vécue de la recherche et d'en
restituer sa dynamique. Dans l'écrit, les choses sont
présentées de façon séquentielle et non pas
dynamique.
46 H.S. Becker, Les ficelles du métier.
Paris. La Découverte. 2002. p. 34.
39
J'ai pourtant tenté de modéliser ce parcours et
de structurer l'écrit en cinq parties. Je pense que l'organisation de
ces chapitres peut au moins témoigner de l'évolution du principe
organisateur de ma recherche.
Ainsi, nous trouverons ici trois processus
enchevêtrés :
- le processus de conceptualisation du travail
coopératif,
- le processus de conceptualisation de l'accompagnement et de
la recension des travaux de recherche,
- le processus de modélisation théorique de la
socialisation et de la construction de l'identité, essentiellement
professionnelle.
Afin de rester fidèle à ma démarche
inductive, j'ai choisi de présenter l'analyse de mes données en
les couplant aux différents concepts déjà cités.
Dans un certain sens, cette présentation me semble plus pertinente en
termes de compréhension pour le lecteur et en adéquation avec le
travail que j'ai effectué. Car il importe surtout de toujours bien voir
que les concepts que j'ai choisis sont constamment reliés à mes
analyses et ceci tout au long du parcours de ma recherche.
2. Champ conceptuel
2.1 Travaux relatifs à la question
Les lectures portant sur le thème des apprentissages et
sur la notion de pairs, m'ont permis tout d'abord de pouvoir définir ces
termes. Il est important pour le lecteur de situer ma recherche. Ainsi,
l'activité de lectures préparatoires me donne la
possibilité de mettre en évidence les perspectives les plus
pertinentes pour aborder mon développement puisqu'elle est un recueil
d'informations sur des recherches déjà menées, ce qui me
permet de situer la nouvelle contribution que pourrait être mon
étude.
Les situations d'apprentissage entre pairs ont
été très largement exposées dans différents
champs. L'objectif ici est d'évoquer les théories qui m'ont
semblé être les plus significatives47.
47 Les théories abordées concernent
le champ de la didactique, de la didactique professionnelle, des
pédagogies, le champ de la formation adulte.
40
Lorsqu'on évoque les apprentissages, d'une façon
générale, on pourrait à juste titre se placer dans le
champ didactique, puisque, comme l'explique Gérard Sensevy48,
« d'un point de vue anthropologique, toute transmission de savoir est de
la didactique ». L'objet d'étude de la didactique est « le
» didactique, c'est à dire le phénomène didactique,
« ce qui se passe quand quelqu'un enseigne quelque chose et ce qui se
passe quand quelqu'un apprend ».
Le système enseignant-savoir-enseigné, parfois
appelé « triangle didactique », est un concept qui est reconnu
dans ce champ. On y définit aussi des notions de « contrat »
entre les individus. Pour le dire très rapidement, la didactique a
aujourd'hui pour vocation de construire une science permettant de saisir des
causes, des conséquences, des liens, de chercher des moyens de
comprendre et d'analyser la réalité (ou la représentation
de ce que peut être la réalité) de la notion
d'apprentissage. Gérard Sensevy explique, dans une de ses interventions
auprès d'étudiants : « On peut dire, selon toute
probabilité, si on agit ainsi, on peut s'attendre à tel
résultat ». De mon point de vue, les relations entre l'enseignant,
l'élève et le savoir, sont plus qu'un système qui peut
produire des normativités et des ingénieries de fonctionnement.
C'est avant tout un système d'interrelations humaines. Les situations
que l'on appelle, en Sciences de l'Education, didactiques sont des moments
où chaque individu, l'enseignant comme l'enseigné, fonctionne
dans un milieu social particulier qui définit les rôles de chacun
et les objectifs de ces apprentissages, explicités comme des savoirs
scolaires à acquérir. L'école fonctionne donc « comme
un dispositif de socialisation, un ensemble relativement cohérent de
pratiques discursives, d'objets et de machines, qui contribue à
fabriquer un type d'individus particulier et qui dépasse de beaucoup les
seules interactions entre enseignants et élèves49
». Car, à ces aspects explicites et éducatifs s'ajoute
« une dimension implicite faite d'apprentissages plus diffus et moins
visibles, des apprentissages d'un certain rapport au temps et à l'espace
ainsi que des usages particuliers du corps, ou encore une
intériorisation de schèmes sociaux liés à
l'organisation de la société (définitions sociales de
l'intelligence, de la division du travail, légitimité de l'ordre
social) [...] auquel on peut ajouter [...] tout ce qui s'apprend à
l'école dans les marges de l'institution, par exemple, la
socialisation
48 G. Sensevy, professeur de sciences de
l'éducation à l'IUFM de Bretagne (Université de Bretagne
occidentale). Extrait de cours de master 2 EAD, 2013.
49 B. Lahire, Fabriquer un type d'homme
autonome. Paris. L'Esprit sociologique, 2005.
41
sentimentale ou culturelle par les pairs50 » .
Si l'apport de la didactique est indéniable pour comprendre ce qui se
passe dans les moments d'apprentissage, les notions de contexte et de pairs
sont peu présentes. Une perspective « socio-didactique » peut
certainement éclairer différemment les
phénomènes.
Les apprentissages en formations professionnelles m'ont
naturellement menée vers la didactique professionnelle. Cette expression
se réfère à une théorie de l'activité dont
Pierre Pastré51 est le concepteur. Ce professeur
développe une thèse selon laquelle les humains apprennent tout au
long de leur vie professionnelle. Selon lui, la capacité d'apprentissage
est une des propriétés anthropologiques fondamentales des humains
: dès qu'il y a activité, il y a un apprentissage, plus ou moins
important. On apprend des savoirs, mais on apprend aussi des gestes, des
procédures ou des modes opératoires, des manières de
communiquer, de gérer ses ressources, de ressentir ses
émotions... En se plaçant non pas du point de vue cognitiviste,
mais du point de vue psychologique du « sujet capable », celui qui
dit « je peux » avant de dire « je sais », en
référence aux théories de Pierre Rabardel, Pierre
Pastré met l'accent sur le développement des humains « dans
et par le travail ». Cette théorie de l'activité est
née du souci d'analyser l'apprentissage qui se fait dans l'exercice de
l'activité professionnelle : on y apprend à faire, mais on y
apprend aussi en faisant. Selon Pierre Pastré, « le terme
d'apprentissage a deux sens. Dans le premier sens, quand on parle
d'apprentissage sur le tas, par immersion, par frayage, on désigne un
processus anthropologique fondamental qui accompagne toute activité, de
sorte qu'en agissant un acteur produit en même temps des ressources qui
vont lui servir à guider et orienter son action. Activité et
apprentissage y sont indissociables52 ». Certains auteurs comme
Pierre Rabardel et Renan Samurçay53 parlent d'activité
productive et d'activité constructive. Ils pensent qu'en agissant, un
sujet transforme le réel (réel matériel, social,
symbolique) mais en transformant le réel, il se transforme
lui-même. Et ces deux sortes d'activités, productive et
constructive, constituent un couple inséparable. Pierre Pastré
explique que dans le travail, le but de l'action est l'activité
productive ; et l'activité constructive n'est qu'un effet, qui n'est
généralement ni voulu ni conscient.
50 M. Darmon, op.cit., p. 63.
51 P. Pastré. La didactique
professionnelle. Approche anthropologique du développement chez les
adultes. Paris. PUF, 2011, 318 p.
52 Article de Pierre Pastré, «
Apprendre à faire », p. 1, in E. Bourgeois et G. Chapelle,
Apprendre et faire apprendre. PUF. 2006.
53 R. Samurçay R., P. Rabardel. «
Modèles pour l'analyse de l'activité et des compétences
», in Samurçay et Pastré, Recherches en
didactique professionnelle, Toulouse, Octares. 2004. p.163-180.
42
On peut parler alors d'apprentissage incident, d'apprentissage
non intentionnel qui se réalise à l'occasion d'une
activité mais qui vise un autre objectif. L'apprentissage incident est
un produit dérivé non intentionnel d'une autre
activité54. D'autre part, la notion de temps n'est pas la
même pour l'activité productive et pour l'activité
constructive : l'activité productive s'arrête avec la fin de
l'action. Mais l'activité constructive peut se poursuivre bien
au-delà, dans la mesure où un acteur peut revenir sur son action
passée et la reconfigurer dans un effort de meilleure
compréhension. D'où l'importance, dans l'apprentissage, des
moments d'analyse des pratiques, de débriefing, c'est-à-dire de
tout ce qui relève de l'analyse réflexive et rétrospective
de sa propre activité. Dans son deuxième sens, l'apprentissage
désigne ce qui se produit dans une école : l'apprentissage est si
important chez les humains qu'on a inventé des institutions
spécialement dédiées à cet effet55. Ce
qui veut dire qu'on inverse la relation de subordination entre activité
productive et activité constructive. L'activité constructive
devient le but de l'activité. L'activité productive ne
disparaît pas mais devient le moyen de réalisation de
l'activité constructive. L'apprentissage n'est plus incident mais une
intention. Le renversement entre activité productive et activité
constructive entraîne une autre conséquence : les ressources qui
visent à orienter et guider l'activité, que l'on appellera
procédures, moyens, méthodes, procès... en fonction des
milieux, vont être transformées en savoirs de manière
à pouvoir être plus facilement transmises. La didactique
professionnelle met donc l'accent sur l'analyse de l'activité
constructive telle qu'elle se déploie dans l'activité productive.
Cette théorie propose d'aller analyser l'apprentissage non pas dans les
écoles mais d'abord sur les lieux de travail. Ces travaux de recherche
sont dans la filiation des travaux de Gérard Vergnaud (1992), à
savoir « l'étude des processus de transmission et d'appropriation
des connaissances en vue de les améliorer » lorsque la personne est
au travail. Pierre Pastré fait partie de ceux qui pensent le
développement des adultes tout au long de leur vie professionnelle. Il
estime que la construction de l'expérience et le développement de
nouvelles ressources cognitives se mêlent indissociablement. Au
54 Dans son livre Psychology of the Human
Learning, Me Geogh définit l'apprentissage « incident »
comme un apprentissage qui se fait sans consigne formelle de la part de
l'expérimentateur, et sans attitude à apprendre ni motif
spécifique apparent de la part du sujet. Déjà, dans un
article publié en 1935 (Journal of Experimental Psychology, Vol
18(2), Apr 1935, 195-201), W. M. Lepley affirmait
qu'il s'agit d'une catégorie d'apprentissage qui se distingue de
l'apprentissage volontaire par l'absence d'une motivation spécifique
évidente.
55 Lorsque P. Pastré parle d'école,
cette notion est à prendre au sens large : il désigne ainsi toute
institution dédiée à un apprentissage intentionnel. Ceci
inclut bien évidemment le système scolaire, mais également
les écoles de ski, de danse, de musique, du rire...
43
cours de mes recherches, j'ai pu constater que les
interrelations entre les individus pendant leurs apprentissages sont peu
abordées dans les écrits de Pierre Pastré. Ces lectures
m'ont pourtant permis de mieux comprendre l'analyse de l'activité et
d'améliorer mes observations en situation.
Le terme « apprentissage » caractérise le
fait d'acquérir une connaissance, un savoir-faire. Depuis plusieurs
années, pédagogues et chercheurs se sont intéressés
à la notion d'apprendre.
Les conceptions du terme « apprendre »
méritent d'être clarifiées. François Ott, docteur en
Sciences de l'éducation, a mis en exergue dans sa thèse sur
l'accompagnement56 une notion de subjectivité et
d'objectivité intéressante. Il explique que les
représentations du sens du mot apprendre peuvent prendre un sens
subjectif : lorsque le fait d'apprendre réside dans la relation que nous
avons avec un objet d'apprentissage, par exemple une information, nous sommes
à la fois acteur et bénéficiaire de l'action : nous nous
instruisons, nous acquérons des connaissances, nous apprenons pour
nous-mêmes. Mais apprendre peut aussi prendre un sens objectif :
apprendre à quelqu'un un art, une science, un métier. La relation
différente que nous avons avec l'objet d'apprentissage donne à
l'apprentissage un sens objectif : nous faisons connaitre, nous enseignons,
nous transmettons... La distinction que nous opérons classiquement entre
« apprendre » au sens enseigner et « apprendre » au sens de
s'instruire n'est sans doute pas aussi claire si on accepte l'idée que
celui qui enseigne peut aussi s'instruire, se former, apprendre,
c'est-à-dire restructurer ses savoirs.
Cette notion d'apprentissage est située : l'acte
d'apprendre est souvent dispensé dans des institutions
spécifiques57. Les travaux de recherche sur les institutions
de formation, sur l'Ecole, dans les différents pays francophones, sont
nombreux. Un questionnement récurrent apparaît : apprendre, oui,
mais comment ? De quelle façon « faire apprendre » ? Le
constat est clairement établi que les difficultés d'apprentissage
et les échecs sont nombreux dans nos sociétés. La faute
à qui ? Les enfants qui ne sont pas motivés, les parents qui
démissionnent, les milieux sociaux peu
56 F. Ott, Complexités de
l'accompagnement en formations professionnelles : des conceptions en tensions :
sujet(s), projet(s), organisation(s). Lille. Soutenance de thèse.
2009.
57 Tout dépend des apprentissages : par
exemple, le sabotier apprendra d'un autre sabotier, sous la forme d'un
compagnonnage.
44
favorables, les professeurs insuffisamment formés, la
société actuelle et ses valeurs ? Au-delà de
considérations idéologiques, le problème semble bien plus
complexe. Ne devons-nous pas questionner les individus sur leur désir de
société et les moyens qu'ils mettent en place pour construire
leur environnement ? Est-ce que « penser » l'Ecole n'est pas
davantage réfléchir à « vivre ensemble »?
Du côté des pédagogies, les écrits
sont variés. Les professionnels de « l'apprentissage », les
enseignants et formateurs du XXIe siècle, espèrent-ils que la
recherche puisse les aider dans leur pratique ?
Gaëtane Chapelle et Etienne Bourgeois58
prennent le parti d'affirmer que, même si la science ne peut apporter
toutes les réponses attendues, elle peut identifier des conditions
nécessaires mais non suffisantes pour « apprendre et faire
apprendre » : des conditions liées aux spécificités
psychologiques, sociales des apprenants en interaction avec celles de leur
environnement d'apprentissage. Les psychologues d'aujourd'hui n'étudient
plus l'apprentissage « avec un grand A », comme s'il s'agissait d'un
objet défini et statique. Ils préfèrent en
décrypter les mécanismes et les dynamiques spécifiques.
Leur objet est donc moins « l'apprentissage » qu'apprendre, verbe
d'action qui permet d'intégrer les facettes cognitives, affectives et
sociales en jeu. L'expression « faire apprendre » rappelle par
ailleurs que l'action ne se déclenche pas nécessairement
d'elle-même. Elle nécessite une implication de l'apprenant
lui-même, mais aussi de celui qui lui transmet connaissances et
compétences : l'enseignant, le formateur ou tout autre éducateur.
Ces auteurs font partie des chercheurs qui ont choisi de convoquer les
sous-disciplines de la psychologie qui pourraient éclairer «
l'apprendre » : les neurosciences cognitives, dont font partie la
psychologie cognitive, la psychologie différentielle, qui cherchent
à comprendre les spécificités individuelles, la
psychologie du développement, mais aussi la psychologie sociale et la
psychologie de la motivation. La pluralité des regards est dans l'air du
temps et certainement nécessaire pour créer des situations plus
confortables pour chacun des acteurs. Mon expérience de travail avec les
étudiants pédicures-podologues couplée avec ma formation
en Sciences de l'Education me permet d'avoir aujourd'hui une opinion : ma
posture de formatrice est une posture impliquée, à
l'écoute des besoins des étudiants. Les diverses formations
techniques et universitaires que j'ai suivies, les différentes personnes
que j'ai pu croiser ont eu une influence sur mes pratiques
58 G. Chapelle et E. Bourgeois. Apprendre et faire
apprendre. Paris. Puf. 2006
45
professionnelles. Aujourd'hui, je pense que comprendre comment
les individus fonctionnent ensemble est gage de réussite dans les
interactions. Cette compréhension évite l'implicite, source de
méprise et de déception. Pour cela, il est nécessaire que
les acteurs, étudiants et formateurs, soient formés aux
différents concepts de la psychologie, certes, mais à ceux de la
sociologie et de la pédagogie également.
Dans le champ des pédagogies, l'intérêt
est souvent porté sur la notion de contexte, d'environnement dans lequel
se trouve celui qui apprend. Philippe Meirieu59, par exemple,
considère que « l'adulte a un impératif devoir
d'antécédence. Il ne peut abandonner l'enfant sans l'inscrire
dans une histoire et lui donner les moyens de se développer dans la
collectivité qui l'accueille : lui apprendre les habitudes et
savoir-faire qui lui permettent de vivre au quotidien, les langages
fondamentaux pour communiquer avec ses semblables dans tous les domaines, les
connaissances des phénomènes naturels et sociaux dans lesquels il
devra s'insérer, l'identification des enjeux historiques,
économiques, politiques auxquels il devra faire face, la maîtrise
des mécanismes qui permettent de prendre une place parmi les hommes de
son temps ». Cette pensée est dans la lignée des individus
qui considèrent que l'on n'apprend jamais seul.
De nombreuses recherches montrent que les activités
d'apprentissage sont des activités cognitives foncièrement
sociales. Les théories des apprentissages, et notamment le courant
socioconstructiviste, mettent l'accent sur le rôle des interactions
sociales multiples dans la construction des savoirs. L'évolution des
courants théoriques de l'apprentissage a permis l'émergence de
cette approche socioconstructiviste. Julian Rotter et Albert
Bandura60, dans leurs approches sociaux-cognitives, Jean
Piaget61 dans son approche développementale et
interactionniste (courant constructiviste) ou Robert Mills Gagné et
David Ausubel dans le traitement de l'information et Jacques Tardif et
Lafortune dans l'apprentissage stratégique (courant cognitiviste) ont
permis d'établir de nouvelles théories dans ce domaine. Le
socioconstructivisme est une démarche issue en partie du constructivisme
qui propose une approche psychosociale
59 P. Meirieu, « Qu'est-ce que transmettre ?
», Sciences Humaines. N° 36 -Mars/Avril/Mai 2002,
Hors-série.
60 A. Bandura, psychologue canadien connu pour sa
théorie de l'apprentissage social et son concept d'auto
efficacité.
61 J. Piaget, psychologue, biologiste, logicien et
épistémologue suisse, connu essentiellement en tant que
psychologue de l'enfant et pour ses travaux sur les apprentissages. Ses travaux
en psychologie du développement et en épistémologie
à travers ce qu'il a appelé l'épistémologie
génétique sont également une référence.
46
des activités cognitives, inspirée des travaux
d'Albert Bandura. En remettant en cause certains principes du cognitivisme, le
socioconstructivisme insiste sur les dimensions sociales dans la formation de
compétences : la construction d'une connaissance personnelle ne peut se
réaliser que par sa construction sociale et les informations sont
liées à un contexte culturel, à un milieu. Un
étudiant organise sa compréhension du monde réel en
comparant ses perceptions avec celles de ses pairs, de ses professeurs, de ses
amis. Les processus d'acquisitions de savoirs ont donc une nature sociale.
Les théories du développement mental du
XXème siècle font référence à
deux psychologues évoluant chacun dans des paradigmes différents
de la psychologie du développement. Celui de Jean Piaget « met
l'accent sur les aspects structuraux et sur les lois essentiellement
universelles, d'origine biologique, du développement, tandis que celui
de Lev Vygotsky insiste sur les apports de la culture, l'interaction sociale et
la dimension historique du développement mental62 ».
Dans ses premiers travaux, entre 1928 et 1932, Jean Piaget
explique que seule la coopération, au sens de « tout rapport entre
deux ou n individus égaux ou se croyant comme tels, autrement
dit tout rapport social dans lequel n'intervient aucun élément
d'autorité ou de prestige63» serait
génératrice de raisonnement. L'auteur explique que « la
psychologie de l'enfant ne saurait donc se borner à recourir à
des facteurs de maturations biologiques, puisque les facteurs à
considérer relèvent également de l'exercice ou de
l'expérience acquise, ainsi que de la vie sociale en
général ». Céline Buchs64 démontre
que des échanges sociaux coopératifs sont nécessaires pour
« contrer la tendance vers l'assimilation subjective ou l'accommodation
docile ». C'est en confrontant l'enfant à un obstacle, un
désaccord qu'on l'engage à modifier ses représentations et
donc à progresser dans des apprentissages sociaux. Jean Piaget met en
avant le rôle de la discussion dans des situations coopératives:
« la discussion engendre la réflexion intérieure. Le
contrôle mutuel engendre le besoin de preuve et
d'objectivité65». Lev Vygotsky66
écrivait en 1932 : « C'est par l'intermédiaire des
62 Perspectives : revue trimestrielle
d'éducation comparée. UNESCO : Bureau international
d'éducation, vol. XXIV, n° 3/4 p. 794. 1994.
63 B. Inhelder et J. Piaget, La psychologie de
l'enfant. Paris. Puf. 2012, p.8. [1ère édition
1967].
64 C. Buchs, maître d'enseignement et de
recherche à l'Université de Genève.
Interdépendance des ressources dans les dispositifs d'apprentissage
entre pairs, menaces des compétences et dépendance
informationnelle: vers des processus médiateurs et modérateurs.
Thèse présentée pour l'obtention du grade de Docteur
en Psychologie Sociale Expérimentale. Grenoble. 2002.
65 J. Piaget, « De la pédagogie »,
Revue française de pédagogie, Année 2000, Volume
132, Numéro 1 p. 174-176. [1ère édition
1976].
47
autres, par l'intermédiaire de l'adulte que l'enfant
s'engage dans ses activités. Absolument tout dans le comportement de
l'enfant est fondu, enraciné dans le social [...]. Ainsi, les relations
de l'enfant avec la réalité sont dès le début des
relations sociales. Dans ce sens, on pourrait dire du nourrisson qu'il est un
être social au plus haut degré ». La sociabilité de
l'enfant est le point de départ de ses interactions sociales avec son
entourage. Pour Lev Vygotski, le développement cognitif ne peut se faire
sans apprentissage. L'idée selon laquelle un niveau de
développement peut être atteint par un enfant lorsqu'il est
guidé par un sujet plus expérimenté (tuteur-tutoré)
a inspiré de nombreux travaux. Des chercheurs comme Ellice A.
Forman67 ont émis l'hypothèse selon laquelle, dans
certaines conditions, les théories vygotskiennes peuvent être
utilisées, à savoir que les tuteurs de même âge que
les tutorés peuvent fournir le même type de support et de guidage
qu'un adulte. Les approches sociocognitives et socio-historico-culturelles de
Jean Piaget et Lev Vygotski ont donc largement influencé les travaux sur
les apprentissages entre pairs.
Du côté des théories de
l'éducation, de la formation d'adulte et notamment de
l'andragogie68, les spécialistes comme Malcom Knowles pensent
que « dans de nombreuses formations, ce sont les individus eux-mêmes
qui constituent la plus riche ressource de l'apprentissage.69 »
L'auteur explique qu'il est nécessaire non seulement de solliciter la
personne en formation, mais d'en faire aussi l'acteur et le centre du
processus. En formation d'adulte, le conflit sociocognitif est important. Il
s'agit de
66 L.Vygotsky, « Perspectives »,
Revue trimestrielle d'éducation comparée, Paris, UNESCO
: Bureau international d'éducation. n° 3/4, 1994 (91/92), p.
799.
67 E.A. Forman, « Discourse, intersubjectivity
and the development of peer collaboration: A Vygotskian approach », In
L.T. Winegar & J. Valsiner, Children's development with in social
contexts: Metatheoretical, theoretical and methodological issues, 1992,
143-159.
68 C'est en 1833 que le terme « andragogie
» a été cité pour la première fois par
Alexander Kapp, pour décrire la théorie éducative de
Platon, en allemand der Andragogik. On retrouve la trace de ce terme,
andragogik, en 1921 chez l'allemand Eugen Rosenstock, pour qui la
formation des adultes nécessite des enseignants, des méthodes et
une philosophie qui lui soient propres. Selon ce chercheur, l'andragogie est le
véritable moyen par lequel les adultes entretiennent un rapport
d'intelligence avec le monde moderne et représente le processus
d'apprentissage dans lequel théorie et pratique ne font qu'un processus
qui réconcilie connaissance théorique et affaire pratique au
travers d'une expérience créatrice. Dans les écrits, nous
trouvons que le concept « andragogie » est utilisé parfois en
relation avec des a priori idéologiques ou politique et,
d'autres fois, en association avec tout le champ de la formation continue des
adultes ou avec certaines de ses problématiques. Par exemple, les
chercheurs humanistes recourent au concept d'andragogie pour mettre en relief
l'autonomie de l'adulte surtout ou pour attirer l'attention sur le contexte
professionnel ou encore sur la conception de dispositifs de formation
intégrés au milieu de travail et facilitateurs de l'implication
des formateurs, des responsables de formation ou des cadres de l'entreprise
dans la formation des adultes (Knowles, 1990).
69 M. S. Knowles, L'Apprenant adulte, vers un
nouvel art de la formation. Paris. Éditions d'Organisation. 1990,
p. 72.
48
s'appuyer sur la dynamique des petits groupes qui sont
à la fois des espaces de production, d'appropriation, de
mémorisation et de débat. Bernadette Aumont, Pierre Marie
Mesnier70 décrivent deux raisons essentielles à ce
processus :
- ces espaces sortent le sujet apprenant de son isolement car
« on n'apprend pas tout seul. Les liens avec les pairs, les
personnes-ressources, l'environnement social constituent un facteur primordial
de conquête active du savoir.»
Mon activité de formatrice, par exemple, m'a permis de
constater l'intérêt de discussions instaurées en milieu
« bienveillant », c'est-à-dire un espace où chacun
respecte l'autre dans sa différence et où chaque individu peut
prendre la parole et être écouté. Ces temps que je nomme
« temps de participation active » peuvent être proposés
aux étudiants pendant des cours magistraux qui, de ce fait, ne le sont
plus vraiment. L'apprentissage est plus efficace car la participation et la
confrontation des avis créent une motivation chez les étudiants
puisque l'acquisition du savoir devient active. Ces modèles
d'apprentissage, utilisés depuis de nombreuses années, sont assez
peu développés dans le système éducatif
français. L'enseignant a encore l'habitude de donner le savoir et
l'enseigné de le recevoir. Ce phénomène explique sans
doute que mes expériences de participation active sont plus ou moins
réussies : il faut parfois plusieurs séances et des propositions
de fonctionnement explicitées régulièrement pour qu'une
dynamique de groupe s'installe.
Pour revenir à Bernadette Aumont, Pierre Marie Mesnier,
ils considèrent que :
- ces situations de groupe sont proches des conditions
professionnelles : « dans les situations ordinaires, l'action à
plusieurs, outre sa valeur immédiate, revêt aussi une valeur
d'apprentissage pour l'avenir et contribue à la constitution de savoirs.
Les interactions de travail supposent toutes, de la part de ceux qui y
participent, des inférences, des constructions de significations, des
confirmations ou réfutations pratiques venant réactiver et
enrichir un savoir préalable et contribuer à l'action
future71.»
Quelles que soient les vertus du travail collectif, ces
spécialistes considèrent qu'il ne faut pas omettre de susciter,
voire de provoquer, dans des situations de formations plurielles, un autre type
de conflit, le conflit « intra cognitif » où l'apprenant se
retrouve face à lui-même et à ses difficultés.
70 B. Aumont, P.M. Mesnier, L'acte d'apprendre,
Paris. PUF. 1996.
71 A. Borzeix, M. Lacoste, Apprentissage et
pratiques langagières, Paris. PUF.1991.
49
Si je me réfère à ma propre
expérience, je place régulièrement mes étudiants
dans ces situations, sur des temps informels, lors de leurs pratiques de soin.
Je leur demande individuellement d'expliciter leur démarche, de
justifier leurs actes et décisions, à l'oral. Je pense que ces
temps individuels leur permettent d'accéder à une forme
d'autonomie, nécessaire à leur future activité
professionnelle (ce sont des futurs libéraux, qui travailleront seuls,
par définition). Ces temps participent également à les
rassurer sur leurs compétences, à leur donner confiance. Ce sont
aussi des moments de régulation : ils leurs permettent de faire le point
sur leurs acquisitions et la maîtrise de leurs savoirs. Dans la
formation, ces temps de conflit « intra cognitif » sont
matérialisés par des temps formalisés d'examens pratiques,
de partiels. Chaque individu est évalué seul et doit prouver
qu'il a acquis des compétences, des savoirs et savoir-faire tout au long
de sa formation.
Ainsi, je partage l'avis d'Emile Bourgeois et de Jean Nizet
lorsqu'ils énoncent que la conjugaison des dynamiques groupales avec les
dynamiques individuelles apparaît aujourd'hui comme le garant d'une plus
grande productivité pédagogique, cette double dynamique
permettant à chacun de progresser, seul et avec les
autres.72
Les autres... les pairs. Le dictionnaire Larousse
définit ce mot comme un ensemble de personnes ayant la même
profession, la même fonction ou ayant le même rang, la même
dignité. En psychologie, ce terme est défini comme un ensemble de
personnes présentant des éléments communs avec un individu
(âge, milieu social, préoccupations, aspirations, etc.) et
susceptibles de l'influencer. En sociologie, on parle de groupe de pairs,
d'individus se caractérisant par leurs âges, par des valeurs et
des traditions communes qui se traduisent par des habitudes langagières,
vestimentaires, comportementales. Les pairs sont donc des individus de
même génération qui se ressemblent et qui s'assemblent. Et
inversement.
Les écrits sur la question évoquent une
éducation par les pairs, classiquement décrite comme
l'éducation des enfants, jeunes ou adultes par d'autres personnes de
même âge, partageant la même histoire, la même culture,
ou ayant le même statut social. Les classes à niveaux multiples
correspondent à une forme d'éducation par les pairs. Une classe
multi-niveaux est une classe dans laquelle on regroupe des élèves
provenant de deux niveaux ou plus, dans un même local, avec le même
enseignant. Les classes
72 E. Bourgeois, J. Nizet, Apprentissage et
formation des adultes, Paris. PUF. 1997.
50
multigrades existent depuis longtemps et se trouvent un peu
partout dans le monde. En Nouvelle-Zélande, pays qui possède le
taux d'alphabétisation le plus élevé au monde, les classes
sont à niveaux multiples. La France, les États-Unis et les pays
scandinaves connaissent depuis longtemps de telles classes73. En
France, les classes à niveaux multiples sont pourtant souvent
perçues de façon négative pour différentes raisons
: diminution du nombre d'enseignants, suppression de classes, charge de travail
trop importante pour l'enseignant, classes surchargées, manque de
ressources, peu de formation pour le personnel enseignant74...
Cependant, de nombreux rapports75 démontrent qu'il y a des
effets bénéfiques pour les élèves inscrits dans de
telles classes. Selon les auteurs, les fonctionnements de ces classes
pourraient, si on les étudiait davantage, « constituer des foyers
d'innovation pédagogique ». D'autres recherches démontrent
que le développement psychosocial des élèves de classes
multiprogrammes est équivalent, voire supérieur à celui
des élèves de classes ordinaires. Le travail des enseignants est
différent, plus orienté vers l'enrichissement du milieu que vers
la conception de situations didactiques. Ce mode en classe multiple invite les
enseignants à concevoir la classe autrement. Ces dispositifs de classe
nécessitent la mise en place de stratégies qui favorisent le
développement des compétences transversales et permet ainsi une
plus grande individualisation de l'enseignement. Les différentes
études évoquent un développement du sens de l'organisation
des élèves, de leur sens des responsabilités, une
acquisition progressive de l'autonomie, un respect des autres, plus jeunes ou
plus âgés, avec leurs différences et leurs
difficultés. Cet environnement favorise l'entraide entre les
élèves.
La formation entre pairs désigne habituellement une
modalité d'apprentissage entre les individus (adultes) d'un même
groupe ou d'une même entité. Cet apprentissage envisage « la
possibilité d'apprendre avec ses collègues, des personnes
extérieures, sans passer par le canal de transmission du formateur, ce
dernier, s'il est présent, exerçant alors une mission de
facilitateur formateur76 ». Ce mode d'apprentissage
développe le potentiel de l'intelligence interpersonnelle. Il est
particulièrement en vogue, grâce aux réseaux sociaux
notamment dans lesquels les individus interagissent et apprennent les uns avec
les autres. Un grand nombre de travaux étudient les
73 Rapports UNESCO, 1996a, CONFEMEN, 1998, Little,
2001.
74 Leroy-Audouin et Mingat, 2006.
75 Oeuvrard, 1990, DEP d'Agnès Brizard, 1995,
Ateliers UNESCO/UNICEF, 1995.
76 J. Frayssinhes. Les
pratiques d'apprentissage des adultes en FOAD : Effet des styles et de l'auto
apprentissage. Thèse de Doctorat en Sciences de l'Education -
Université de Toulouse II Le Mirail. 2011. p. 90.
51
relations sociales entre pairs dans le milieu scolaire en se
concentrant notamment sur le groupe-classe sans tenir compte de la
diversité des contextes au sein desquels peuvent se créer et
évoluer ces relations. En effet, outre l'environnement scolaire, les
jeunes entretiennent des relations avec leurs pairs dans d'autres milieux tels
que le quartier, les associations sportives ou culturelles. Mais surtout
aujourd'hui, c'est l'extension des moyens de communication qui va venir
diversifier d'autant plus ces milieux. Les différents espaces en ligne
(blog, Facebook, MicroSoft Network - MSN-, Twitter...) permettent aux individus
de se connecter avec leurs pairs par de nouveaux et nombreux moyens. La plupart
des personnes utilisent ces réseaux en ligne pour passer plus de temps
avec leurs amis mais également, chez les plus jeunes, pour entretenir
des rapports avec des camarades éloignés. Ils cherchent ainsi
à étendre leurs relations amicales au-delà des contextes
familiaux, scolaires et des activités sportives. Ainsi, l'influence que
les pairs exercent sur le jeune individu ne se résume pas à celle
qui se joue dans la classe, dans le collège, le lycée ou
l'université. Les apprentissages « entre soi » participent
également aux attitudes, aux comportements, à
l'intégration de langage, sorte « d'habitus » qui
caractérise un groupe d'individus, jeunes ou adultes. Peut-on alors,
à l'instar de Marc Nagels77, affirmer que l'apprentissage par
les pairs est une finalité, une valeur, une intention, ou même une
perspective en termes d'apprentissage humain? Les apprentissages entre pairs
sont-ils une variable anthropologique ou une variable d'un dispositif de
formation? L'apprentissage par les pairs peut être classé avec les
modalités « participatives », « collaboratives »,
« magistrales », « à distance »... qui
caractérisent un dispositif de formation. C'est alors du
côté du « rapport au savoir » et des compétences
qu'il faudra aller chercher. Depuis plusieurs décennies, des chercheurs
en différentes disciplines mènent des recherches sur ce rapport
au savoir. Les angles d'approches sont parfois différents mais ces
chercheurs ont en commun le souci d'examiner les phénomènes qui
faciliteraient ou entraveraient la construction des apprentissages. Jacky
Beillerot, lors de sa soutenance de thèse en 1987 Savoirs et rapport
au savoir, a donné des définitions de cette notion. Selon
lui, le rapport au savoir est la disposition d'un sujet envers le savoir qui
met en jeu son histoire entière, sa façon de savoir, d'apprendre,
son désir de savoir. Et on apprend rarement seul...
77 M. Nagels est coordinateur
pédagogique du Master 2 IPFA, Université Paris Ouest Nanterre La
Défense. Ses thèmes de recherche développés
correspondent à l'approche par les compétences dans
l'enseignement supérieur paramédical à la lumière,
conjointement, de la théorie sociocognitive et de la didactique
professionnelle.
52
Les différents auteurs ayant traité de
l'apprentissage entre pairs s'accordent pour exprimer que « entre pairs,
on se comprend », « entre pairs, on se respecte et on co-apprend
», que « être entre pairs », c'est « donner,
échanger, mutualiser, partager ».
Ces écrits me confortent dans mon appréhension
des situations que j'observe, des moments d'apprentissage entre soi, entre
individus qui se rassemblent et qui apprennent ensemble. L'objet de ma
recherche est ainsi plus clairement identifié : la notion
d'apprentissage entre pairs met au centre les interactions humaines. J'ai
choisi de porter un regard particulier sur ces situations, en me
déplaçant, en faisant un pas de côté, pour les voir
autrement...
Mes observations, mes lectures, mes entretiens se sont
entremêlés dans un processus spiralé que j'ai choisi :
laisser remonter les informations pour être au plus près de ce qui
se passe, à l'instar de Howard S. Becker pour qui « étudier
la société, c'est faire des allers-retours incessants : observer
le monde, penser ce que l'on a vu et retourner observer le
monde78.»
Les hypothèses que j'ai progressivement
dégagées rompent avec les visions spontanées du monde
social de l'apprentissage entre pairs. Voilà pourquoi mon travail
d'analyse et de réflexions sur les données recueillies s'est
construit autour des questions suivantes:
- Cette situation « entre pairs » permet-elle
l'élaboration d'une posture professionnelle ?
- « Apprendre entre soi » influence-t-il une
construction identitaire professionnelle ?
- Cette activité collective est-elle porteuse de
potentiels d'apprentissages plus importants ?
Les étudiants pédicures-podologues apprennent
à exercer une profession pendant leur formation. N'apprennent-ils pas
autre chose que leur futur métier ?
|
|